Quelques millimètres d'eau et nous voilà tous convertis aux mille et un bonheur de la natation à l'usage des ânes.
Il pleut et nous nous réveillons dans un immense pédiluve. Et, comme d'habitude, le Nous Z'Autres moyen râle après ce déluge, oublieux qu'il est des bienfaits de l'eau en pays désertique.
Nouakchott City a pris des allures de vaste fleuve où les choses ne sont plus ce qu'elles sont censées être : les voitures se prennent pour des pirogues, les piétons se transforment en poissons, les ânes font dans le ballet aquatique, les cafards démontrent qu'ils savent nager, les quartiers renaissent îles, deltas, isthmes, terres englouties ou terres apparues. Nos meubles nous rappellent qu'ils ne savent pas nager, nos moustiques, véritable institution nouakchottoise, jubilent.
Nous découvrons que nouakchottois et natation ne vont pas de pair.
Quelques millimètres d'eau et tout nouakchott se noie… Notre magnifique capitale des pas perdus et des illusions englouties nous la joue « grande lessive annuelle », chaque quartier faisant dans la surenchère aquatique, chacun vantant les mérites de sa nappe phréatique.
J'aime toute cette eau : elle est « kolkhoze » à souhait. Tout se partage. Riches ou pauvres, puissants ou faibles, tout le monde y passe. Même notre concerné en chef, le ministre de l'assainissement dont la maison s'est réveillée île.Comme quoi…..
Seuls quelques chanceux dont la case est « perchée » (ok tout est relatif mais en ces temps humides vaut mieux être « perché » à la Socogim Tevragh Zeïna que d'être au ras des sables à la Socogim PS) échappent au bain de pied républicain. Certains sont plus perchés que d'autres, exemple notre sultan. C'est l'avantage de la fonction : plus on est haut, plus on est perché. Pourquoi donc, quand on est Roi, se fatiguer à nager quand d'autres peuvent le faire à notre place?
Je soupçonne quand même fortement ces inondations de faire partie d'un complot mondial, au moins téléguidé par des « entités judéo sionistes » (au moins, c'est le must dans la fantasmagorie arabe), au mieux par des ennemis de l'intérieur. A Néma, notre Commandeur des croyants à nous nous a expliqué, ordinateur à l'appui, que tout va bien et mieux chez nous: vous n'avez pas d'électricité, patience vous serez bientôt « électrocutés »; Vous mourez de soif? L'eau arrive, oh mon peuple de héros rectifiés!
Ben dis donc, pour arriver, elle est arrivée l'eau…. Nous y trempons, nous y mijotons…..
Faut dire que chez nous, dans notre royaume des mille et une merveilles, nous faisons tout à l'envers : on goudronne, on bétonne, on fabrique du trottoir comme d'autres, en d'autres temps fort reculés, multipliaient les petits pains, on peaufine, on astique, on rêve des centre villes à tours et rond points et feux rouges…… Sans penser une seule fois à mettre en place un assainissement quelque peu correct. Pourtant nous, on ne demande pas un assainissement tip top poil, genre assainissement à l'occidental; eux ils font tout dans la démesure. Non. Nous on se contenterait d'un petit assainissement, d'un tout petit truc qui ferait que les eaux de pluie, les eaux usées, les eaux tout court, puissent être collectées et « assainies » et, ainsi, être assainis Nous Z'Aussi.
Rendons à Goliath ce qui appartient au Marsupilami, à savoir que notre sultan actuel n'est pas responsable des inondations et de la construction de Nouakchott : il a hérité de 50 ans de gestion urbaine plus que catastrophique. Mais cela ne l'obligeait pas à aggraver le schmilblick en goudronnant à tous vents. Et en goudronnant à tous vents, à faire de nos rues des piscines où l'eau est piégée.
De plus, il a démontré sa capacité de « chasseur de gazra » mais n'a pas empêché la construction de tous ces quartiers, comme ceux de la Socogim Plage. Ce doit être une question d'être dur de la feuille (sourd comme un pot ) que cette acharnement à laisser le nouakchottois anarchiste vouloir à tous prix poser sa maison dans une zone inondable où les nappes phréatiques font leur boulot de nappes phréatiques, à savoir remonter à la surface. Pourtant des géographes, des urbanistes, depuis des décennies ont averti tous les pouvoirs en leur disant : « attention, Nouakchott est appelée à disparaître sous les eaux et quand ça arrivera, ça sera terrible ».
