Une vidéo provocante déclenche une forte réaction en Mauritanie

Les jeunes rappeurs mauritaniens ont encore frappé. Après un célèbre clip vidéo à l'automne dernier qui a conduit à l'audition de ses auteurs par la police, une nouvelle vidéo va encore plus loin.

"Les yeux dans les yeux", vidéo publiée le 2 janvier, porte un nouveau coup aux franges les plus conservatrices de la société mauritanienne.

Selon Mauriweb, "La sortie de cette nouvelle vidéo, à la suite de 'It started from Nouakchott' est vue comme une réponse des jeunes branchés de Nouakchott à la condamnation, par le système juridique, de la publication de telles vidéos. La jeune Leyla Moulaye, qui est apparue dans la précédente vidéo, avait été fortement critiquée, car ses cheveux n'étaient pas couverts".

Cette fois-ci, les producteurs non identifiés de cette vidéo sont allés plus loin avec ce nouvel opus, représentant deux jeunes amoureux adoptant des positions dangereusement érotiques.

"Le changement d'attitude parmi les jeunes est un phénomène inéluctable de l'ère moderne, dû à la mondialisation centrée sur l'immense pouvoir des nouvelles technologies d'information et de communication", a déclaré à Magharebia le sociologue Bouna Ould Moktar.

"La société mauritanienne est divisée par un débat d'une portée considérable sur la morale et les valeurs", a noté Ali Diarra, étudiant à l'université de Nouakchott. "Les jeunes, qui se retrouvent marginalisés, se servent des canaux les plus utilisés de nos jours pour exprimer leur frustration".

Marième Fall, une autre étudiante, a déclaré qu'elle pensait que la nouvelle vidéo ne contenait "rien de choquant".

"En fait, c'est une vidéo assez artistique", a-t-elle ajouté. "Malheureusement, dans ce pays, non seulement l'on n'aide pas les jeunes à s'accomplir, mais on les limite délibérément".

Étudiante elle aussi, Mariem Mint Sid'Ahmed a réagi de manière complètement différente au clip.

"Cette vidéo est une insulte à toute la société mauritanienne", a-t-elle affirmé. "Nous sommes les descendants des Mourabitounes, et nous ne devons pas laisser notre terre sacrée être souillée par des jeunes exclus et dépravés."

"La société mauritanienne est farouchement conservatrice, mais elle ne peut pas échapper aux changements qui commencent à émerger", a déclaré le sociologue Ba Bokar. "Et ce sont ces groupes de rap qui semblent avoir le plus d'effet".

"Prenez par exemple un groupe comme Diam Min Teky ('les porteurs de la vérité'), venant d'un quartier ouvrier de Nouakchott. Leur message consiste à défier et à rendre les gens conscients, en attaquant les excès de la société mauritanienne", a-t-il ajouté.

Le célèbre blogueur mauritanien Chezvlane s'est également prononcé, déclarant : "nous devons lutter contre ceux qui veulent briser l'esprit des jeunes, même s'ils ont un peu déraillé. La vie s'occupera d'eux".

"Nous devons défendre les jeunes, dont les tendances naturelles naturelles sont à l'ouverture", a écrit Chezvlane.

Selon le chanteur Hamet Sarr, les rappeurs sont souvent mal compris et représentés comme des "délinquants".

"C'est une grave erreur, car ce sont de vrais artistes qui créent de belles choses et aident à stimuler la société", a-t-il ajouté. "Lorsque vous les écoutez et que vous vous intéressez de près à eux, vous pouvez voir que ce sont des jeunes qui comprennent réellement les problèmes sociétaux et qui méritent le respect".

Bakari Guèye 

Source  :  Magharebia le 17/01/2014{jcomments on}

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