Triste anniversaire pour le Mali. Le 22 mars 2012, alors que le pays se préparait à des élections, le président Amadou Toumani Touré (ATT) était renversé par un coup d’État. Jugé trop conciliant face aux rebelles touaregs qui sévissent au nord, il est chassé du pouvoir par une junte rassemblée autour du capitaine Sanogo.
Depuis, la scène politique à Bamako a toujours, un an plus tard, des allures de foire d’empoigne.
Il y a tout juste un an, le président malien, Amadou Toumani Touré (ATT), était renversé par une junte formée au camp de Kati. À sa tête, un homme, le capitaine Sanogo qui tente depuis de rester au centre du jeu. Ses partenaires dans une série à rebondissement que les Maliens aimeraient ranger définitvement dans les livres d’Histoire : l’actuel président par intérim, Dioncounda Traoré, les Premiers ministres successifs Cheick Modibo Diarra et Diango Cissoko, ou encore Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé. Un an de chassés croisés et de chocs entre hommes politiques et militaires. Un an de jeux de pouvoir, de violences et de menaces que nous vous proposons de revivre à travers cet article.
Mali : depuis le coup d’État, un an de micmac à Bamako
Le 22 mars 2012, le capitaine Sanogo renversait le président Amadou Toumani Touré (ATT) à l’aide d’un groupe de militaires. Un an plus tard, la junte est toujours influente à Bamako tandis que la guerre contre les jihadistes fait rage au nord. Retour sur une année d’instabilité politique.
Après la chute du président Amadou Toumani Touré, les tractations ne tardent pas. Les deux leaders politiques Ibrahim Boubacar Keïta (RPM, Rassemblement pour le Mali) et Soumaïla Cissé (URD, Union des républicains démocrates) rencontrent séparément Amadou Haya Sanogo, le chef de la junte qui a renversé ATT. Ils insistent tous deux sur la nécessité de sauvegarder la démocratie malienne. Dans les rues de Bamako, des manifestations vont dans le même sens. Le capitaine Sanogo se pose en chef de l’État de façon provisoire. Il assure vouloir mener le pays à des élections libres.
12 avril 2012 : investiture de Dioncounda Traoré
Alors que le capitaine Sanogo tient les rênes du pays, Dioncounda Traoré, jusque-là président de l’Assemblée nationale, est désigné président par intérim, chargé de piloter la transition vers des élections libres, selon un accord-cadre signé le 6 mai. « Je jure devant Dieu et le peuple malien de préserver le régime républicain, de respecter et faire respecter la Constitution et l’intégrité du territoire du Mali », explique-t-il.
17 avril 2012 : nomination de Cheick Modibo Diarra
Selon l’accord signé avec la Cedeao, l’intronisation de Dioncounda Traoré doit être suivie par la désignation d’un Premier ministre de transition « disposant des pleins pouvoirs », qui aura la charge de nommer un « gouvernement d’union nationale » et de s’attaquer à la pacification du Nord-Mali. Après une période trouble, durant laquelle plusieurs hommes politiques, dont Modibo Sidibé et Soumaïla Cissé, sont arrêtés puis relâchés, c’est chose faite le 17 avril, avec la nomination de Cheick Modibo Diarra.
30 avril 2012 : contre-coup d’État manqué
La tension est à son comble, non seulement au sein de la classe politique, mais également au sein de l’armée. Le 30 avril, des militaires partisans de l’ancien président ATT tentent de reprendre le pouvoir à la junte. Face à ces événements – alors que Dioncounda Traoré devait quitter ses fonctions au terme d’une période de transition de 40 jours – un nouvel accord est conclu, dimanche 20 mai, avec la Cedeao. Il étend la période de transition à douze mois, en appelant les putschistes à retourner dans les casernes.
21 mai 2012 : agression de Dioncounda Traoré
Une décision immédiatement rejetée par la désormais « ex-junte » qui réclame le départ de Dioncounda Traoré et va jusqu’à désigner le capitaine Sanogo comme président de la transition, le 23 mai. Deux jours auparavant, une manifestation avait dégénéré en lynchage au palais présidentiel. Pris pour cible, Dioncounda Traoré est contraint de quitter le pays pour subir des soins médicaux en France.
