Marché des engrais : Le trésor public se délesté de plus d’un milliard dans une opération louche

(Périmètre agricole au Trarza. Crédit photo : anonyme)

La campagne agricole 2012-2013 a été l’occasion pour de hauts responsables mauritaniens de se rendre complice de l’une des plus grandes et plus incroyable opérations de détournement deniers publics.

Vous connaissiez le favoritisme, les trous de caisse, les retro commissions, et la surfacturation maintenant voici une autre forme mise en œuvre sous le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz qui a pour étendard la lutte sans merci contre la gabegie.

Tout a commencé lorsque l’entreprise SOGECOR filiale du groupe Ehel Weddadi remporte le marché de la fourniture de 9000 tonnes d’Urée et 3600 tonnes de DAP (engrais) pour un délai de livraison fixé au 03 Mai 2012. A cette date, pas le moindre kilo d’engrais n’était en vue et les agriculteurs commençaient à montrer des signes de nervosité. Certains n’hésitaient plus à accuser le ministère du Développement rural de négligence grave pouvant compromettre la saison agricole. Des représentants des agriculteurs ont été même reçus, par le président Mohamed Ould Abdel Aziz en présence du ministre en charge du département de l’agriculture et du développement rural. Il en résulté que le 29 Mai 2012, le comité interministériel chargé du suivi de la campagne agricole s’est réuni sous la présidence de Moulaye Ould Mohamed Laghdaf. Etaient présents Taleb Ould Abdivall ministre des finances par intérim, Bamba Ould Daramane, Brahim Ould M’bareck, Mohamed Lemine Ould Abboy respectivement ministres du commerce, du développement rural et de l’hydraulique, Ba Ousmane et Mohamed Ould Mohamedou Secrétaire général du gouvernement et Commissaire à la Sécurité Alimentaire. Le Ministre du Développement Rural informa ses collègues que l’engrais n’était toujours pas livré car l’attributaire SOGECOR, invoque l’augmentation du prix de la tonne d’urée initialement convenu avec son fournisseur (Bauche) qui serait selon lui passé de 307,95 euros à 400 euros avec une livraison à Dakar au lieu de Nouakchott. Devant ces nouvelles conditions, l’attributaire demande une augmentation de son offre initiale par la prise en charge d’un surcout de 397 098 000 ouguiya qui résulte selon lui de la différence du cout entre les offres du fournisseur auquel il faut ajouter le cout du transport de Dakar à Rosso Mauritanie soit 10560 ouguiya par tonne. Et le ministre de poursuivre que son département a consulté la Sonimex ainsi qu’un mystérieux fournisseur suisse et que même avec les nouvelles conditions, l’offre de Sogecor restait la mieux indiquée compte tenu de délais très courts de livraison. Alors il recommandait au comité que soit l’Etat prend en charge le surcout de 397098000 soit l’Etat exonère les quantités d’urée et de DAP objet du marché. Mais quelqu’un fit remarquer que ces deux décisions seraient en contradictions flagrante avec le code général des marchés public. C’est alors qu’on trouva un subterfuge qui permettait non seulement de contourner la législation mais aussi de générer quelques centaines de millions dont on ne connait que trop bien la destination. Ainsi on décida de passer par la sonimex en lui demandant de procéder dans les meilleurs délais à l’achat de 9400 tonnes d’urée (400 tonnes de plus) et 3600 tonnes de DAP et que l’Etat devait prendre en charge ce surcout résultant des charges non budgétisées au MDR. Le 12 juin 2012, les ministères des Finances et du développement rural représentés par les secrétaires généraux M’aiziza mint Kerbally et Mohamed Ould Aida signent avec le directeur général de la SONIMEX, monsieur Debbe Ould Sidi Zeine une convention par laquelle la SONIMEX s’engage à livrer dans un délai d’un mois 9400 tonnes d’urée et 3600 tonnes de DAP à Rosso Mauritanie pour la somme de 3.338.880.000 ouguiya sur ce montant 2.726.000.000 ouguiya sont disponibles sur le budget du MDR et le reliquat soit 612.780.000 UM sera pris en charge par le ministère des Finances. Seulement en décortiquant les details de ces prix, on constate que les prix qui étaient dans le tableau présenté au comité interministériel ont été presque doublés (239.672UM contre 151.396 UM). Même le prix du transport Dakar- Rosso (Mauritanie) est passé de 10560 UM à 11760 UM. Mieux encore il semble que c’est le même engrais qui était disponible et dans les entrepôts de Bauche à Dakar et qui devait être livré par SOGECOR mais c’est aussi SOGECOR qui aurait servi d’intermédiaire, la SONIMEX n’étant qu’une pale couverture pour masquer la transaction. Au passage le trésor public se retrouve délesté de plus d’un milliard dans une opération louche du début à la fin. Alors non seulement ce fournisseur n’a pas vu sa caution provisoire mobilisée mais aucune pénalités de retard ne lui a été appliquées ou si on lui a appliqué une pénalité positive qui lui fait gagner encore plus d’argent.
Plus grave, des témoignages concordants affirment que la qualité et les spécifications techniques du produit ne sont pas conformes avec ce qui est préconisé par le cahier de charge. En effet et sans une analyse approfondie certains agriculteurs affirment que cet engrais a déjà commencé à former des agrégats alors qu’il est prévu qu’il doit répondre à la caractéristique d’éviter toute prise en masse et ce pendant 18 mois de stockage dans les conditions climatiques de la Mauritanie.

B.C

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 27/03/2013{jcomments on}

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