Le Calame : La CENI a fini, après un gros retard par publier les résultats du scrutin 23 novembre. Vous ne devrez pas être surpris des résultats après tout ce que vous reprochez à cette commission et au pouvoir ?
Messaoud Ould Boulkheir : Je ne suis pas du tout surpris par la gestion calamiteuse des opérations électorales du 23 novembre, tant il est vite apparu, même aux profanes et, en tout cas, à toute personne gardant encore un minimum d’honnêteté, de sens moral ou de sens des responsabilités, la honteuse incompétence, la dégradante ignorance, la faiblesse maladive, la prétention démesurée et l’indécente malhonnêteté intellectuelle de «l’Institution» chargée de les conduire. Personne, en participant au choix de cette «élite,» de ces «oiseaux rares,» ne pouvait imaginer que l’erreur serait aussi désastreuse et fatale.
Au vu de ce qui s’est passé, nos sept désormais illustres sexagénaires, depuis leur choix catastrophique, au lieu de s’appliquer à connaître leur mission et à découvrir les mécanismes capables de les aider à l’accomplir dans les conditions les meilleures, se sont plutôt investis à s’enrichir par tous les moyens, surtout les plus douteux, pensant reconstituer par ce moyen une nouvelle carrière en substitution d’une première, qui apparemment, ne semble avoir été qu’une accumulation d’échecs, de rancœurs et d’occasions ratées.
-Au-delà de ce que vous reprochez à la CENI, quelle appréciation vous faites de la place de votre parti ?
-Bien, qu’ils soient très en deçà de ce que tout le monde pouvait imaginer, si les conditions de ces élections avaient été différentes, ils sont, au jour d’aujourd’hui, les meilleurs que le parti ait jamais enregistrés parce qu’il a réussi à présenter, pour la première fois, plus de cent cinquante listes municipales et près de trente listes législatives. Sur l’ensemble nous avons déjà engrangé sept députés, ce qui consacre d’ores et déjà le dépassement de notre dernier résultat électoral (cinq députés) de deux unités. Il s’ajoute à cela qu’il y a aussi pour nous, la probabilité de participer au second tour des élections législatives à Monguel, Boghé, Atar et Barkéol où l’espoir de gagner d’autres sièges reste présent.
Ceci est la preuve par les chiffres que le parti gagne du terrain au lieu d’en perdre comme le prétendent les oiseaux de mauvais augure.
Il est vrai que nous avons injustement perdu le contrôle d’une importante commune (Zouerate) et que nous sommes en ballotage favorable dans celle de Sélibabi, mais cela non plus n’est pas une preuve suffisante pour conclure au déclin du parti, qui n’a jamais pris autant d’ampleur que présentement, ce qui explique en partie l’acharnement de tous contre lui. En effet, pour tous les acteurs, c’est plus A.P.P. qu’il faut abattre que l’U.P.R., parce que A.P.P. est le référentiel par rapport auquel chacun aime à se situer ou se comparer.
Cela ajoute à la pression mais n’est pas sans constituer un réel motif de satisfaction, voire de fierté.
Nos détracteurs, qui ne sont pas que de l’extérieur, peuvent toujours mener campagne à propos de prétendues contreperformances parce qu’ils ont été tenus à l’écart de la campagne et des investitures, mais ce qui est sûr c’est que ces résultats auraient été bien pires avec eux car depuis qu’ils sont au parti, ils n’ont jamais contribué qu’à le saper de l’intérieur en conduisant et/ou encourageant tous les complots dont il a été victime, à défaut de l’enrichir d’un seul nouvel adhérent, de la moindre contribution matérielle ou financière ou, pour le moins, de la moindre bonne idée. Leurs mensonges ont fait beaucoup de mal au parti et c’est l’occasion, peut-être la dernière, de les mettre en garde et de les appeler à arrêter, s’ils ne veulent pas revenir à un passé dont ils n’ont jamais tiré ni gloire, ni encore moins un quelconque résultat électoral.
Pour conclure, A.P.P. progresse malgré la CENI et malgré les comploteurs de tous bords.
-Ne pensez-vous pas comme certains qu’APP aura été le principal perdant de ces élections en se plaçant, dans certaines circonscriptions derrière des partis naissants comme El Wiam, Sursaut, Karama, PUD ?
–Ceux qui courent derrière les résultats électoraux chiffrables pourraient le penser, même au risque de se tromper, mais ceux qui voient plus loin et plus haut vous affirmeront que le parti n’a jamais engrangé autant de réussites qu’avec l’organisation de ces élections que tous considéraient comme un pari intenable, et ce en dépit de la honteuse catastrophe qu’a constituée la prétendue CENI qui n’aura joué concrètement qu’un seul rôle : Celui de tenter d’humilier son pourfendeur en lui fabriquant des résultats très minorés. Il est également clair pour tous que le parti fait sa politique et investit ses candidats sur la base d’un projet de société crédible et permanent qui fait de plus en plus de nouvelles émules, loin des canaux tribaux, identitaires ou autres…empruntés à l’envi ici ou là.
