Le viol, une banalité judiciaire

 

 

 

 

Considéré ailleurs comme un crime puni de la peine de mort, le viol est considéré en Mauritanie comme un délit mineur. La victime subit très souvent le même sort que son bourreau.

Dans tous les cas, les affaires de viol, même les plus abjects, ne sont jamais sévèrement punis par les magistrats, qui dans la plupart des cas ferment les yeux sur les arrangements familiaux pour solder le problème. Dans tous les cas, les filles victimes de viol, de plus en plus jeunes, restent les seules traumatisées par cette éprouvante épreuve. De quoi encourager les pervers dont le cercle rituel ne cesse de s’agrandir.

Les ONGs nationales spécialisées dans la prise en charge des cas de viol, faute d’être entendues malgré leurs nombreux cris d’alarme, se contentent aujourd’hui de faire le décompte macabre. L’Association des femmes chefs de famille (ALCF) vient de sortir sa liste hebdomadaire de violées. Au total sept mineurs passées sous le rouleau compresseur de l’abject. Pour une République Islamique, il est bien curieux de constater tant d’impunité pour un acte qui équivaut à la lapidation dans le Livre divin, le Coran. A croire que le viol est devenu un délit placé au dessous du simple vol d’un portable ou d’une cacahuète.

Ainsi, Aminetou Mint Mokhtar dont l’organisation se partage le fardeau du listing chaque semaine avec l’AMSME (Association mauritanienne pour la santé de la mère et de l’enfant) de Zeinebou Mint Taleb Moussa et l’ONG ALCPD (Association de lutte contre la pauvreté et la dépendance) de Toutou Mint Jiddou, vient de sortir une nouvelle liste de violées pendant la semaine écoulée. Selon Aminetou Mint Mokhtar, le viol qui était une pratique urbaine, circonscrite dans quelques villes comme Nouakchott, Nouadhibou ou Rosso est devenu un phénomène qui touche toute la Mauritanie, même les lieux les plus conservateurs.

Certes, Nouakchott continue de conserver la palme d’or. Selon l’AFCF, les bourreaux des derniers actes sont des boutiquiers, des taximen, ou des voisins, donnant au phénomène une tournure plus dangereuse. Bien entendu, l’appareil judiciaire n’échappe pas à la virulente critique des ONGs. Chaque fois qu’un cas de viol est présenté au parquet, selon elles, les magistrats exigent la présence de témoins, comme si l’acte sexuel, même le plus normal, pouvait avoir de témoins. Les viols se déroulent en effet toujours en l’absence de tierces personnes, dans une maison abandonnée par la famille partie aux besognes, sous le comptoir d’une boutique loin des yeux ou dans une chambre fermée sous la menace d’une arme blanche.

Parfois, c’est un enseignant coranique, parfois un proche parent, un frère, un oncle, un père, un ami de la famille, qui assouvit sa pulsion satanique avec de fortes menaces. Les victimes du dernier relevé statistique de l’AFCF comprennent des filles dont l’âge ne dépasse guère 12 ans. Dans ce cas comme dans un autre survenu à Atar et où le parquet avait classé la victime comme non mineur, la présence des témoins a été requise. Une perche de sauvetage tendue aux bourreaux, au détriment des victimes. Ailleurs, au Sénégal par exemple, la seule plainte et le certificat médical délivré par un spécialiste compétent font état de preuves de culpabilité. Et là-bas, les auteurs de viol encourent rarement une peine d’emprisonnement de moins de 10 ans. Ici, dans les rares cas où ils sont condamnés, les violeurs s’en sortent avec 2 ou 3 années de réclusion. Ils sortent parfois au bout d’une année ou de quelques mois, pour recommencer ailleurs, sans courir le risque de voir leur peine doublée pour récidive.

L’ampleur du phénomène de viol qui gagne du terrain a interpellé également l’ONG « Adam pour la protection de l’enfance et de la société ». Celle-ci considère que l’évolution de ce mal ainsi que du meurtre, tel le viol suivi d’assassinat d’une jeune mineur à Riad doivent interpeller la conscience et susciter un sursaut national. La jeune victime de Riad n’avait que 11 ans et venait de réussir au concours d’entée en première année du collège. Le jour du drame, sa mère l’avait laissée endormie avec sa jeune soeur pour vaquer à ses occupations. Le bourreau, qui serait un habitué de la famille selon les premiers constats, la violera avant de la pendre pour simuler un suicide, de peur d’être démasqué s’il la laissait en vie. Elle sera découverte par sa sœur alors qu’elle se débattait dans son dernier souffle. Transportée à l’hôpital, les médecins découvriront une hémorragie due au viol. Elle restera trois jours dans le coma, puis deux jours éveillée sans pouvoir articuler. Le dimanche dernier, elle rendit l’âme sans qu’elle puisse dénoncer l’auteur de l’acte. C’est à la lumière de cet horrible crime que l’ONG « Adam » s’est invité dans le débat, réclamant la résolution de cette énigme, l’identification et l’arrestation de l’auteur. L’ONG d’exhorter les autorités à interdire l’accès et la vente des films pornos dans les boutiques ou par Internet, recommandant aux familles et aux institutions d’enseignement de veiller à l’éducation des enfants dans les bonnes valeurs de l’Islam, à surveiller davantage les filles et à ne jamais les laisser seules.

MOMS

Source  :  L'Authentique le 17/09/2013{jcomments on}

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