La perte de Laaouar amplifie les divisions d’al-Qaida

La mort du terroriste Hacène Ould Khalil (alias Jouleibib), abattu par les forces françaises au nord du Mali, a porté un coup violent à celui qui était son chef.

Ce ressortissant mauritanien était le "bras droit" de Mokhtar Belmokhtar et le numéro de deux de la brigade des "Signataires par le Sang" qui avait revendiqué le siège meurtrier du complexe gazier d'In Amenasen Algérie ainsi que les deux attentats-suicides à la voiture piégée commis au Niger.

Avec l'élimination, en novembre, de son lieutenant et homme de confiance, Belmokhtar (alias Khaled Abou El Abbès, ou "Laaouar") vient de perdre son plus puissant partisan – un homme qui l'avait accompagné depuis les jours passés aux côtés d'al-Qaida jusqu'à son éviction du groupe, qui avait été suivie par le lancement de sa propre brigade. 

"Jouleibib" avait également joué un rôle central dans la transmission du message jihadiste vers le Sahel.

Alors que la perte de ce compagnon a profondément affecté Laaouar et ses camarades, les analystes s'attendent à ce que cette disparition réjouisse al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Le terroriste était une personnalité éminente caractérisant le principal adversaire d'AQMI au Sahel, les deux groupes luttant pour s'accaparer les ressources de la région.

Il y a en effet beaucoup d'argent qui circule dans la zone, fruit du racket exercé sur les trafiquants de drogue et de cigarettes ou des accords passés avec les trafiquants d'êtres humains, les terroristes facilitant le passage des immigrants clandestins en route vers les rives de l'Europe. L'élimination de la concurrence reste une affaire rémunératrice pour les groupes terroristes.

"Al-Qiada ne veut pas de concurrence pour gagner ces ressources qui deviennent rares avec la présence des forces et des drones français, ainsi qu'en raison des efforts livrés par les pays du Sahel en termes de contrôle des frontières", explique l'analyste Ameknas Ag Akal .

Lorsque Laaouar, ancien leader d'une brigade d'al-Qaida, avait uni ses forces au groupe terroriste du Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) pour créer l'entité des "Mourabitounes", il avait espéré couper l'herbe sous le pied d'AQMI et capturer la plus grande part du butin par ailleurs limité.

Il avait alors eu besoin d'hommes loyaux, ayant une expérience dans le désert, comme Ould Khalil, pour réaliser ces desseins.

Et Ould Khalil n'était pas seulement un grand meneur d'hommes pour Belmokhtar. Il était également son gendre.

Selon l'Agence de presse de Nouakchott, Ould Khalil avait rejoint la brigade des Moulethemounes en 2005, alors qu'elle faisait encore partie du GSPC, groupe précurseur d'al-Qaida. Il s'était rapidement élevé dans la hiérarchie de l'organisation pour finalement devenir porte-parole auprès des médias du groupe pour l'Émirat du Sahara et l'un des associés les plus proches de Belmokhtar.

Il avait conservé cette fonction lors du lancement par Belmokhtar des Mourabitounes, ce qui avait indiqué sa valeur élevée auprès du terroriste.

Jouleibib était l'un des quelques Mauritaniens restés loyaux à Belmokhtar après que le terroriste borgne ait perdu la direction de l'Émirat du Sahara en 2007, a expliqué le directeur de l'ANI Mohamed Mahmoud Abou Maali à Magharebia.

Sa loyauté envers Laaouar lui avait fait rejeter l'offre soumise par la direction d'AQMI, fin 2012, d'assumer le poste d'Émir de la brigade El Moulethemounes, après la rétrogradation de Belmokhtar.

Une grande partie de la campagne médiatique de Belmokhtar avait été orchestrée par Ould Khalil. Au mois de septembre, le terroriste algérien avait diffusé une vidéo dans laquelle il évoquait toutes ses réalisations depuis son départ d'al-Qaida. Il avait tenté de se dépeindre comme un émir jihadiste.

Selon l'analyste Sid Ahmed Ould Otafl, Ould Khalil avait de l'expérience dans le secteur de la communication. Il avait été diplômé d'un programme médias en Algérie, puis était revenu en Mauritanie et s'était enrôlé dans les rangs des groupes jihadistes du désert.

Ould Khalil avait arrangé les rares interviews accordées par les leaders d'al-Qaida, ainsi que les communiqués de presse transmis par le groupe auprès des médias. Il avait géré les campagnes de propagande et de communication de l'organisation grâce à des réseaux variés affiliés aux jihadistes.

L'élimination du bras droit de Belmokhtar est considérée par la majorité des observateurs comme une victoire significative de la lutte anti-terroriste au Sahel.

Une question reste ouverte : celle de savoir si Belmokhtar sera en mesure de trouver un remplaçant pour Ould Khalil, ou si la mort du Mauritanien créera une crise de leadership au sein de l'organisation terroriste déjà déchirée.

L'expert en sécurité et analyste stratégique Hamdi Ould Dah estime qu'il est peu probable que Laaouar puisse remplacer rapidement Hassan Ould Khalil. La brigade pourrait, selon lui, devoir subir une période de "black-out" médiatique. Par ailleurs, ce décès s'avère nécessairement troublant pour le chef terroriste.

"La mort des personnes les plus proches de Laaouar signifie que lui-même peut être éliminé à n'importe quel moment", souligne le journaliste Abu Bakr.

"Le bloc terroriste a reçu un coup frontal, mais il se fend alors en petits fragments, presque invisibles, et c'est là que réside le danger", dit-il à Magharebia.

"Il est difficile de parler de coup de grâce", ajoute-t-il. "Si la population locale reste insatisfaite et que le fossé avec le gouvernement malien n'est pas comblé, si le retour des réfugiés n'est pas garanti et que la crise de confiance entre le nord et le sud n'est pas atténuée, et si la participation de tous les pays du Sahel n'est pas acquise, alors les différentes approches sécuritaires resteront partielles".

Pour sa part, le journaliste malien explique : "Je pense que la mort du leader d'un groupe terroriste est une avancée importante, mais combien d'innocents continuent à mourir sous les coups du terrorisme ?".

"Il faut se poser la question", ajoute-t-il, "parce que la vie d'un citoyen normal qui soutient un famille et contribue au pays est plus importante que la mort d'un terroriste". 

Jemal Oumar

Source  :  Magharebia le 13/12/2013{jcomments on}

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