Modibo Diarra et Sanogo s’opposent au sujet d’une médiation de la Cedeao
À Bamako, la scène politique apparaît de plus en plus partagée entre le capitaine Sanogo, qui se rêve en sauveur de la nation, Dioncounda Traoré et Cheick Modibo Diarra. Depuis la garnison de Kati, où il s’est retranché, le leader des putschistes ne reconnaît l’autorité du président intérimaire que sous la pression, critique la médiation de la Cedeao (que ses adversaires ont en revanche appelée à l’aide) et veut croire qu’un rien suffirait pour que l’armée triomphe dans le Nord.
Alors que Dioncounda Traoré est en convalescence en France, la transition politique est aux mains du Premier ministre Cheick Modibo Diarra, qui peine à s’affranchir de la tutelle du capitaine Sanogo, dont la réputation a été entachée par l’attaque dont Dioncounda Traoré a été victime. Officiellement chargé de la réforme de l’armée, dès août 2012, et apparemment en retrait de la scène politique, le leader des putschistes n’entend cependant pas occuper les seconds rôles. Ayant augmenté la solde des militaires maliens, il garde la mainmise sur une bonne partie de l’armée et, au camp de Kati, les visites de politiciens ou d’hommes d’affaires ne cessent guère.
11 décembre 2012 : démission de Cheick Modibo Diarra
Le capitaine Sanogo ne tarde pas à démontrer qu’il n’est pas seulement le roi de Kati, mais aussi le maître du jeu à Bamako. Il lui a suffi de quelques minutes dans la nuit du 10 au 11 décembre pour convaincre le Premier ministre Cheick Modibo Diarra, convoqué manu militari dans son bureau, de remettre sa démission. Avec quels arguments ? « Il n’y a eu ni pression ni violence, soutient le capitaine. On ne l’a pas contraint, on lui a juste facilité la tâche ».
11 décembre 2012 : Diango Cissoko remplace Cheick Modibo Diarra
Le président Dioncounda Traoré prend, le 11 décembre, un décret nommant l’ancien secrétaire général de la présidence, Diango Cissoko, au poste de Premier ministre, chargé de former un gouvernement d’union nationale, dont l’une des premières missions sera d’appuyer l’envoi d’une force armée internationale au Nord-Mali. Diango Cissoko n’est pas un novice. Durant les mois qui ont précédé sa nomination, il était notamment chargé d’assainir les relations entre le capitaine Sanogo, Cheick Modibo Diarra et Dioncounda Traoré.
7 janvier 2013 : intervention au Nord
Avec le nouveau gouvernement, la tension politique à Bamako n’en est pas pour autant retombée. L’attaque des jihadistes dans le nord et l’intervention militaire qui s’ensuit, avec l’entrée en guerre de la France, le 11 janvier, détournent les projecteurs de Bamako, où l’union sacrée n’est que de façade. Les différends entre le président par intérim Dioncounda Traoré et le capitaine putschiste Amadou Haya Sanogo sont loin d’être réglés. Selon nombre d’observateurs, l’opération Serval aurait même sauvé le président de transition. Quelques jours avant que l’armée française ne se déploie au Mali, le renversement du chef de l’État semblait « pratiquement programmé », confie un de ses proches.
Élections en juillet ?
Le nord du pays en passe d’être reconquis, les autorités politiques se penchent, à Bamako, sur la tenue d’élections libres. Dioncounda Traoré espère ainsi organiser un scrutin dès le mois de juillet, soutenu par la France, qui le pousse à reprendre en main l’armée malienne, entachée par de multiples exactions contre les populations du nord du Mali, notamment arabes et touarègues, à propos desquelles la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête. La Cour se réserve parallèlement le droit d’entreprendre des investigations sur les événements survenus pendant et après le putsch du 22 mars 2012, entre Bérets verts du capitaine Sanogo et Bérets rouges. Si l’ombre du capitaine putschiste plane toujours sur Bamako, il ne fait aucun doute que la communauté internationale ne verrait pas d’un mauvais oeil sa mise à l’écart.
Mathieu Olivier
Source : Jeune Afrique le 21/03/2013{jcomments on}
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