La maire saura-t-elle devenir notre « Poubelle » ?

A la suite des récentes élections municipales, la capitale mauritanienne, s’est dotée d’une maire centrale comme présidente de la Communauté Urbaine de Nouakchott (CUN), qui regroupe les 9 municipalités de la ville.

 

Si on ne peut que saluer cet événement, premier du genre, et qui consacre le rôle grandissant de la femme dans la gestion des affaires publiques, on se doit aussi de mettre en exergue l’ampleur et la complexitéde la mission dévolue à l’intéressée.

MmeMaty(c’est son nom), aura la difficile tâche de gérer, pour cinq ans au moins, une ville qui abrite des habitants dont le nombre est estimé au tiers de la population totale du pays.

Créée peu de temps avant l’indépendance de 1960 pour constituer la capitale politique de la République naissante, Nouakchott a connu peu de temps après, un début de pression démographique asphyxiante. L’exode des populations rurales,  en raison des sécheresses successives qui ont frappé le pays de plein fouet à partir de 1969, a été suivi, durant les deux dernières décennies du siècle dernier, par ce qu’on peut appeler « la ruée » vers les terrains.

Par l’effet de la spéculation, et le blanchiment (ou terrassement) de l’argent public par les hauts fonctionnaires, les parcelles de terre, loties ou non, étaient devenues des valeurs « immobilières » très convoitées.

Le moins qu’on puisse dire, est que la ville n’était pas préparée à accueillir, autant de monde en si peu de temps. En l’absence de normes et/ou schémas urbanistiques viables, d’infrastructures structurantes convenables, et de ressources humaines capables, on s’est limité, situation oblige, à gérer l’urgence. Et comme l’avait dit Edgar Morin « àforce de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel.».

 

Même si elle a permis une légère amélioration, la décentralisation entamée depuis le milieu des années 80 est restée inefficiente en raison de la promiscuité avec une administration centrale encombrante, vorace, et envahissante. La « cohabitation » qui s’est imposée souvent à Nouakchott entre le pouvoir et l’opposition n’a pas, non plus, facilité les choses.

 

Pourtant, la situation demandait des solutions appropriées qui, plus elles tardaient à être prises, devenaient de plus en plus difficiles aussi bien à concevoir qu’à mettre en œuvre.

Par l’inertie et le laisser aller, l’insouciance et l’irresponsabilité, on a laissé pourrir une situation qui, au lieu de constituer une sédentarisation maitrisée des populations venues des terroirs, on a été complice de la  ‘’campagnardisation’’ de notre jeune capitale.

Ainsi, les flux migratoires susmentionnés, ont connu la transposition en « ville », du mode de vie bédouin tel quel. Les familles sont venues, qui avec sa chèvre ou son âne, qui avec sa vache ou sa chamelle, sans oublier la tente.

En ville, les comportements sont donc demeurés, ceux de campagnards, et l’organisation de la capitale celle de campement. En brousse, on jette n’importe quoi, n’importe où, le campement pouvant (et devant) déménager au gré des pâturages et de la transhumance. Les bédouins sédentarisés que nous sommes devenus, ne sont jamais parvenus à changer cette manière de faire, ou cette façon de vivre,en communauté.

En conséquence, l’occupation et la préoccupation de tous les gestionnaires de la ville de Nouakchott, a toujours été, et je crains qu’elle ne le demeure encore pour un bon bout de temps, la salubrité publique.

Consciemment, je n’ai pas parlé d’assainissement, qui est plus global, et qui constitue, de toute évidence, une nécessité et une urgence pour notre (potentiellement) belle capitale. Mais pour deux volets d’assainissement, je suis soit confiant, soit patient. Je suis confiant pour ce qui est des eaux de ruissellement/stagnantes. J’ai vu qu’en haut lieu on s’occupait de ça : on pompe. La patience est pour les eaux usées. Chacun s’occupe, à grands frais, de sa fosse septique, en attendant une solution collective. Au moment de vider la fosse ( par pompage aussi ), les voisins n’ont qu’à se tenir le nez pendant une demi-journée. Et la réciproque est valable à la saturation des ‘’chiottes’’ des valeureux et sympathiques voisins.

Le principal défi, pour la CUN est donc la salubrité : les ordures ménagères et animalières, et les déchets industriels ou commerciaux. Ce sont elles qui ont toujours absorbé tous les efforts et engloutit tous les moyens de la mairie, sans pour autant arriver à assurer la propreté de la cité.

Pour arriver à une ville propre, il faut nécessairement imaginer et mettre en œuvre un système de collecte, de ramassage, et de traitement des ordures. Ces déchets que nous appelons communément les poubelles, sans savoir d’où nous vientcette appellation et les efforts qui sont à l’origine de sa notoriété.

La poubelle, à l’origine, est le réceptacle pour la collecte des ordures. Il a porté le nom de son illustre inventeur :« Eugène-René  Poubelle, juriste, administrateur et diplomate, qui devint préfet de la Seine en 1883. Ses actions pour améliorer l'hygiène de la ville de Paris ont conduit à l'utilisation de son nom pour désigner les réceptacles à ordures. Il est aussi à l'origine de la mise en service du tout-à-l'égoutce qui reçut un bon accueil du public à la suite de la résurgence du choléra en 1892 ».

En voyant le titre de ce billet, certains auraient sans doute pensé, hâtivement,  que je voulais banaliser Madame la maire. Loin de moi toute velléité de ce genre. Mon éducation me l’interdit, et l’intéressée a plutôt bonne réputation et bénéficie, pour son action, de la présomption de bonnes intentions. Elle sera jugée aux actes.

Mon souci est simplement de montrer que face à des problèmes d’ampleur effrayante comme celui de la salubrité de notre capitale, comme celle de toutes nos villes, des idées simples peuvent s’avérer particulièrement efficaces. Aussi, derrière ces idées d’apparence banales, se cachent souvent, de grandes personnes comme le fut Eugène-René Poubelle.

Les grands croient à des idées, les défendent, trouvent les arguments pour convaincre, font des choix pertinents, adoptent des méthodes efficientes, recherchent des moyens appropriés pour la mise en œuvre, ciblent des impacts favorables réels, et s’évertuent à obtenir des résultats durables.

Paris au 19 èmesiècle et Nouakchott au 21 ème,  les contextes temporels et sociétaux sont, de toute évidence, différents. Il n’en demeure pas moins que les problèmes se ressemblent à s’y méprendre. Il suffit de trouver une solution adaptée à nos réalités, pour pouvoir nous débarrasser de nos insalubrités. C’est là où tous doivent attendre Madame la maire. Attendons de voir si, à l’issue de son mandat, Maty réussira à devenir notre « Poubelle » national (e).

 

DEBELLAHI

 

Source : Elhourriya (Le 8/02/2014)

 

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