Nouvelles d’ailleurs : Dis moi tes vertus, je te dirai tes vices…

MMD. Crédit photo : Nathalie DuvarryÇa pourrait s'apparenter à un « marronier », à savoir le sujet qui ressort dans la presse dès lors que les journalistes ne savent pas quoi écrire, genre « l'été arrive, mettez vous au régime »….

Régulièrement, chez nous, le thème de la Charia et de son application, revient sur le devant de la scène.

Quand ce ne sont pas de « vertueux » citoyens « indignés » par nos moeurs apparemment dignes de Sodome et Gomorrhe, qui marchent pour dénoncer vices et autres comportements « amoraux », c'est un politique qui en remet une couche.

La dernière « sortie » en date, c'est celle du leader du parti islamiste Alvadila, Ould Cheikh Aboulmaaly, qui, lors d'un rassemblement de son parti, a appelé à l'application de la Charia.

C'est ça que j'aime chez nos intellectuels religieux, à savoir des propositions fermes pour combattre tous les maux des Nous Z'Autres : tout va mal? Appliquons la Charia et nous règlerons tout, de la violence en passant, sûrement, aux dérèglements climatiques!

Coupons gaiement les mains, flagellons en choeur, exécutons en rond, lapidons, fouettons, etc, etc….! Hardi les Nous Z'Autres, à coeurs vaillants rien d'impossible….

Je me souviens d'un temps où nous avons appliqué la Charia. Dire que je suis fière de me souvenir de ces temps sombres où, sous pression saoudienne et échanges de bons procédés (à savoir recevoir des sous en provenance de la Péninsule), nous avons coupé des mains et exécuté, serait beaucoup. Au contraire, je me souviens de cette époque comme d'une époque de la honte

La mise à mort se faisait à la « Dune des Médecins » : on attachait le condamné au poteau (qui existe toujours), on installait le peloton d'exécution, la famille de la victime était au premier rang et, avanti, une bonne salve; un médecin venait vérifier que le condamné était bien mort; dans le cas contraire, on l'achevait. Tout cela sous les yeux d'une foule émue et enthousiaste qui venait d'assister à la fin de tous les problèmes de nos sociétés et qui rentrait chez elle, via les camions et autres objets roulants non identifiés, gracieusement mis à sa disposition. Nouakchott pouvait ainsi dormir en paix : un assassin venait d'être exécuté.

Je me souviens aussi de la mode « coupage de mains » qui a donné quelques beaux spectacles bien sanglants. De petits voleurs étaient attrapés, on les promenait sur un camion avec une pancarte autour du cou, pancarte sur laquelle était écrit « j'ai volé », on les livrait aux quolibets en les promenant sur l'avenue Gamal Abdel Nasser, on les soumettait aux cailloux et aux insultes, sous les yeux ravis d'enfants qui séchaient les cours. Puis on les emmenait direction la plage où un bourreau se chargeait de trancher l'objet du délit, toujours sous les applaudissements de la foule en délire.

Tout le monde était content ; nos oulémas qui voyaient, enfin, la Charia dans toute sa beauté, les citoyens qui punissaient, collectivement, un pauvre hère supplicié… Tout ça toujours sous la supervision d'un médecin oublieux de son serment d'Hippocrate.

Nous avons échappé aux lapidations de femmes adultères; peut être que, soit de femmes adultères nous n'avions point, soit nous étions de petites natures, incapables de voir une femme être torturée à mort sous les pierres, martyrisée, agonisant pendant longtemps…. Faut ce qu'il faut, n'est ce pas? Fusiller en public un assassin, couper des mains toujours en public, le coeur humain supporte; lapider une femme, faut pas pousser…

Dans la série « appliquons la Charia », il y a aussi le corollaire, le truc moraliste et moralisateur. Notre parti islamiste demande la création d'une structure chargée de lutter contre le vice et de promouvoir la vertu.

Nonobstant le fait que le vice de l'un est parfois la vertu de l'autre, j'admire cette propension qu'ont certains humains à définir, à la seule hauteur de leur morale, les principes vertueux.

Y aurait il un abécédaire de la Vertu? Seul « petit livre rouge » admis?

Qu'appellent donc Vertu et vice nos religieux politiques?

Y aura-t-il des manifestations d'indignation vertueuse de citoyens encore plus vertueux?

Où le vice commence-t-il et où finit-il?

Et, dans la même foulée, où commence la vertu et où finit-elle?

Lors du rassemblement d'Alvadila, il a été question de l'incinération de livres de rites malékites par Biram Ould Dah Ould Abeid. Bien. La Charia pour lutter contre ce « crime des crimes »….

Quid alors de l'application de la Charia contre les esclavagistes ou contre les religieux qui ont légitimé et qui, pour certains, continuent à légitimer le commerce humain? Est il « vertueux » de posséder un ou plusieurs esclaves? Est il « vertueux » d'avoir des esclaves quand ces derniers sont musulmans? Vaste question me direz vous….que je laisserai à nos religieux si..musulmans.

Sans parler de ce qu'implique l'application stricte de la Charia : en coupant des mains s'attaque-t-on aux problèmes de fonds, à savoir les causes de la délinquance, de la violence, etc?

L'application stricto sensu de la Charia comme lutte contre la violence?

Un pays «ami et frère et banquier », l'Arabie Saoudite, applique, tous les vendredis, en place publique la Charia. C'est la promenade du week end là bas, aller voir des hommes ou des femmes se faire fouetter ou décapiter par sabre ou lapider ou, ou ,ou…. Il y a des gens qui vont au ciné, d'autres qui vont aux arènes….

Il ne me semble pas que la violence et la délinquance aient diminué dans le beau et merveilleux royaume wahhabite. Malgré le nombre de têtes qui ont roulé par terre…

Il ne me semble pas qu'en coupant des mains, on sorte grandi.

Il ne me semble pas qu'en lapidant, nous rendions hommage à l'humain en nous.

Il ne me semble pas qu'en exécutant, on grandisse un peuple.

Il ne me semble pas qu'en appliquant de grandes phrases théologiques aux problèmes de société, on rende hommage à Dieu, Lui qui pardonne….

Quand aux définitions présupposées des vices et vertus, je laisse aux moralisateurs religieux, le soin de se regarder en face et je les mets au défi de se proclamer vertueux.

Si la vertu consiste à n'être que pratiquant, c'est que nous n'avons rien compris au message divin…..

Dis moi tes vertus, je te dirai tes vices….

Salut

Mariem mint DERWICH

Source  :  Le Calame le 06/06/2013{jcomments on}

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