Alain Cadec, député Européen: « L’inquiétude de certains députés de la commission de la pêche porte sur le contenu du protocole… »

(Crédit photo : MauriWeb)

Mauriweb: Le protocole de pêche signé en juillet 2012 par notre pays et l’Ue est encore en souffrance. Comment pourriez-vous expliquer cet état de fait ?

Alain Cadec : Comme l’a exprimé mon collègue rapporteur Gabriel Mato Adrover, l’inquiétude de certains députés de la commission de la pêche porte sur le contenu du protocole mais aussi sur la manière dont la Commission européenne a mené les négociations sans en informer le Parlement de manière régulière et immédiate.

Cet accord semble également rejeté par certains professionnels de la pêche qui pêchent dans le cadre de ce partenariat.
En l’état actuel, le protocole impose en effet aux armateurs européens une augmentation des redevances, la réduction de certaines zones de pêche et une interdiction de la pêche aux céphalopodes. Or, il faut qu’un accord de partenariat de pêche permette un bon équilibre entre l’investissement financier dans l’accord et les emplois qui en découlent pour chaque partie intéressée.

Mauriweb- Lors de l’audition sur cet accord au Parlement, en janvier 2013, le président de l’organisation de pêcheurs artisans mauritaniens a expliqué aux parlementaires européens, l’importance de ce protocole pour la Mauritanie et de la poursuite d’un partenariat « gagnant-gagnant » entre les deux parties. Avez-vous le sentiment qu’il a eu échos auprès de votre auguste Assemblée ?

A.C: Les députés européens membres de la Commission de la pêche ont été attentifs aux arguments du Président de l’organisation des pêcheurs artisans mauritaniens. J’ai bien sûr été sensible aux propos concernant la poursuite de notre partenariat très fructueux. Je suis également d’avis que ce nouvel accord doit permettre le développement du secteur de la pêche en Mauritanie.
Ceci étant, il s’agit là d’un accord de pêche et je partage la volonté du représentant des pêcheurs artisans mauritaniens d’un accord « gagnant – gagnant » entre les deux parties. J’ajoute que j’attends avec impatience la réunion d’un comité scientifique conjoint sur la situation du poulpe afin que ce stock soit évalué de manière scientifique et que l’accord puisse permettre de maintenir une pêche durable du point de vue social, économique et environnemental tant pour le secteur mauritanien de la pêche que pour les armateurs européens.

Mauriweb- Le principal écueil dans l’adoption de ce protocole -après l’arrêt en Mauritanie des activités de la société chinoise Polyhondone qui offrait un alibi à certains parlementaires européens pour contrer cet accord- reste l’accès à la ressource du poulpe mauritanien. Pensez-vous que les parlementaires européens iraient en contradiction avec la résolution du Parlement de mars 2010? Une résolution qui insistait, je vous le rappelle, pour des raisons de durabilité de la ressource, sur le fait que « tout accès à la pêche dans les eaux mauritaniennes pour les navires battant pavillon d’un État membre de l’Union européenne soit fondé sur le principe des stocks excédentaires».

A.C: Comme l’a rappelé à plusieurs reprises le rapporteur au Parlement européen sur ce protocole, le Parlement soutient la résolution adoptée en mars 2010. La durabilité de la ressource est effectivement essentielle à mes yeux. Tous les accords de l’Union européenne sont en effet strictement en ligne avec l’article 62 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la Mer, qui indique que seul l’excédent des stocks peut être pêché dans un souci de préservation de la ressource.
Il convient de se baser pour cela sur les avis scientifiques les plus récents et les plus fiables.

Mauriweb- Dans le même souci de conservation, la Mauritanie, vous le savez, excellence Monsieur le député, vient d’opérer des aménagements sur les zones de pêche (céphalopodes, pélagiques…). Quelle appréciation en avez-vous ?

A.C: J’accueille favorablement les efforts menés dans un souci de conservation scientifiquement fondés.
Je pense que le protocole du nouvel accord doit être équilibré afin de maintenir cette situation qui permet à la Mauritanie, mais aussi à l’Union européenne de continuer à pêcher dans un cadre strict de préservation de la ressource halieutique.

Mauriweb- Dans les recommandations la résolution du Parlement Européen, concernant la contrepartie financière, le législateur européen estimait que la compensation financière pour l’accès aux stocks devrait être dissociée du soutien financier accordé au programme d’appui du secteur de la pêche en Mauritanie pour son développement durable. Nous avons aujourd’hui l’impression que les débats engagés par les parlementaires européens adversaires du nouvel accord sont en déphasage avec cette recommandation. Que pensez-vous ? Et quelles appréciations portez-vous sur les exigences opposées par la Mauritanie d’une juste rétribution des produits effectivement capturés par les bateaux européens ?

A.C: La contribution financière totale de l’UE est fixée à 110 millions d’euros pour ce nouveau protocole, dont 70 millions d’euros par an au cours des deux années de validité du protocole (67 millions au titre de droits d’accès aux zones de pêche et 3 millions pour l’aide au développement du secteur de la pêche mauritanien. Les 40 millions d’euros par an restants sont à la charge des acteurs du secteur de la pêche, par les redevances versées pour les licences de pêche. Le plus important est la transparence dans l’utilisation des fonds. Il est légitime que la Mauritanie exige une rétribution pour les produits effectivement capturés par les bateaux européens. Je pense qu’il faut arriver à une compensation juste et équitable, sans pour autant demander un effort trop important aux armateurs européens qui risqueraient de se désintéresser de cet accord, ce qui ne serait bénéfique ni pour l’Union européenne, ni pour la Mauritanie. Or avec ce nouveau protocole, les coûts engendrés augmentent pour l’Union européenne et pour les armateurs.

Mauriweb- Enfin jusqu’ici des questions de transparence se posent du fait de l’absence des représentants des communautés de pêcheurs, et de la société civile mauritanienne, en générale, dans les discussions engagées avec les autorités mauritaniennes par l’Ue. Or, nous savons l’intérêt que vous portez pour cette transparence dans la mise en place des comités techniques. Comment pourriez-vous contribuer à cette ouverture ?

A.C: Il est important que toutes les parties prenantes soient écoutées, que ce soit dans l’Union européenne ou en Mauritanie. Le Parlement européen a demandé à être présent lors de tous les comités techniques. Il appartient également aux autorités mauritaniennes de faire remonter les positions de leurs communautés de pêcheurs ainsi que de la société civile mauritanienne, c’est essentiel à mes yeux.

Entretien réalisé par Jedna Deida

Source  :  MauriWeb via Le Quotidien de Nouakchott le 31/03/2013{jcomments on}

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