Politique : Le « front » des femmes

(Crédit photo : anonyme)

A la veille d’élections municipales et législatives jugées « déterminantes » pour une classe politique qui n’a jamais été si éclatée que maintenant, les femmes haussent le ton.

Sans tenir compte de leurs appartenances politiques (majorité ou opposition), elles ont constitué un « front » où figurent d’anciennes ministres, parlementaires mais aussi des femmes qui occupent présentement des postes de responsabilité et qui estiment que le quota de 20%, reconnu par la Constitution, a chuté pour n’être plus que de 13% !

Pour rentrer dans leurs droits, les femmes ont donc décidé de se battre sur tous les fronts. Elles avaient envoyé des missions de sensibilisation à l’intérieur du pays et multiplient également les sorties dans les médias officiels et privés. La dernière en date, à la TVM, la présidente de ce regroupement, la maire de Tevragh-Zeina, Fatimetou Mint Abdel Maleck, n’a pas caché qu’il y a bien un lien entre l’effervescence féminine – féministe – actuelle et les prochaines élections. Dans son combat contre les hommes, le Groupe de Plaidoyer pour les Femmes met même à contribution des forces extérieures comme le National democratic institute (NDI) qui a contribué à l’organisation d’une réflexion tendant à prouver qu’elles sont capables d’accéder aux centres de décisions du pays et s’estiment capables de diriger au même titre que les hommes.

Cette volonté de forcer la porte du « commandement » des hommes, au niveau politique, tient d’une réelle présence des femmes dans les campagnes électorales (présidentielles, législatives et municipales) qui sont d’abord une affaire de femmes. L’animation qui fait l’essentiel de l’action politique, au détriment du Verbe et de sa force, est laissée entre les mains de cette frange sociale qui, selon les dernières statistiques disponibles, représente 53% de la population du pays ! Mais qu’en est-il en ce qui concerne la représentativité ? Une femme pourrait-elle, bientôt, être cooptée pour devenir « Première » ministre ?, « présidente » de l’Assemblée nationale ou du Sénat ? La femme mauritanienne, ma cha Allah, est présente sur tous les espaces. Elle occupe une place importante dans le secteur économique où elle est présente depuis le début des années 1980. En politique, elle se fraye une place grâce à son combat, mais n’arrive pas encore à bousculer la gent masculine dans ce qui semble bien être sa chasse gardée.

Ainsi, dans la formation de chaque gouvernement, la première chose que l’on regarde, après, bien sûr, la question des quotas Maures –Négro-Mauritaniens, est celle de la parité. Combien de femmes ? Généralement, il n’y en avait pas plus de deux ou trois, confinées dans les portefeuilles à caractère social (Condition féminine, Santé). La forte pression exercée par le « sexe faible » qui prend de plus en plus conscience de sa force cachée, a fini par porter ses fruits, quand les décideurs politiques ont accepté d’ouvrir encore plus les portes du gouvernement à leurs consœurs. Le champion de cette révolution est sans contexte l’actuel président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz qui a donné aux femmes 5 portefeuilles dans son premier gouvernement, dont un de souveraineté (Affaires étrangères, Fonction publique, Culture, jeunesse et sports, Famille, enfance et affaires sociales, Affaires africaines).

Ould Abdel Aziz était même allé plus loin, quand il avait nommé une sixième femme (Messaouda Mint Baham) au poste de ministre Conseiller à la Présidence, mais la suppression, quelques mois après, de ce cabinet stratégique puis le débarquement de la ministre des Affaires étrangères Naha Mint Mouknass, a été interprétée par certains comme la « victoire » des hommes du palais (le Directeur de cabinet du Président à l’époque, Cheyakh Ould Ely, et de Melaaïnine Ould Towmy, Chargé de missions) sur l’ambition et le flegme d’une femme qui ne se pliait pas à la loi des hommes.

