Vous avez employé le mot « antijuif » pour qualifier et stigmatiser les propos et toute l’attitude de l’humoriste Dieudonné. Vous avez condamné violemment sa petite entreprise de haine et son spectacle attentatoire à la dignité humaine.
MAKING OF
Tous les antijuifs ont été répétitivement et, sans doute à juste titre, condamnés par vos soins à l’opprobre, notre république ne veut plus voir ni entendre de gens qui distillent la haine des juifs en tant que tels.
Malheureusement pour moi et quelques autres, vos propos ne distinguent pas les vrais antijuifs des faux et vous avez ainsi livré à l’opprobre et à la vindicte publique quelques personnes, dont moi, qui suis traité d’antijuif par une certaine propagande pro-israélienne qui s’exprime sur plusieurs sites internet.
Si vous tapez « antijuif » sur le moteur de recherche Google, vous ne tarderez pas à voir apparaître mon nom et vous pourrez lire des textes aussi insultants que mensongers me concernant.
Dans la liste des « normaliens antijuifs »
Qui ne me connaît pas peut ainsi voir en moi un pâle émule de tous les antisémites notoires qui ont sévi dans notre pays, encore que la liste des antijuifs soit assez surprenante puisqu’on y trouve Voltaire et Proust, mais pas Céline, pas les sinistres auteurs des lois elles vraiment antijuives de Vichy, Brasillach, Alain Badiou sorte d’antijuif-chef, Alain Juppé, etc.
Je sais pourquoi j’apparais dans la liste des normaliens antijuifs que publie un dénommé Marcus Dornbusch et qui est reprise dans plusieurs sites de propagande pro-israélienne.
Je me suis élevé contre l’interdiction de la venue à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Stéphane Hessel en décembre 2011, dans un message adressé à la directrice de cette école ayant pris la décision d’interdiction et à une trentaine de personnes à peu près toutes anciens ou anciennes élèves de l’ENS.
J’y faisais part de ma conviction profonde que la colonisation israélienne dans les territoires occupés est, comme toute colonisation, dégradante pour le colonisateur comme pour le colonisé : l’essentiel de ma vie militante a été consacrée de 1956 jusqu’à 1962 à la lutte pour la décolonisation et contre la guerre d’Algérie.
Je m’en prenais au Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) qui, bien qu’elle s’en défendit, avait fait pression sur Madame Canto-Sperber pour la faire revenir sur une première autorisation qu’elle avait donnée à la venue à l’école de Hessel.
Ce n’était pas Hessel qui menaçait l’ordre public, c’était les jeunes excités se recommandant du Crif qui menaçait de venir en découdre avec la « racaille gauchiste » qui comme chacun sait pullule au 45, de la rue d’Ulm. C’est ce message qui a déclenché les injures que m’a adressées à plusieurs reprises depuis un de mes camarades de promotion Marcus Dornbusch et que ces injures fleurissent sur le Net.
« Je suis un quart de juif »
Maintenant, je suis obligé de me présenter à vous : je suis un quart de juif, ma grand mère paternelle était tout à fait juive. Mon père professeur agrégé de français-latin-grec a été mis à pied par la deuxième vague de lois antijuives du gouvernement de Vichy.
Je vis depuis 48 ans avec une femme juive, mon épouse, aussi juive qu’on peut l’être, de ces juifs qui au XVe siècle ont été chassés d’Espagne par les rois catholiques.
Mon activité professionnelle, pour l’essentiel dédié à l’enseignement et à la recherche au sein de l’université Paris-Diderot, m’a valu d’être plusieurs fois décoré, je suis officier de l’ordre du national du mérite, officier de la légion d’honneur, commandeur des palmes académiques, je suis aussi membre correspondant de l’académie des sciences et docteur honoris causa de deux université étrangères.
Je suis, comme beaucoup de gens, hostile à la politique israélienne dans les territoires occupés et par dessus tout hostile à la colonisation qui se poursuit en dépit de multiples condamnations de l’ONU ou, concernant le mur, l’arrêt du Tribunal international de La Haye qui le juge illégal et exige sa démolition par le gouvernement d’Israël. Cela ne me fait pas antijuif, ni antisémite, ni raciste.
Officines de propagande racistes
Il devrait être clair à vos yeux qu’à visage presque découvert opèrent en France et sévissent sur le Net des groupes de propagande pro-israéliens qui utilisant les mêmes méthodes que celle des antisémites traditionnels c’est-à-dire pratiquent le mensonge, l’insinuation, la grasse plaisanterie, la calomnie, la menace.
Le B.A.-BA de cette méthode est de traiter d’antisémite, d’antijuif, toute personne, juive ou non, qui ose désapprouver publiquement la politique israélienne, l’opération plomb durci, le mépris de toutes les résolutions des Nations Unies et ce qui en fait justifie tout cela à savoir la certitude que le peuple juif est le peuple élu (n’est-ce pas lui qui a le plus grand nombre de prix Nobel ) et que leur occupation des terres palestiniennes est légitime.
Ces officines de propagande sont parfaitement complètement racistes, ont des buts et des méthodes racistes.
Je fus en Palestine, envoyé par mon université en je crois 1995, peu après les accords d’Oslo, en un temps où la situation était meilleure qu’aujourd’hui et j’ai vu comment les Palestiniens, quelque soit leur rang, leur situation, leur savoir étaient soumis à des humiliations quotidiennes et sans fin par la soldatesque israélienne, outre qu’ils sont de fait prisonniers dans leur propre pays.
Critiquer Israël n’est pas un acte antisémite
Je pense, Monsieur le ministre qu’il est de votre devoir de ministre de la République de faire deux choses :
- de dire de la façon la plus claire que les citoyens, juifs ou non juifs, qui désapprouvent même publiquement la politique israélienne ne sont pas pour autant antisémites, ni antijuifs, ni racistes ;
- de faire cesser les agissements des sites et officines de propagande pro-israélienne qui polluent le Net d’imprécations, de mensonges, d’insultes et de menaces.
Votre action ne peut être crédible donc efficace que si elle s’adresse à tous les racismes, celui dont souffrent les Palestiniens, victimes d’un apartheid de fait, n’est pas plus tolérable que le autres.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le ministre, l’expression de ma très haute estime et de mes sentiments les plus dévoués.
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