Quand la diffamation, les commérages, la manipulation deviennent la nourriture des vertueux militants des droits de l’homme !

« La première chose que l'indigène apprend, c'est à rester à sa place, à ne pas dépasser les limites; c'est pourquoi les rêves de l'indigène sont des rêves musculaires, des rêves d'action, des rêves agressifs. Je rêve que je saute, que je nage, que je cours, que je grimpe. Je rêve que j'éclate de rire, que je franchis le fleuve d'une enjambée, que je suis poursuivi par une meute de voitures qui ne me rattrapent jamais. Pendant la colonisation, le colonisé n'arrête pas de se libérer entre neuf heures du soir et six heures du matin. Cette agressivité sédimentée dans ses muscles, le colonisé va d'abord la manifester contre les siens. C'est la période où les nègres se bouffent entre eux et où les policiers, les juges d'instruction ne savent plus où donner de la tête devant l'étonnante criminalité nord-africaine. » Les Damnés de la Terre (1961), Frantz Fanon, éd. La Découverte poche, 2002, p. 53-54

C’est un signe des temps qui courent, marqués par une sécheresse intellectuelle et morale. Certains militants des droits de l’homme qui ont longtemps arboré le manteau de la vertu, de la lutte contre les injustices, contre le mensonge et pour la défense du faible n’éprouvent plus de scrupules à inventer des histoires directement sorties de leur imagination fertile pour salir l’honneur d’autres hommes. La pratique n’est pas nouvelle. Du temps où je militais activement contre la dictature d’Ould Taya le sinistre, ces méthodes étaient de mise. « Traitres à la nation », « haute trahison », « connivence avec les puissances étrangères »,  « intelligence avec une puissance ennemie », « valets d’Israël »… les chefs d’accusation ne manquaient pas. Ironie du sort, quelques uns parmi ceux qui relayaient ces fausses informations pour le compte d’Ould Taya sont depuis, devenus, prétendent-ils, des militants des droits de l’homme (mieux vaut tard que jamais) sans jamais faire un inventaire ni s’excuser de leur compagnonnage coupable avec Ould Taya et ses lieutenants.

L’accusation la plus facile consiste à faire porter l’insulte (oui c’est une insulte) d’appartenance aux services de renseignement. De grands militants ou hommes de presse en ont été victimes sans preuves (la dernière en date fut Claude K de CRIDEM). Alors, franchement, que je sois sur cette liste de victimes de la bêtise et du mensonge est presque un honneur (après Jemal Ould Yessa, Mohamed Fall Ould Oumeir et d’autres encore…).

Quand vous refusez de faire allégeance à un homme vous devenez le diable, le sorcier et on en appelle à votre lynchage public, comme les vieilles femmes qu’on accuse de sorcellerie dans certains pays d’Afrique. Les journalistes et les intellectuels Mauritaniens qui refusent de soumettre leurs textes avant publication à ces prétendus défenseurs des droits de l’homme en savent quelque chose. Des prix internationaux et une candidature à la présidentielle valent bien une entorse à la morale, à l’honnêteté, au sens de l’honneur et de la dignité. Il faut mentir, allumer des contrefeux, faire de la mousse et le buzz. On nage en pleine paranoïa et on s’emmure dans une position victimaire : victime de complots imaginaires pour mieux organiser les pogroms et les procès en sorcellerie. A force de mentir effrontément on en arrive à ne plus savoir quand ils disent vrai et quand ils affabulent.

On comprend dès lors pourquoi certaines luttes piétinent. Pour ceux qui sont en France, comparez un peu les mobilisations citoyennes d’aujourd’hui avec ce qu’elles étaient dans les années 90 ou plus récemment dans les dernières années du régime d’Ould Taya (avec Ba Mamadou Bocar, Diop Moustapha, Jemal Ould Yessa, feu Mourtodo Diop et bien d’autres encore) ou même pendant la résistance au renversement de Sidi Ould Cheikh Abdallahi ! Se demande-t-on s’il y a un rapport entre les commérages, les accusations sans fondements, les suspicions gratuites et la désaffection que connait la mobilisation ? A partir du moment où même la morale a déserté le champ, que peut revendiquer le militant des droits de l’homme de plus que celui du camp qu’il prétend combattre ?

Quand on a la prétention de porter certaines causes, on se doit d’être moralement et éthiquement irréprochable. Il est impardonnable à  un militant des droits de l’homme de porter des accusations sans preuves ou de procéder sciemment à des montages grotesques. C’est plus impardonnable de la part d’un militant de causes justes que de la part d’un camp réputé familier des violations des droits.

Mais quand on a servi Ould Taya avec les méthodes qu’on sait, on comprend qu’il soit difficile de se débarrasser des vieilles habitudes. Heureusement que la justice est là pour trancher les questions de diffamation et d’atteinte à l’honneur des citoyens. Heureusement que dans ce naufrage, des personnes qui n’ont pas perdu la raison et le sens de l’honneur expriment leur indignation et leur dégoût de ces pratiques. Parce que c'est vraiment "la période où les nègres se bouffent entre eux".

Pour ma part, si je n’ai pas donné suite aux sollicitations que j’ai reçues -jusqu’ici- pour travailler en Mauritanie, ce n’est pas parce que servir l’Etat est une infamie ou une trahison. Une chose est sûre, si je devais aller soutenir le pouvoir, j’ai beaucoup de choses à y faire valoir sans avoir à m’avilir ni à m’en excuser. Il faut un profil, une certaine idée de soi pour certaines choses. Le jour où je serais agent de renseignement ce serait juste après avoir soutenu Ould Taya (oui, Ould Taya) et juste avant d’aller me pendre. Promis, par le nom d’Allah, Le Juge ultime ! Et Il jugera inchallah. Pouah ! Tchim !

Abdoulaye DIAGANA

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