Mauritanie : la percée d’un islamisme de déraison

L'affaire du fils du Hakem de Nouadhibou n'est que la dernière d'une série appelée à s'étoffer dans un contexte où les autorités politiques, religieuses et dans une certaine mesure sociales, laissent tranquillement s'installer un islamisme wahhabite venu d'Arabie Saoudite, d'où l'usage de la raison serait complètement exclu. 

La même déferlante haineuse que lors de l'affaire de l'incinération des livres dits de rite malékite par Birame Ould Abeid en 2012. Les mêmes populations spontanées ou instrumentalisées qui se ruent à bride battue sur un apostât supposé qui doit être trucidé quitte à motiver avec quelques milliers d'euros de récompense.

Au-delà du contenu du texte de Mohamed Cheikh Ould Mohamed, qui n'a absolument rien de blasphématoire, même s'il peut être discutable sur certains points, en toute raison et en tout calme surtout, cette affaire confirme le début de la fin d'une période d'un islam "tolérant et de raison" dont les mauritaniens s'enorgueillissaient. Que dit-il? Que la marginalisation d'êtres humains en fonction de leur statut social, leur origine ethnique ou toute autre considération temporelle (en l'occurrence ici la caste des forgerons mauritaniens dont il est issu), au nom de l'islam ne va pas dans le sens de l'esprit du texte même du Coran (la religion). Toute autre interprétation raciste et déconsidérante de la personne au nom de ses origines, procèderait d'un jugement humain, donc faillible et orienté des textes divins (la religiosité).

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Nul besoin de couiner comme un bœuf qu'on égorge après cela, comme des centaines de manifestants l'ont fait sans savoir de quoi il s'agissait. Ou comme un pseudo érudit, tel l'imam de la grande mosquée de Nouakchott, qui exhorte l'état à user de la force pour "empêcher les personnes inconscientes de nuire à l'islam".

Des oulémas comme cet Ahmedou Ould Lemrabott, pour la plupart aux pieds des pouvoirs successifs, ne délivrent fatwas et avis, que par rapport aux intérêts d'un groupe particulier. Ce que justement Biram Ould Abeid avait voulu démontrer en brûlant les livres, que les mêmes autorités ont voulu immédiatement faire passer pour une incinération du Coran même. La même falsification des faits et là des mots de Mohamed Cheikh se retrouve : on veut éviter de mettre le doigt sur l'engrenage de la différence entre "religiosité et religion" dont le jeune "Moualamine" pose bien le questionnement. Dans la pratique cela reviendrait à replacer l'Islam à la place qui lui revient : dans l'esprit et le cœur, et éviter que des illuminés fanatisés et rigoristes nous disent qu'une femme qui conduit peut donner naissance à des enfants malformés, ou qu'aller sur mars est anti-Islam. Cela reviendrait à réintégrer l'usage de la raison dans l'Islam, qui manque cruellement à la plupart des oulémas (ceux qui l'ouvrent en tout cas), de plus en plus inspirés par le wahabbisme saoudien, qui arrive parcimonieusement et avec efficacité idéologique de ses pétro-dollars, constructions de mosquées et sessions de formations, à scléroser cet islam en Mauritanie longtemps d'inspiration soufie, tolérante et raisonnable. Et bientôt, comme cet ouléma saoudien, on dira qu'il n'y aura plus d'élections en Mauritanie, car celles-ci seraient "Haram" (illicite). 

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Nous serions curieux de voir aujourd'hui comment ces messieurs auraient réagi en voyant un individu uriner dans une mosquée. Ils se seraient certainement rués sur lui pour le tuer immédiatement. Et le pauvre, contrairement au Hadith rapporté par Abou Hourayra, n'aurait pas été sauvé de la vindicte aveugle, ignorante et  populaire par le Prophète Mohamed (PSL), qui avait alors retenu la foule en disant simplement que le bédouin n'avait rien fait qui méritait la mort : "Laissez-le et versez un seau d'eau sur son urine. Vous êtes envoyés pour faciliter les choses et non pour les compliquer". L'inverse de toutes les exhortations de nos désœuvrés oulémas, qui n'en ratent pas une pour envenimer les choses. 

MLK

Source  :  Noor Info le 07/01/2014{jcomments on}

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