Le premier, Avocat de formation, a ‘’reçu’’ le pouvoir des mains de la France, ancienne puissance coloniale, en tant que Premier Ministre, en Novembre 1960, à l’âge de 36 ans. Il sera élu, un an plus tard, par l’Assemblée nationale, Président de la république. Le second, militaire de carrière, s’est ‘’offert’’ le pouvoir, détenu alors, par un Président élu, le 6 Août 2008, à l’âge de 53 ans. Il se fera élire, Président de la République, un an plus tard. Les ‘’similitudes’’ s’arrêteront là.
Mais, on s’en doute, entre ces deux dates, Novembre 1960 et Août 2008, quasiment un demi-siècle, bien des choses se sont passées en Mauritanie.
Durant les 10 premières années d’indépendance (1960-1970) les élites nationales, toutes communautés et toutes tendances politiques confondues, ont tenté de jeter les bases d’un Etat Mauritanien, au profit duquel elles ont volontairement mis de côté leurs divergences sur ‘’la Mauritanie’’, telle que chacun la voulait.
L’événement politique majeur, que l’on peut retenir de cette décennie d’indépendance, est la création par les gouvernants de l’époque, du Parti du Peuple Mauritanien (PPM), parti unique hors duquel, toute expression politique était tout simplement prohibée.
La réaction, logique, à tant d’exclusivité au profit d‘une seule formation politique, ne s’est pas faite attendre.
Les nationalismes (chauvin et étroit) et l’internationalisme prolétarien, commencent, chacun, à affirmer son identité idéologique et sociale.
A défaut de pouvoir inscrire leurs actions dans un cadre politique légal (inexistant), tous ces groupes ont investi les syndicats, professionnels et scolaires, seul cadre bénéficiant d’une certaine légitimité de revendications.
Pour juguler un tel engouement pour le syndicalisme, le régime et son parti unique décrètent, purement et simplement, l’intégration de l’UTM, unique Centrale syndicale existante, au sein des fameux ‘’mouvements parallèles’’ du PPM (travailleurs, femmes et jeunes).
Cette confiscation totale de toute forme d’expression, hors des canaux définis par le pouvoir, va marquer toute la deuxième décennie de l’indépendance, caractérisée par des luttes politiques ouvertes et diverses formes de répressions allant des arrestations, de l’emprisonnement et des procès, ponctués par les licenciements des travailleurs et les ‘’coupures’’ de bourses d’ étudiants.
Cette répression, loin de décourager les mouvements politiques, a, au contraire, servi de catalyseur à plus de radicalisme, de combativité et surtout à l’élargissement de l’audience des contestataires au sein des populations déshéritées, chassées par la sécheresse jusqu’aux portes des grandes villes.
C’est au cours de cette période que la dialectique ‘’répression-liberté’’ fût transposée sur le terrain de la lutte politique, par le célèbre journal clandestin ‘’Seyhatt El madhloum’’ : We mina eddhoulmi touledou elhourriyatou (…et de la répression naissent les libertés), se transformant rapidement en ‘’slogan’’ mobilisant des milliers de jeunes, de femmes et de travailleurs.
La rue était devenue l’école du courage et du patriotisme, où les organisations d’étudiants, de travailleurs et de ‘’Tekoussous’’, s’empressaient pour faire valider leurs lettres de noblesse.
Cette deuxième décennie d’indépendance, aura aussi été celle des grandes réformes, politiques et économiques, qui eurent pour noms : création de la monnaie nationale, nationalisation de la MIFERMA, révision des accords de défense avec la France et l’ouverture du PPM aux autres mouvements politiques, quasiment clandestins (le grand compromis historique, disaient certains).
Hélas, c’est dans l’éphorie de telles réformes, rapprochant pouvoir et opposition, que fût concocté le projet d’annexion du Sahara Occidental, qui se solda par la guerre fratricide et ses conséquences désastreuses.
…Et vinrent les militaires
C’est au crépuscule de cette ‘’belle décennie’’, de luttes et d’acquis, que l’Armée a pris le pouvoir, mettant ainsi fin à l’ancien régime et à la guerre du Sahara.
Elle mit fin, aussi, au semblant d’Etat, d’Administration et d’ébauche de démocratie, que le pays avait réussi à bâtir.
En lieu et place, les régimes militaires qui se sont succédés au pouvoir, ont ramené avec eux tout ce que le pays comptait comme traditions et pratiques tribales, ethniques, claniques et de non-respect pour la chose publique.
Ce retour vers le pire, a produit comme un effet d’hypnose sur tout ce que le pays comptait comme ‘’forces patriotiques’’ qui avait combattu, et battu, politiquement, l’ancien régime.
Les noirs se sont retrouvés des noirs, les arabes se sont retrouvés des arabes, mais aucun membre des deux communautés n’a plus retrouver son statut de citoyen Mauritanien.
C’est dans cette confusion et de perte d’identité commune, que des Mauritaniens se sont retournés contre d’autres Mauritaniens, les prenant pour des étrangers, des immigrés, des ennemis.
Un tel régime a duré plus de douze ans.