Partant du principe que ça n'arrive qu'aux autres, Nouakchott a continué à se développer n'importe comment. Et les gouvernants ont fermé les yeux.
Pourtant qui se souvient qu'au début du XX ème siècle, le Fleuve Sénégal a débordé jusqu'à Nouakchott?
Qui se rappelle que Nouakchott est construite sous le niveau de la mer et qu'aujourd'hui on voit la mer par dessus ce qui nous reste de cordon dunaire?
Qui se penche sur la question du Port chinois dont la construction a modifié les courants, ces mêmes courants grignotant les côtes?
Qui se souvient que nous sommes érigés sur des nappes phréatiques?
Et qui rappelle aux nouakchottois que notre si belle, si magnifique, si enthousiaste et dynamique capitale, est étudiée comme étant « ce qu'il ne faut absolument pas faire », dans tous les départements de géographie et d'urbanisme des universités mondiales?
Qui s'interroge sur certaines rumeurs qui disent qu'il va y avoir la construction d'un autre port terminalier entre Nouadhibou et Nouakchott, port permettant à des compagnies extractives (genre Tasiast) d'avoir leurs propres débouchés sur l'Atlantique? Si ces rumeurs devaient se confirmer, ce serait rajouter de l'huile sur le feu….
Qui, dans les médias, rappelle que le danger de l'eau et de la disparition de Nouakchott viendra du Nord de Nouakchott, pas du sud.
Et que le jour où le littoral mauritanien disparaîtra, les répercussions toucheront même le Sénégal?
Non. Nous on fait dans l'optimisme à tout crin : nous enthousiasmons en chœur, nous construisons avec célérité et joie.
Nous sommes les joyeux nains du bétonnage à tout va….
Alors puisque nous sommes et sourds et aveugles, je propose au moins de sauver quelques meubles.
Proposition une : je demande à notre Sultan d'imposer des cours de natation obligatoire à tous les Nous Z'Autres nouakchottois.
Proposition deux : pour ce faire, je propose que l'on démocratise les bouées et autres palmes et tubas. Dorénavant les Boutiques Emel Solidarité s'appelleront « Emel bouées, tout à une ouguiya, déstockage massif ».
Proposition trois : nous financerons les constructions d'usine à « bouées » avec, dans le cahier des charges, l'obligation de remplacer la tête de canard de la bouée par des attributs plus mauritaniens, genre tête de chameau, tête de vaches, têtes de moustiques, tête de cafards, têtes de militaires, etc., etc….
Proposition quatre : pour endiguer le chômage, nous proposerons des bacs afin de permettre aux citoyens de passer d'un quartier à un autre. Bien sur le prix du passage sera modique…
Proposition cinq : création d'une brigade fluviale spécifiquement nouakchottoise.
Proposition six : dupliquer à l'infini des voitures amphibies, genre les chars que l'on voit dans les films américains.
Proposition sept : réinstituer le gavage, non seulement pour nos femmes, mais aussi pour nos mâles, partant du principe que « plus on est gros, mieux on flotte » (testé par moi, si, si, je vous l'assure!).
Proposition huit : le BASEP deviendra un bataillon de Commandos marines.
Proposition neuf : tout candidat à la présidence, qu'il le fasse par les urnes ou qu'il le fasse par coup d'état rectifié ou non, devra justifier d'un diplôme de maître nageur au moins dans l'une des nages suivantes : la brasse, le crawl, le dos crawlé, la nage indienne. Bien sûr seront éliminés les « enclumes », à savoir ceux qui coulent…..
Etc, etc…..
En attendant que mes propositions soient retenues par notre Chef, et qu'il voit ainsi le génie que je suis, je ne peux que vous conseiller de nager, encore nager, toujours nager…Consolez vous : ça muscle……
Salut
Mariem mint DERWICH
Source : Le Calame le 28/08/2013{jcomments on}
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