Elles demandent encore plus

Mais la représentativité féminine au sein du gouvernement (5/28), quoique proche du quota de 20% prévu par un décret présidentiel, en février 2007, n’est réellement suivie qu’au niveau de l’Assemblée nationale où elles représentent environ 20% (19 députées sur un total de 95) mais seulement 1,66% du bureau de la chambre basse (2 femmes seulement sur 12). Mais l’assemblée nationale fait tout de même mieux que le Sénat où les femmes ne représentent que 14,28% (8 sur 56) et ont été exclues, par manque de galanterie, du bureau de la chambre haute formé de 8 sénateurs ! Avec une proportion de 53% de la population, les femmes courent toujours derrière cette parité qui constitue aujourd’hui l’un des objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Au niveau du parlement mauritanien élu en 2007, leur représentativité est beaucoup plus élevée que celle de leurs collègues marocaines qui se contentent d’un quota de 10 pour cent des sièges mais elles font encore moins bien que leurs consœurs sénégalaises qui constituent 52 % de la population et réalisent de belles performances à l’Assemblée nationale, dans le Gouvernement, les conseils régionaux, les conseils municipaux et dans les collectivités rurales.

Dans les conseils municipaux, les femmes mauritaniennes peinent encore à se faire de la place alors que, justement, c’est le lieu le mieux indiqué pour elles pour faire leur apprentissage en politique. Sur les 216 conseils municipaux, les femmes n’en contrôlent que trois (1,38%), toutes présentes à Nouakchott (Fatimetou Mint Abdel Malick, Tevragh-Zeina, Rabi Haidara, Sebkha, Nouakchott et Salimata Yéro Sarr, El Mina). C’est encore pire dans l’administration territoriale où le poste de wali (gouverneur de région) reste une « spécialité » masculine.

Cette situation doit changer en Mauritanie pays qui se vante d’avoir le taux le plus élevé de scolarisation des filles, soit environ 70. Mais leur nombre diminue au fur et à mesure qu’elles grandissent parce qu’elles abandonnent l’école pour se marier très jeune ou parce qu’elles n’ont pas l’opportunité de pousser très loin des études qui, finalement, peuvent ne servir à rien. Selon des analystes, les femmes mauritaniennes s’affirment comme un maillon incontestable dans la vie politique nationale, ce qui leur donne un statut beaucoup plus valorisé. En effet, affirment-ils, elles ne sont plus seulement considérées comme de simples pourvoyeuses de voix pendant les élections, comme c’est encore le cas dans beaucoup de pays arabes ou africains où la femme vote mais sans être élue dans le cercle des décideurs politiques.

Ce qu’il faut maintenant pour elles, c’est de forcer ces portes qui restent encore désespérément closes (Primature, présidence de l’Assemblée ou du Sénat) et mener un combat pour la parité au niveau de l’administration et des bureaux exécutifs des partis politiques. Car, là encore, l’hégémonie de l’homme est encore totale. Seules quatre femmes commandent des partis politiques (Naha Mint Mouknass, Présidente de l’UDP), Mintata Mint Hedeit, Secrétaire générale du PRDR), Meghboula Mint El Gharabi, parti mauritanien pour la justice et le développement et Sehla Mint Ahmed Zayed, parti « Hawa ». Quatre femmes sur plus de 60, soit à peine 6,66% !

Dans la composition du Conseil national de l’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir, elles ne sont que 44 femmes (24,69) perdues au milieu de 122 hommes. Elles réalisent à peu près la même performance au sein des organisations de la société civile mauritanienne où les femmes présidentes d’ONG sont au nombre de 74 sur un total de 307 (24,10%), selon les données du Cyberforum de la société civile.Présentes également au sein des forces armées et de tous les corps militaires ou paramilitaires (gendarmerie, garde, police, douane, sapeurs-pompiers), les femmes mauritaniennes ne se fixent, apparemment, plus de limites. L’objectif recherché est d’arriver à jouir pleinement de leurs droits de citoyennes dans un pays où les pesanteurs sociales et religieuses constituent, quand même, quelque part, une barrière infranchissable. Naha Mint Mouknass, présidente d’un parti politique dont la raison d’être, comme tout parti, est d’arriver au pouvoir, peut-elle devenir un jour présidente de la République ? Une question qu’il faut poser peut-être à tous ceux qui, au nom de la religion, pensent que la femme doit tenir compte de certaines limites.

Sneiba Mohamed

Source  :  L’Authentique le 27/03/2013{jcomments on}

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page