Esclavage, colonisation, génocides… : L’Afrique veut ériger un mémorial des droits humains

Des experts africains tiennent depuis hier, à Dakar, une session consultative sur l’esclavagisme. Ce projet fait suite à la tenue d’une session du comité des experts de l’Union africaine (Ua) en novembre 2011, à Addis Abéba, pour prévenir toutes les violations des droits humains et restaurer la mémoire collective sur le passé des génocides, de l’esclavage, de la traite négrière et du système d’apartheid vécu en Afrique du Sud.

 

Cet atelier international est co-organisé par le ministère de la Culture et du Patrimoine et l’Ong « Africa Justice » après celui tenu en octobre dernier au Rwanda. Après le mémorial sur le génocide au Rwanda, c’est au tour du thème de l’esclavage de rester au cœur des débats des militants des droits humains. La traite négrière qu’incarne la maison instituée à Gorée en est évocatrice. La cérémonie d’ouverture a été présidée par le directeur du patrimoine, le Dr Hamady Bocoum, en présence du modérateur Eloi Coly, conservateur à la Maison des esclaves à Gorée.

Ces militants des droits humains ont entrepris la réflexion sur l’identification de nouvelles formes de discrimination et de violation à la suite des soubresauts survenus dans toutes les parties du continent africain, tels que le Printemps arabe, les crises au Mali, en Centrafrique, au Soudan…. Mais aussi, ces nouvelles formes de discriminations qui sont les plus inattendues et qui sont apparues dans ce 21e siècle. Ce sont les restrictions des libertés de circulation des hommes que déplore le Dr Bocoum, ainsi que les noyades des milliers de voyageurs, comme celle qui est survenue au large de Lampedusa, en Italie.

« L’esclavage existe sous des formes modernes en Afrique. Cela doit être combattu », a-t-il précisé. Le directeur du Patrimoine ajoute que de nombreux conflits naissent sur le continent et font mourir beaucoup d’Africains qui luttent pour leur liberté. Comme partout ailleurs en Europe et dans le monde, on assiste impuissant à ces scénarii de violation des droits humains, notamment des indignés, des Roms, etc.

Le professeur Andreas Eshete, président intérimaire du Conseil de l’Ua pour les droits de l’Homme, soutient que l’esclavage a été une expérience douloureuse mais enrichissante, permettant aux Africains de réfléchir sur l’avenir. M. Eshete se réjouit de la 3e rencontre de Dakar entre différents mémoriaux de pays africains et attire l’attention sur les nouvelles formes de l’esclavage. Pour Mme Clémentine du Rwanda, il faut réfléchir sur les moments douloureux vécus par l’Afrique, en partant de l’esclavage jusqu’aux conflits entre ethnies ayant abouti à des génocides. La représentante permanente de Kigali auprès de l’Ua et de la Cea estime qu’il faut organiser un mémorial pour les victimes des droits humains. Elle insiste sur « le principe afin de faire en sorte que l’Afrique ne vive plus jamais cela ». L’idée du mémorial est venue du Rwanda lors de la célébration du 10e anniversaire de son génocide en 2004 et soutenue par les pays membres de l’Ua tels que le Sénégal, l’Afrique du Sud, etc. En décembre prochain, il y aura un atelier sur l’apartheid dans ce pays.

Préserver les valeurs de justice

Les participants à l’atelier de Dakar décideront de l’intégration de l’esclavage et de la colonisation dans ce mémorial. Il s’agit, selon Mme Clémentine Uwamuguha, de préserver les valeurs et la justice des peuples africains. Là où le représentant permanent de l’Ethiopie à l’Ua et à la Cea qualifie l’esclavage et la traite négrière de scènes barbares et odieuses.

« Le fait de se souvenir des violations sur le sol africain va certainement nous aider à éduquer nos enfants », a indiqué Eshete Tilahum Woldeyes qui estime que cette situation permettra de voir l’inter-culturalité de l’Afrique. Il soutient que « la base sera la consolidation de nos mémoriaux nationaux ». Ainsi, différents thèmes ont été abordés hier au cours de deux sessions. Il s’agit pour la première des musées de l’esclavage et mémoriaux, de rendre mémorable la maison des esclaves, du rôle du Conseil international des musées africains pour rendre l’esclavage mémoriel. La seconde session a concerné la lutte contre l’esclavage contemporain en Afrique : militants anti-esclavagistes, la situation en Mauritanie, au Niger et au Mali. Une excursion à la maison des esclaves de l’île de Gorée a bouclé la journée. Aujourd’hui, la réflexion va reprendre à travers deux sessions au cours desquelles les participants se pencheront sur « les objectifs et le processus des dialogues sur la "mémorialisation" en Afrique » et « comment représenter l’esclavage au Mémorial de l’Union africaine des droits de l’homme ».

 

Cheikh M. COLY

 

Source :  Le Soleil (Sénégal)

 

www.kassataya.com

 

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