Pêche RIM-UE. Espagne, le dessous des cartes

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La session Plénière du Parlement Européen se prononcera, en dernier ressort, sur l’Accord de Pêche négocié avec la Mauritanie.

Elle le ratifiera ou non, selon qu’elle suivra les recommandations de l’exécutif (Commission de l’UE, Conseil de l’UE) favorable à la ratification ou, au contraire, la recommandation de sa propre Commission parlementaire de Pêche, défavorable à cette ratification.

 

Cette dernière recommandation, prise à l’initiative et sous la pression des Espagnols, invoque le cout élevé de l’Accord par rapport à l’accord précédent, en l’absence des céphalopodes essentiellement, alors que les espagnols seraient surtout inquiets pour l’avenir du port de Las Palmas.

 

Le mandat de la Commission et du Conseil de l’UE

Pour sa part, l’exécutif de l’UE (Commission de l’UE et Conseil de l’UE) a négocié et agi suivant les directives de la résolution du même Parlement en date du 12/05/2011, spécifiquement prise pour encadrer la négociation avec la Mauritanie.

 

Cette résolution fixe aux négociateurs Européens des objectifs de préservation de la ressource et de développement local très clairs : a) « tout accès à la pêche dans les eaux mauritaniennes négocié pour les navires battant pavillon d'un État membre de l'Union européenne soit fondé sur le principe des stocks excédentaires » ;  b) « tout accès de l'Union doit concerner les ressources ne pouvant être pêchées par la flotte mauritanienne ».

Dans ce cadre, entre autres et sur la base des travaux du Comité Scientifique Conjoint RIM-UE, les céphalopodes ont été exclus en tant qu’espèce-cible, leur prise accessoire a été fortement limitée, et le réaménagement des zones de pêche a permis de protéger une partie du stock des sardinelles.

 

Depuis, aucun élément nouveau n’est venu remettre en cause les conditions initiales de ces négociations. Le dernier Comité Scientifique Conjoint RIM-UE (Rennes du 2 au 5 Avril), a reconfirmé la précarité de ces stocks (poulpes, sardinelle) et confirmé la capacité des flottilles Mauritaniennes à capturer certains stocks excédentaires éventuels (poulpes).

 

Les soucis des Canariens

Mais l’exclusion de la pêche aux poulpes en tant qu’espèce-cible se traduit pour les Espagnols par de réels problèmes économiques et sociaux dans les régions de Galice et d’Andalousie.

De même et surtout, l’obligation de débarquement des captures démersales et le transbordement, en rade de Nouadhibou, des captures des chalutiers industriels pélagiques priveront les Canaries d’une intense activité, au profit de Nouadhibou, le port de Las Palmas étant la plateforme logistique de la quasi-totalité de ces flottes.

 

Aussi, au-delà de la question du cout financier de l’Accord par laquelle Mr Mato (Eurodéputé pour les Canaries) justifie sa demande de rejet de l’Accord (s’il ne comprend pas les céphalopodes) il s’agit surtout, pour les Canariens, d’une question stratégique qui engage en grande partie l’avenir de la Grande Canarie, au profit de Nouadhibou.

 

Selon les données disponibles, l’enjeu du nouveau Protocole de pêche pour les seules Canaries porte sur  la perte (à terme au profit de Nouadhibou) de:

  • 2000 emplois

  • 40 Millions d’Euros de facturation locale (Avitaillement et autres fournitures et services)

  • 100 Millions d’Euros de valeur d’exportation

  • Etc.

 

Les Canariens ont toujours surveillé de très près les « velléités » Mauritaniennes tendant à développer le port de Nouadhibou, car un tel développement se ferait fatalement au détriment du port de Las Palmas. D’aucuns soupçonnent d’ailleurs l’Espagne de ne s’être saisie pour un premier temps des deux dossiers déterminants, celui de l’enlèvement des épaves et celui de l’extension du port de Nouadhibou, que pour en différer le plus longtemps possible l’exécution.

 

Ainsi pendant plus d’une décennie, la question de l’encombrement de la rade de Nouadhibou par les épaves d’une part, et celle de l’exigüité des quais d’autre part ; ont été des arguments suffisants pour invalider, systématiquement et sans appel, la récurrente option Mauritanienne de débarquement local des captures.

 

Depuis, l’activité minière s’est intensifiée en Mauritanie, et les compagnies qui s’installent ici ont pris, elles aussi, Las Palmas comme plateforme logistique. Cette situation a d’ailleurs déjà eu pour corollaire l’implantation d’entreprises Canariennes de services autour de ces miniers, opérant dans divers secteurs tels que le catering, le transport etc.

 

L’avenir

Il s’agit dorénavant de beaucoup d’activités économiques dont la source est chez nous, et dont nous ne profitons pas des retombées les plus immédiates et les plus importantes.

Nous n’en sommes encore qu’au tout début et, en plus et en dehors de la pêche, les besoins industriels, logistiques et de relâche de ces activités (Or, fer, gaz etc.) vont se développer rapidement. Cela concernera des volumes d’activités et d’affaires autrement plus importants que tout ce qu’on peut imaginer actuellement.

 

C’est tout cela qui justifie la décision du Président de la République d’ériger Nouadhibou en Zone Franche, décision pertinente s’il en est, au vu de ce que nous venons d’exposer.

 

Dans ce contexte et au regard de ces objectifs et enjeux, nous devons rester fermes sur les conditions négociées dans notre Accord de Pêche avec l’UE. Cette position concourt à la réussite de la Zone Franche de Nouadhibou, car l’activité de pêche recèle un potentiel de développement énorme, dépendant exclusivement de nous. Indépendamment des autres intervenants, notre politique en la matière peut constituer le noyau d’une masse critique d’activités viables, à partir desquelles émergent et se développent une multitude de secteurs connexes porteurs.

 

Tenir bon et agir

En conséquence de ce qui précède tout recul, même tactique, sur les fondamentaux de cet accord serait difficilement réversible, et pourrait se traduire par une autre décennie de perdue.

 

Par contre, les conséquences d’un éventuel rejet de l’Accord par le Parlement Européen ne sont pas aussi catastrophiques qu’elles peuvent paraître. Rien que les filières récupérés au niveau sectoriel sont suffisantes pour résorber les manque à apparent (retombées financières et emploi). A condition toutefois que le Ministère des Pêches fasse preuve de la célérité nécessaire à la mise en place effective des projets du secteur en cours.

 

L’UE à l’épreuve de l’option du développement durable

Pour en revenir au Parlement Européen, il serait donc totalement inattendu qu’il ne ratifie pas cet Accord, qui a été négocié dans le cadre de sa résolution du 12/05/2011, visant à préserver la ressource halieutique Mauritanienne de manière durable.

Ces mêmes objectifs qui viennent d’être généralisés (30/05/2013) dans le cadre de la nouvelle Politique Commune de Pêche Européenne entrant en vigueur dès 2014, limitant strictement aux ressources excédentaires, les Accord de Pêche signés avec les pays tiers.

 

Quant au sort du port de Las Palmas, il s’agit d’un problème réel mais, à la dimension de l’UE, cet enjeu demeure local. C’est au fond un problème de reconversion, qui ne doit affecter en rien les engagements de l’UE et les objectifs majeurs de portée globale, tels que la préservation des ressources et le développement durable.

 

Samouri Ould Ahmed Yehdhih.{jcomments on}

(Reçu à Kassataya le 17/06/2013)

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