Le Brésil cherche à étendre son influence en Afrique

Brasilia projette d’annuler près de 900 millions de dollars de dettes due par une douzaine de pays africains. Mais les observateurs dénoncent un « geste de solidarité » très intéressé.

 

 

Fabiana Frayssinet Rio de Janeiro / InfoSud-IPS – Quelque 900 millions de dollars de dettes supprimés pour une dizaine de pays africains. C’est l’annonce faite en mai dernier par le gouvernement brésilien, en signe de « solidarité ». Principaux béné­ficiaires : le Congo-Brazzaville, qui doit 350 millions de dollars, la ­Tanzanie (237 millions) et la Zambie (113 millions). Sont aussi sur les rangs : la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée-Bissau, la Mauritanie, la République démocratique du Congo, la République de Guinée, São Tomé et Principe, le Sénégal et le Soudan. Avec cette décision, le Brésil espère dynamiser ses ­relations avec un continent noir qui affiche l’une des plus fortes croissances du monde, et s’assurer le soutien des pays africains pour obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU.

Boom des échanges

Mais ce geste, voulu par la présidente brésilienne Dilma Rousseff, pourrait rester un vœu pieu. En effet, l’opposition au gouvernement de gauche bloque son adoption au Congrès. De nombreux élus ­désapprouvent le choix de certains bénéficiaires, comme le Congo-Brazzaville, le Gabon et le Soudan. « Les autorités de ces pays sont des figures corrompues qui achètent des voitures de luxe, s’insurge le sénateur José Agripino, du parti démocrate, une formation de l’opposition. Certains sont même accusés de génocide. Annuler la dette de tels gouvernements envoie le mauvais message. »

Sur le plan économique, une telle démarche prête aussi à controverse. Les échanges commerciaux entre le Brésil et l’Afrique sont passés de 5 milliards de dollars en 2000 à 26,5 milliards de dollars en 2012, selon le Ministère des affaires étrangères. En Afrique, les entreprises publiques et privées brésiliennes ont investi dans des secteurs comme le pétrole, l’exploitation minière et les grands travaux d’infrastructure. Des secteurs clés qui servent de fer de lance au Brésil pour accroître son influence sur le continent subsaharien, estime Marcelo Carreiro, professeur d’histoire à l’Université fédérale de Rio de Janeiro.

Selon ce dernier, le choix des bénéficiaires est hautement stratégique. Par exemple, plusieurs pays qui doivent voir leur dette annulée se trouvent en Afrique de l’Ouest, une région encore pauvre mais qui connaît une croissance rapide. Par ailleurs, son littoral se situe juste en face de celui de la puissance sud-américaine. Ainsi, « en repoussant les frontières économiques du Brésil jusqu’aux côtes africaines, Brasilia pourra conserver sa mainmise non seulement sur les gisements de pétrole ultra-profonds cachés au large, mais aussi sur cette vaste étendue de l’océan Atlantique. Une sorte de mare brasiliensis verra alors le jour, protégeant la puissance sud-américaine contre les intrusions concurrentielles sur son territoire. »

Soudan peu fréquentable

Cette nouvelle stratégie économique du Brésil en Afrique se traduit également par le choix de ­nations peu fréquentables, mais au potentiel important. A ce titre, le Soudan – qui verra donc sa dette annulée envers Brasilia – en est l’exemple le plus criant. « C’est le seul Etat sur la planète à être gouverné par un dirigeant accusé de génocide, s’indigne Marcel Carreiro. Mais ce pays d’Afrique de l’Est est triplement plus attractif pour la puissance sud-américaine : il est riche en pétrole, demandeur de matière dans la construction civile et avide de produits industriels et agricoles. C’est peut-être même le marché le plus avantageux en Afrique pour l’économie brésilienne. »

 

Source : InfoSud

 

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