Ibrahima Mifo Sow, vice-président des FLAM au Quotidien de Nouakchott : « A chaque pas que pose un homme politique, nous les premiers, il y a toujours un calcul derrière …»

(Crédit photo : anonyme)

M. Sow est en Mauritanie pour préparer le grand retour au pays des Forces de Libération Africaine de Mauritanie (Flam) après plus de 30 ans d’exil.

Raison pour laquelle le vice- président des Flam n’a pas le sommeil facile depuis qu’il a débarqué à Nouakchott, accaparé qu’il est, par son calendrier chargé. Il n’empêche, Ibrahima Mifo Sow s’est prêté volontiers à nos questions et y a répondu sans détour.

Quotidien de Nouakchott : M. Sow, présentez-vous brièvement à nos nombreux lecteurs car sans doute il y’a ceux qui vous connaissent et ceux plus jeunes qui ne vous connaissent pas.

Ibrahima Mifo Sow : Je suis futanké de souche multiséculaire et mauritanien de naissance et de fibre patriotique. J’ai enseigné le français au lycée de Sélibaby et presque à Kaédi. Je me suis trouvé très tôt impliqué dans la vie associative et militante. Cela m’a valu beaucoup d’années d’exil et d’éloignement.

QDN : Vous êtes le vice-président des Forces de Libération Africaine de Mauritanie dépêché sur place pour préparer le retour au bercail du mouvement après plus de 30 ans d’exil. Selon-vous, qu’est-ce qui a changé dans la situation politique du pays pour justifier cette décision de rentrer définitivement au pays ?

Les FLAM n’avaient pas choisi l’exil, elles y avaient été contraintes par la politique répressive du dictateur Ould Taya. Cet exil nous a servis fort opportunément comme option stratégique pour poursuivre notre combat. S’il est indéniable que notre résistance à partir de l’extérieur a conduit à des acquis importants, il n’en reste pas moins vrai que nous sommes restés toujours conscients que c’est de l’intérieur que la victoire décisive sera remportée. C’est pourquoi nous n’avons jamais cessé de nous y préparer. Il y a certainement sur la situation politique nationale des avancées réelles qui élargissent les opportunités pour un débat serein et de fond sur les questions qui conditionnent la coexistence de nos composantes nationales, mais je peux vous assurer que notre décision de revenir tient beaucoup plus de l’évaluation conclusive des facteurs internes à notre organisation. En tout état de cause, les raisons qui ont motivé la création des FLAM en 1983 restent plus actuelles que jamais, à savoir des discriminations raciales, l’esclavage, la volonté affirmée de l’Etat de falsifier l’identité culturelle de notre pays et l’accaparement oppressif des biens du pays par une seule de nos communautés. Nous revenons donc pour continuer le combat avec nos populations qui n’ont cessé de nous réclamer.

QDN : Ou alors est-ce que ce n’est pas la lassitude et le manque de visibilité de l’avenir de l’organisation qui installe le découragement ?

Je ne sais pas où vous voyez le découragement mais en tout cas pas dans nos rangs. Nos militants sont des hommes et des femmes de devoir, et l’ardeur militante qui les a toujours caractérisés est rendue encore plus vive par la perspective du retour. Nous avons toujours eu une idée claire de ce que nous voulons faire et de ce que nous voulons que notre pays devienne. Par dessus tout, nous gardons une foi inébranlable en la lutte que nous menons parce que convaincus que notre cause est juste et que les causes justes finissent presque toujours par triompher.

QDN : Vous avez été reçu en audience par Ould Abdel Aziz. Jusque-là vous n’avez pas dit grand-chose sur cette entrevue sinon que de rendre public un communiqué laconique expliquant ce qui a été abordé dans le cadre du redéploiement FLAM en Mauritanie. Lors de la conférence de presse de samedi passé, vous vous êtes limité à répéter les termes du communiqué. Hors Mohamed Ould Abdel Aziz n’est pas dupe. Comme bon nombre de mauritaniens avertis de la chose politique, s’il a accepté de vous recevoir c’est que derrière cela, se profile des calculs politiques. Parce qu’il sait que l’organisation a perdu de sa combativité depuis qu’elle s’est divisée et qu’un mouvement de désaffection grandissant s’est emparé de ses rangs en plus des pressions exercées par les pays d’accueil qui incitent à rentrer au pays parce qu’ils estiment que les raisons de l’exil sont devenues obsolètes. Qu’en dites-vous ?

D’abord je constate que vous vous livrez davantage à un commentaire que vous ne posez des questions ! Vous dites que Ould Abdel Aziz n’est pas dupe, que derrière son attitude se cachent « des calculs politiques ». Puis-je vous demander de me citer un seul politicien, digne de ce nom, qui agit gratuitement, sans calcul ? A chaque pas que pose un homme politique, nous les premiers, il y a toujours un calcul derrière … c’est le b-a-ba même de la politique ! Vous justifiez ensuite son attitude par “la désaffection grandissante qui s’est emparée de nos rangs “ Rien n’est plus gratuit ! Mais croyez-vous que si notre organisation était moribonde qu’il se serait hasardé à lui accorder une quelconque attention ? Rassurez-vous, nos rangs sont plus solides que jamais. Quant à l’assertion sur la prétendue pression des pays étrangers, elle tient beaucoup plus de la spéculation que de la connaissance de la gestion du statut des refugiés et des immigrés dans ces pays. Croyez-moi, ces pays sont plus intéressés par notre insertion dans leur tissu social qu’à se débarrasser de nous! La France et les USA ont plutôt d’autres soucis.

QDN : Ne pensez-vous pas d’ailleurs que l’enrôlement biométrique en cours à l’étranger, constitue un piège pour les nombreux exilés car, ceux qui sont sans-papiers et qui n’auront pas pu le faire, vont devenir des apatrides. Ceux qui ont acquis une autre nationalité vont perdre la mauritanienne et seront de ce fait disqualifiés pour poser les problèmes des négro-africains de Mauritanie, et ce d’autant plus que leurs enfants sont déconnectés du pays et sont condamnés à constituer un groupe marginalisé par les pays d’accueil durement frappés par la crise économique et sociale ?

Oui nous le pensons, nous partageons votre inquiétude, mais vous devez savoir que nous avons été, parmi les premiers à décrypter les buts inavoués de cet enrôlement qui vise à priver les Négro-mauritaniens en général, et la Diaspora en particulier de la nationalité mauritanienne. Pour le reste, nous nous battrons pour que les droits civils et politiques de tous les Mauritaniens soient respectés et en particulier, que la double nationalité – qui est une richesse – soit une réalité.

QDN : A l’heure où l’étau se resserre sur la marginalisation de la composante négro-africaine croyez-vous pouvoir convaincre de votre projet de société afin de résoudre définitivement la question nationale et sociale ?

Nous ne pouvons préjuger de rien … mais nous disons simplement de laisser libre cours aux idées et projets des uns et des autres, le peuple sera seul juge !

QDN : Vous avez déclaré que le président des FLAM va rentrer dans trois ou quatre mois au plus. M. Sow, pouvez-vous être plus précis sur la question ?

Non ! N’est-ce pas suffisant comme précision, « à la mauritanienne »? Les FLAM sont en ordre pour le retour.

Propos recueillis par Moussa Diop

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 13/05/2013{jcomments on}

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