– A votre avis, n’y aurait-il pas, d’autres raisons, en plus de l’implication du pouvoir, de ses démembrements, de la fraude et les manquements de la CENI pour expliquer ce qu’on pourrait qualifier de « contre-performance d’APP ?»
–Les spéculations et les commentaires sont plus le job des observateurs (surtout quand ils sont journalistes) que des acteurs (surtout quand ils sont politiques)
-Certains expliqueraient le classement d’APP par le « mauvais choix de ses candidats », parce que, contrairement aux autres grandes formations en compétition, APP, non seulement n’aurait fait « le bon choix », mais n’aurait pas également respecté « les équilibres ethniques » pour ses listes nationales mixtes, des femmes et régionale de Nouakchott. Qu’en pensez-vous ?
–Pour de rares cadres, le choix sera toujours mauvais quand il ne porte pas sur eux. La chasse aux «postes» électifs ou autres, reste la principale raison de l’adhésion au parti, même si, en général ce sont ceux-là mêmes qui ne lui apportent rien mais qui veulent en accaparer tous ses bénéfices. Ils n’ont ni le courage, ni l’envergure de se présenter au niveau local par peur de mettre à nu l’insignifiance de leur prétendu poids électoral et/ou tribal, s’il y a lieu, mais ils veulent par contre arriver sur le dos de la large base des exclus, des laissés pour compte et d’un président de parti qui aura permis, directement ou indirectement bien des ascensions, surtout des plus inattendues et qui, pour cette raison n’est plus perçu qu’en usine de recyclage des déchets. S’agissant des équilibres, je n’en connais pas qui en aient jamais tenu compte plus que A.P.P., même si cela ne lui a jamais valu la moindre reconnaissance parce que cela n’a jamais été bien payé en retour.
-Que répondez-vous à ceux estiment qu’APP paie aujourd’hui la « proximité », pour ne pas dire le soutien de son président au président Mohamed Ould Abdel Aziz qui, pourtant, se plaignent certains militants du parti, se refuse à lui rendre la monnaie de sa pièce ?
–Je pense que ce discours a tellement été développé qu’il n’accroche plus parce qu’il a été démontré et prouvé que l’intérêt général du pays et de ses habitants a toujours été au centre de mes préoccupations et de mes positions. Tout le monde s’acharne à faire de moi une copie de tout le monde, mais je suis différent et ne ressemble qu’à moi-même, n’en déplaise à mes détracteurs et à mes ennemis.
-Lors de votre dernière rencontre avec lui, vous n’avez pas manqué d’exprimer votre grande déception par rapport aux manquements et irrégularités qui ont entaché le scrutin du 23 novembre. A-t-il partagé cette déception et qu’attendez-vous de lui?
–Je lui ai fait étalage de mes états d’âme face aux irrégularités dont ont été victimes les participants au scrutin, le ciblage en particulier de A.P.P. par la CENI et les réactions violentes et gratuites des forces répressives, aux protestations pacifiques de nos militants à Zouerate, Nouadhibou, Barkéol et Kaédi où nos cadres (dont au moins un député) ont été chargés, gazés, battus, blessés et incarcérés alors qu’ils ne faisaient que participer à des sit-in pacifiques. Nous nous attendons d’une part, à des regrets et des excuses pour les abus des forces de sécurité et à la sanction de l’officier coupable de voies de faits sur le député de Nouadhibou et, d’autre part, à ce qu’il accepte avec nous que la CENI est d’une incompétence indéniable qui appelle son dessaisissement rapide et inévitable.
-Que compte enfin faire APP maintenant que l’ensemble des résultats est publié par la CENI ?
–Engager tous les recours et espérer que certaines injustices pourront être réparées.
-Pouvez-vous nous dire le sort réservé aux militants de votre parti arrêtés à Zouerate ?
-Ils sont été libérés la même nuit
-Vos intenses efforts pour amener et le pouvoir et la COD à trouver un consensus pour l’organisation d’élections inclusives et transparentes n’ont pas abouti. Quelles explications avez-vous pour cela ?
–Ils sont nombreux comme moi (contrairement à vous) qui considèrent que ces efforts ont plutôt réussi, et je n’en veux pour preuve indiscutable que l’afflux des électeurs…
-N’avez-vous pas, à un certain moment, du processus de votre initiative douté de la volonté des uns et des autres de vous faire confiance, comme, d’une certaine manière avec le FNDD, en 2009?
–Je joue un rôle difficile auquel adhérer de prime abord et, même dans certains cas, sur le tard comportera toujours une dose de valeur ajoutée à mon crédit que certains assimilent, à tort, à leur propre arrêt de mort et personne n’accepte de gaieté de cœur de se faire hara-kiri.
-A votre avis, la COD, en boycottant les élections du 23 novembre ne commet-elle pas une erreur politique, comme celle commise en 1992?
–Posez la question à la COD, sa réponse sera plus crédible…ou pas.
Propos recueillis par Dalay Lam
Source : Le Calame le 18/12/2013{jcomments on}
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