Et Demain La Syrie !

AnonymeIl est des moments où l’usage, sans précaution, de la force brute peut s’avérer pire que le mal subi ; où le remède que l’on propose comme traitement, au lieu de soulager la douleur, aggrave davantage la souffrance que l’on éprouve.

En effet, sans une étude minutieuse de toutes ses implications potentielles, le recours éventuel au pouvoir des armes, en vue de résoudre une situation politique conflictuelle, pourrait, à n’en pas douter, générer des processus dont l’évolution reste difficile à appréhender. Ainsi, délimiter au hasard une ligne rouge dans l’exercice théorique du leadership géopolitique est une chose, mais en appliquer la logique en est une toute autre. Le Moyen-Orient est, en ce moment, au bord de l’implosion générale. C’est une véritable poudrière, sur fond de dissension sectaire réelle, où la moindre étincelle peut soit enflammer les incendies déjà en cours, soit allumer des bûchers encore plus pernicieux.

Comme le souligne Philippe Villepin, en politique on peut faire, parfois, de la morale pour soulager sa conscience ; mais soulager sa conscience ne signifie pas nécessairement aller au secours de ceux en détresse. Or pour régler un conflit quelconque ou résoudre une situation de belligérance quelle qu’elle soit , on a besoin de discuter, d’avoir recours au dialogue, de faire valoir la raison, de recourir à l’art de la diplomatie. Ainsi, se résolvent les différends politiques dans toute collective sociale. L’usage systématique de la force ne peut être utile ou même légitime qu’en ultime recours, c’est à dire après avoir complètement essuyé toutes les alternatives diplomatiques possibles ou envisageables. Or tel est loin d’être le cas en Syrie.

L’obstination du gouvernement à employer, coûte que coûte, la force dès le début de la révolte n’a d’égal que l’incohérence et la surenchère de l’opposition politique en exil.
En fait, aussi violent soit-il, le régime d’Assad n’est pas totalement irrationnel ; loin s’en faut ! Une fois adossé au mur, sans le support inconditionnel de Téhéran ou la couverture russo-chinoise au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies, Bashar El Assad n’aura d’autre choix que la négociation. Car, une fois dépourvu d’une partie ou de la totalité de ses atouts, il réviseras, inéluctablement, ses calculs et priorités. Ce faisant, il sera contraint, par la force des choses, de faire des concessions.
Autrement dit, la menace de l’emploi automatique de la force que l’on brandit, à tort et à travers, de Washington, à la moindre incartade, ne prête guère à conséquence. Cela n’a point servi naguère au Vietnam, ni hier en Iraq ni aujourd’hui en Afghanistan ; et ça servira encore moins bien demain en Syrie. Et ce d’autant plus qu’une agression armée, outre l’oblitération institutionnelle de l’état, ne garantira, en aucun cas pas, que les armes de destruction massive si craintes, chimiques en l’occurrence, ne tomberaient pas dans les mains meurtrières de ceux que l’on redoute le plus : les groupuscules jihadistes de conviction nihiliste et d’obédience internationaliste. Au contraire, tout porte à croire qu’en cas de faillite de l’état syrien, ces armes, déjà peu sécurisées et anarchiquement disséminées, seront encore plus à la portée d’Al Qaeda et ses affiliés.

Pour tenir le régime comptable de ses actes criminels, il y a des instruments légaux auxquels on peut se référer sans systématiquement enfreindre le droit international ou prendre des mesures maximales aussi dangereuses que risquées : la cour pénale internationale, les sanctions onusiennes, un embargo ciblé etc.

Si l’enjeu véritable est la souffrance du peuple syrien, il y a d’autres voies que celles des frappes aériennes à l’emporte-pièce ou les tirs de missiles de croisière à l’aveuglette. Pour répondre vraiment aux préoccupations urgentes des populations syriennes, il y a surtout des solutions humanitaires moins coûteuses en vies humaines et plus utiles pour le pays.

Mieux encore, des solutions politiques sont encore possibles malgré l’escarpement mental énorme des belligérants et l’enlisement, sans précédant, du terrain politique local. Ce qui a commencé, dans la foulée du Printemps Arabe, comme un élan révolutionnaire spontané, s’est, en réalité, vite métamorphosé, du fait de la paranoïa sécuritaire du régime et des interférences insidieuses de l’étranger, en un conflit civil larvé. Après deux années et demi d’affrontements continus, le caractère patent d’une guerre civile aux relents sectaires de plus en plus prononcées va, désormais, de soi.

Or, il est difficile voire impossible de résoudre les problèmes à l’origine d’un conflit civil de cette envergure en y intervenant militairement au côté de l’un ou l’autre des belligérants. La seule intervention militaire envisageable, dans ce cas figure, serait d’ordre strictement humanitaire. Cependant, aucune des nations faisant montre d’intransigeance belliqueuse, aujourd’hui, n’est disponible à envoyer des contingents sur le terrain. Ni l’Arabie Saoudite, pourtant armée jusqu’aux dents, ni la Turquie frontalière, et si bien lotie en hommes et armement, ne sont prêtes à venir directement en aide aux insurgés. Pourtant, pour qu’elle soit efficace, une intervention armée doit avoir des objectifs clairs et mesurés. Car une attaque éclair ne peut, en aucun cas, être dans la situation actuelle décisive.

En détruisant le complexe militaro-industriel syrien, elle favorisera simplement l’adversaire Israélien sans, toutefois, autant permettre aux rebelles de gagner effectivement la guerre. Et si jamais ils prenaient le pouvoir, dans le contexte d’un affaissement total de l’état syrien, ils seraient, tout au mieux, aux commandes d’un capharnaüm de ghettos sectaires où ne régneraient ni ordre ni loi ; un enfer confessionnel où des gangs, mutuellement hostiles, se livrent une guerre sainte éternelle. Ainsi, ce maelström en perspective exaucera, sans doute, les vœux les plus chers des néoconservateurs les plus réactionnaires.

Au lieu d’aller, partout, prêcher aveuglément le va-t-en guerre, ou porter servilement l’étendard martial d’ oncle Sam, un pays comme l’Arabie Saoudite, par exemple, pourrait bel et bien ouvrir ses portes au flot de refugiés syriens errants qui végètent, depuis deux ans, à ses portes, dans l’isolement et l’exclusion totale. En effet, nombreux sont, aujourd’hui, dans la région, les refugiés syriens, sans moyens de subsistance, qui ont besoin d’un secours humanitaire urgent. Ainsi, ils sont présents, en masse, dans des abris de fortune tout le long du désert jordanien, dans les faubourgs mal famés du Liban xénophobe, sur les frontières peu hospitalières de l’Iraq sectaire, dans des zones exclusives d’Anatolie etc. La tristesse les habite, déjà, et en profondeur ; et la souffrance les accompagne partout ; où qu’ils soient c’est le chagrin et la douleur qui les attendent. Telle est l’injusice des hommes ! Telle est l’iniquité de notre monde.

Mohamed El Mokhtar

Source  :  MauriSahel le 10/09/2013{jcomments on}

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