…Puis, ce fût la Baule
Avec l’ouverture démocratique, devenue une des principales conditionnalités d’accès à l’aide au développement, le régime militaire concéda les ouvertures des années 90, couronnées par la nouvelle constitution et le multipartisme.
Face à un tel ‘’miracle’’, les rares formations politiques, dont les bases n’avaient pas été mises au service de l’armée (Structures d’éducation des masses et autres milices) ont tenté de sortir de la semi-clandestinité imposée par une sorte ‘’couvre feu politique’’, depuis 1978.
De nouvelles velléités de constitution de partis politiques se sont également manifestées autour de personnalités souvent issues de l’ancien régime civil.
Ce fût aussi l’occasion pour le Chef de l’armée de l’époque, Chef de l’Etat par la force des choses, de se mettre de la partie et de penser à se civiliser.
Deux grands pôles virent le jour : le PRDS (militaire) et le FDUC-UFD (démocratique).
La discipline faisant souvent la différence principale entre les militaires et les civiles, le PRDS prit de l’avance en se dotant rapidement de structures, de militants et de moyens (ceux de l’Etat) à la hauteur de l’enjeu.
Les premières élections, de l’ère démocratique, furent ‘’gagnées’’ par les militaires et leurs sympathisants, structurés au sein du PRDS, renforcé par des cadres de l’AMD et de certains courants panarabistes.
En face, une opposition, frustrée par de tels résultats artificiels et affaiblie par son hétérogénéité intrinsèque, tente de se restructurer, sans succès.
On revient aux anciennes alliances d’avant l’Armée, pour transformer El Hor en AC, les anciens du PPM en UFD-Ere nouvelle, les nationalistes étroits en FLAM et le MND (originel) en UFP.
Quelques parti-satellites (RDU, UDP, SAWAB) graviteront au tour de la Comète PRDS, sans lui, être totalement soumis.
Un parlement élu, dans les mêmes conditions de priorité à tout ce qui est militaire, se met en place avec quelques députés venus des formations dites de l’opposition, qui tenteront de faire atténuer le monolithisme ambiant.
Cette situation, contre nature, pour certains militaires que le PRDS n’a pas choyés, crée de nouveaux appétits (peut-être même de nouvelles ambitions) qui se traduiront, en 2003 par le coup de force des ‘’Cavaliers du changement’’.
Ces événements, qui ont interpellé les partis d’opposition, autant que le régime militaire lui-même, n’ont pas trouvé le soutien et l’enthousiasme auxquels ils estimaient avoir droit auprès des populations.
En revanche, le coup manqué des compagnons de Ould Hanana ébranla le système PRDS, le mettant en situation de déconfiture, lente mais décisive.
…Et tout recommence, avec le CMJD
Les premiers à prendre conscience de la cassure du grand ressort qui faisait la force de Maawiya, sont bien évidemment, ceux qui étaient chargés de sa sécurité, au niveau le plus proche. Dans la discrétion qui caractérise ceux qui sont chargés de la gestion des renseignements, une action pour remettre le pouvoir militaire sur de nouveaux rails, se mit en route.
Le 6 Juin 2005 devait en connaître le dénouement, dans le calme et le succès habituels, qui caractérisent les changements de pouvoir en Mauritanie.
La ‘’réponse’’ de l’opposition à cet énième coup d’Etat d’un militaire contre un autre militaire, fût bien moins nuancée que celle réservée aux cavaliers du changement, puisqu’elle s’est traduite par un soutien spontané et entier.
Le héros, et principal artisan de ce coup de force, le Colonel Mohamed Ould Abdel Aziz, choisit de ‘’rester dans l’ombre’’, pour mieux tirer les ficelles qui conduiront, suivant une partition jouée sans fausse note, au choix du futur Président qui allait lui permettre d’accéder au grade de Général, de la manière la plus légale, puis de réaliser son objectif final, consistant à déposer ledit Président , et à occuper son fauteuil, avec la caution et le soutien de la célèbre’’ Kétiba’’ parlementaire.
Ce sera, la première fois où l’opposition, à une exception prés, mais de taille, refusera d’apporter son soutien à un coup d’Etat militaire, en Mauritanie.
Le Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD), se constitue et engage une épreuve de force contre le nouvel homme fort de l’armée et pour le retour au pouvoir du Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi.
Cette épreuve durera un peu plus d’une année et aboutira au ‘’compromis’’ (accord pour certains) de Dakar, qui légalise la candidature, dont la campagne électorale était déjà bien avancée, du général Aziz, à la Présidence de la République.
Ainsi, le 18 Juillet 2009, Mohamed Ould Abdel Aziz est élu, 6éme Président de la république Islamique de Mauritanie, en 49 ans d’indépendance.
Quatre ans après cette élection, et alors que son premier mandat est largement entamé, le Président Aziz et l’opposition démocratique n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord sur une formule consensuelle pour la gestion du pays.
Seules les deux fiertés démocratiques de cette période, que constituent l’Assemblée nationale et la presse indépendante, permettent de garder l’espoir de voir s’instaurer une véritable démocratie en Mauritanie.
Ould Ehlou
Noorinfo
Source : Noorinfo