Mauritanie : la mal gouvernance du régime de Ould Aziz pointée par la CNDH

(Crédit photo : CNDH)

Plus de la moitié des mauritaniens sont mécontents de leur justice. Ils ont également une mauvaise image de leur police. Au plan politique intérieure, il reste beaucoup à faire pour parvenir au dialogue inclusif entre l’opposition et la majorité.

Les défenseurs des droits de l’homme ont épinglé également le règlement du passif humanitaire et l’éradication de l’esclavage qui cachent mal l’impunité. Une mal gouvernance pointée par la Commission Nationale de Droits de l’Homme dans son rapport annuel qu’il vient de rendre public cette semaine.

Pour son bilan 2012, la Commission nationale des Droits de l’Homme n’y est pas allé par quatre chemins. Cependant elle n’a pas jeté un pavé dans une marre de mécontents citoyens mauritaniens de leur chef mais plutôt levé des voiles sur des pratiques parfois douteuses du régime de Ould Aziz utilisées par exemple pour lutter contre les séquelles de l’esclavage et pour résoudre le passif humanitaire et le dialogue inclusif. Trois dossiers lourds qui pèsent sur la balance de la réconciliation nationale et la stabilité politique du pays. Les deux premiers ont longtemps gangrené la société mauritanienne et divisent la classe politique. Le moins qu’on puisse dire le nouveau locataire du palais de Nouakchott depuis juillet 2009 n’est pas un président comblé. A mi chemin de son quinquennat plus de la moitié des mauritaniens ne sont pas contents de leur justice et préfèrent recourir à un accord à l’amiable pour résoudre leurs soucis judiciaires. Plus de 76 pour cent ont une mauvaise image de la police et des magistrats. C’est ce que révèle ce rapport selon une enquête de 2012 financée par l’Union européenne.

Justice et police deux mamelles de la gouvernance mises à mal ces deux dernières années par Ould Aziz avec l’affaire du président de l’IRA Ould Abeid qui a failli être condamné pour avoir seulement brûlé des écrits religieux et d’autres scandales financiers sur la pêche et le bradage des terres agricoles aux investisseurs étrangers dénoncés notamment par l’opposition mais sans résultats. La dérive policière n’est pas en reste avec en ligne de mire des manifestations des dockers à Nouakchott comme à Nouadhibou et des travailleurs dans les industries extractives à Zouérate et Akjoujt qui ont occasionné quelque fois des morts d’où la nécessité de créer des tribunaux dans ces deux villes. Et aussi les arrestations musclées et emprisonnements d’ étudiants de l’Université de Nouakchott et de l’Institut supérieur islamique. Sans oublier les agressions physiques des journalistes dans l’exercice de leurs métiers malgré la libéralisation de ce secteur qui pourrait être confronté à la puissance de l’argent des lobbies d’affaires ou à l’idéologie extrémiste de certains groupuscules politiques en particulier islamistes. Les défenseurs des droits de l’homme sont loin d’être convaincus des efforts des autorités de Nouakchott à éradiquer l’esclavage malgré une nouvelle loi qui incrimine les auteurs et par conséquent ils préconisent la révision de ce dispositif pour inciter les victimes à porter plainte d’un côté et de l’autre permettre les ONG à se constituer partie civile .Déjà le gouvernement de Ould Laghdaf a compris le message en créant cette semaine une agence nationale pour l’insertion sociale des Haratins avec en toile de fond des programmes socio-économiques dynamiques. Une première réponse qui cache mal le voile d’impunité qui entoure les séquelles de l’esclavage en Mauritanie et le règlement du passif humanitaire. L’arrêt des appuis de l’Etat mauritanien pour le retour du reste des réfugiés au Sénégal est un coup fatal au processus de la réconciliation nationale. De même la suppression précipitée de la seule agence jusqu’ici chargée de l’insertion de ces rapatriés, l’ANAIR est un recul au moment où les fonctionnaires et agents de l’Etat victimes des évènements de 1989 passent à la caisse pour recevoir leurs indemnités. L’ouverture du dossier des réfugiés mauritaniens au Mali est un préalable au règlement définif du passif humanitaire. Ce rapport intervient dans un contexte de crise politique marquée par les manifestations de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) qui demande le départ du président mauritanien et résulte en grande partie de l’expiration du mandat parlementaire et des maires. Mais aussi du retard d’une commission indépendante nationale chargée des élections ou CENI qualifiée de non représentative des partis politiques. Une situation qui réside dans l’état d’avancement et de la fiabilité du recensement biométrique de l’état civil mauritanien. Aujourd’hui près de 2 millions de mauritaniens auraient leurs papiers soit près de la moitié de la population et qui représenterait une portion congrue des électeurs potentiels. D’ici quelques mois si rien ne bouge l’autre moitié pourrait ne pas aller aux urnes. Pour éviter le boycott de la COD et d’autres partis aux prochaines législatives et municipales le dialogue inclusif devrait être élargi à toutes les formations politiques. En filigrane des inquiétudes de la commission il a été question du nouveau cheval de bataille du gouvernement actuel, l’immigration avec les expulsions sauvages des étrangers africains noirs contraires aux conventions internationales régionales et sous régionales signées par la Mauritanie. En définitive une expertise qui en dit long sur la mal gouvernance du régime de Ould Aziz.

Bakala Kane{jcomments on}

(Reçu à Kassataya le 26/03/2013)

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