ECOUTES TELEPHONIQUES EN AFRIQUE : Au-delà de la sécurité nationale…

Les chefs d’Etat africains viennent pour la troisième fois en l’espace d’un mois, d’apporter un démenti cinglant à toutes les mauvaises langues qui les accusaient de n’être pas capables de se mettre d’accord sur les questions importantes pour le continent.

 

En effet, après Addis-Abeba où nos chefs d’Etat ont parlé d’une même voix pour rejeter les poursuites de la CPI contre des présidents africains et le silence fracassant et unanime dont ils fait montre au moment où l’Italie et l’Europe entière croulaient sous le poids de la douleur devant les corps sans vie de plus de 300 africains venus mourir loin de leur terre, les chefs d’Etats d’Afrique ont encore une fois, démontré qu’ils sont capables de réagir à l’unisson par le silence et même sans concertation préalable.

Si aucun dirigeant africain n’a osé s’exprimer sur la question des écoutes téléphoniques, c’est avant tout pour ne pas lever le lièvre sur leurs propres pratiques dans ce domaine

Alors que le monde diplomatique est en effervescence, depuis les dernières révélations de la presse française et allemande sur les écoutes téléphoniques pratiquées par la NSA (Agence de Sécurité Américaine), alors que de Paris à Berlin en passant par Londres jusqu’au Brésil, des dirigeants politiques exigent du gouvernement américain des explications sur cette pratique qui, comme l’a dit Angela Merkel, fait partie des choses « qu’on ne fait pas à un ami », les chefs d’Etat africains ont réussi encore une fois, ce tour de force d’observer ensemble un silence total sur un problème aussi important que celui des libertés individuelles de leurs citoyens, car il faut le dire les Africains sont tout autant que les autres, concernés par les problèmes de violation des libertés publiques et individuelles.

Bref, dans ce concert de condamnations quasi planétaire, seule la voix les responsables africains reste étrangement inaudible.
 

Mais ce silence éloquent des dirigeants africains ne manque pas de troubler leur peuple qui, à leur tour, ne manquent pas alors de s’interroger à juste titre, sur les raisons d’un tel mutisme. Pour certains, ce silence ne fait que confirmer la thèse selon laquelle « quand il y a un problème dans le monde, nos chefs d’Etat ne s’y intéressent jamais ; et quand on les met au courant, ils ne savent pas comment ils doivent réagir ; et quand on leur montre comment réagir, ils n’ont pas les moyens de le faire ; mais quand on leur donne les moyen de réagir, il est déjà trop tard ». D’autres cependant vont plus loin et parlent plutôt d’un silence coupable des présidents africains. Si aucun dirigeant africain n’a osé s’exprimer sur la question des écoutes téléphoniques, c’est avant tout pour ne pas lever le lièvre sur leurs propres pratiques dans ce domaine.

Que dire alors de ces agents indélicats des téléphonies mobiles qui, pour une poignée de CFA ou encore moyennant la promesse d’une promotion, sont prêts à transmettre les relevés téléphoniques ?

En effet, si la réaction de la population américaine est relativement clémente à l’endroit de son président, c’est parce qu’elle demeure convaincue qu’au-delà de son caractère répréhensible, ces écoutes sont effectivement réalisées dans le but d’assurer la sécurité du peuple américain. Dans ce sens, l’Afrique même a bénéficié des retombées de cette pratique car elle est en grande partie à l’origine du succès de l’opération Serval qui a permis de débusquer et de mettre hors d’état de nuire, les djihadistes du Nord-Mali. Mais au-delà de cette question sécuritaire, il y a le côté très peu recommandable dont nombre de chefs d’Etat africains se savent coupables et qui justifie sans doute leur absence totale de réaction sur le sujet. Si, en Occident, ces pratiques sont répandues, elles ont au moins l’excuse de n’avoir aucun caractère personnel. En Afrique par contre, les écoutes téléphoniques servent surtout à neutraliser les dirigeants de l’opposition, aussi bien politiquement que physiquement, dans le but de conserver le plus longtemps possible le fauteuil présidentiel. Là, les écoutes téléphoniques sont loin de servir les intérêts de la nation. Facile à ce moment de comprendre pourquoi aucun de nos "rois" n’a jusque-là pipé mot. Et que dire alors de ces agents indélicats des téléphonies mobiles qui, pour une poignée de CFA ou encore moyennant la promesse d’une promotion, sont prêts à transmettre les relevés téléphoniques d’une maîtresse, ou d’un rival ou encore d’un homme d’affaire, pour permettre de « le casser » ? Tout cela relève du devoir de ceux qui ont la responsabilité d’assurer notre sécurité physique, intellectuelle, morale. Ne pas assurer dans ce domaine, c’est aussi manquer à son devoir envers le peuple. C’est prendre le risque de devoir lui rendre un jour des comptes.
 

L’un dans l’autre, la lumière commence à se faire sur la véritable raison du silence des dirigeants africains. Mais qu’ils se le tiennent pour dit : « une dette peut moisir mais elle ne pourrit jamais. » Silence ou pas, un jour, il va falloir s’expliquer sur l’utilisation malveillante de ces écoutes téléphoniques.

Dieudonné MAKENI

 

Source : Le Pays

 

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