Suspendue il y a trois semaines de son statut de membre de l’initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), la Mauritanie fait resurgir le démon des trafics des agrégats économiques et de ressources, prouvant au passage le manque total de transparence dans la gestion des ressources minières, quoi qu’en disent les autorités.
Depuis trois ans et ans, chaque conseil des ministres ressemble plus à une séance de distribution de permis de recherche, d’exploration ou d’exploitation dans le domaine des mines qu’à une réunion des administrateurs des intérêts suprêmes des mauritaniens. En moyenne, durant cette période, quatre permis ont été accordés hebdomadairement ! Ce qui aurait été de bon augure pour le peuple, si la transparence était de rigueur dans les procédures de distribution, et surtout si celle-ci était de rigueur dans le partage des ressources exploitées effectivement.
L’acceptation de sa candidature par l’ITIE comme pays producteur de ressources extraites de ses sols ou mers est une garantie du respect de cette transparence, et que l’intérêt suprême du peuple est sauvegardé dans ces gestions, par l’état.
A la grande surprise de tous les observateurs privés du pays, la candidature de la Mauritanie était validée le 15 février 2012. A la surprise générale, car certains des acteurs économiques, même quelques-uns de l’ITIE-Mauritanie, sise en face de l’université de Nouakchott, se plaignaient de ne pouvoir accéder aux sites d’exploitation d’entités comme MCM ou Tasiast qui débutait à peine à l’époque, pour vérifier le respect des cahiers des charges.
Finalement la surprise sera de courte durée : un an après la validation de sa candidature, celle-ci est suspendue par l’ITIE pour un retard de deux ans dans la publication des rapports.
Or, pour l’ITIE, le principe fondamental et probant de la transparence dans la gestion des ressources naturelles, réside dans la remise en main, annuellement, d’un rapport sur les opérations de l’année écoulée.
L’ITIE attend trois rapports de la Mauritanie depuis 2010. Deux ans de black-out, que les autorités jusqu’à présent, même au niveau de l’ITIE, n’ont pas pris la peine de justifier.
«Lorsque des inquiétudes fondées existent sur le fait qu’un pays a atteint le statut de Conformité à l’ITIE, mais que sa mise en œuvre de l’ITIE est ensuite retombée sous le niveau requis pour la Conformité, le Conseil d’administration se réserve alors le droit de demander à ce pays de procéder à une nouvelle Validation au risque d’être radié de l’ITIE» explique sur son site, l’ITIE, basée en Suède.
Une des conditions sine qua non de la candidature d’un pays est que le «gouvernement doit s’engager à travailler avec la société civile et les entreprises pour mettre en œuvre l’ITIE».
Et déjà dans le PV d’un «brainstorming» du 28 mai 2012, une partie de cette société civile, notamment, Maître Mine Abdoullah président de la Coalition Mauritanienne PCQVP (publiez ce que vous payez), s’inquiétait que les rapports qu’ils avaient sous la main ne soient pas du tout «détaillés».
Il est revenu plus récemment à la charge en regrettant la suspension du pays de l’ITIE :
«La Coalition Mauritanienne PCQVP déplore cette suspension qui pouvait être largement évitée car elle concerne l’un des fondamentaux les plus simples de l’ITIE à, savoir la publication des rapports. Pourtant, la Coalition n’a jamais manqué d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur les risques d’un tel retard».
Pourquoi un tel retard ?
«La mise en œuvre du processus ainsi que le recrutement des consultants chargés de la réconciliation des chiffres relève du Comité national ITIE ; mais force est de constater que les réunions de cet organe sont peu fréquentes voire rares» expliquait il y a quelques semaines Baliou Coulibaly, coordinateur de PCQVP-Mauritanie. Il y a déjà donc eu un retard conséquent dans le recrutement de ces consultants.
Un retard incompréhensible à ce niveau, car c’est une des étapes les plus «simples» selon un consultant international, travaillant régulièrement en Mauritanie. Selon lui, de tels retards interviennent dans plusieurs pays africains exploitant des ressources naturelles, concernant le recrutement des consultants «indépendants» ; moins ils le seraient, plus ils seraient appréciés, pour leur malléabilité, (corruption-ndlr) par certains états qui profiteraient des mannes extractives.
Et ces revenus d’ailleurs, tirés des industries extractives, «passent dans des circuits difficilement contrôlables des fournisseurs de services et qui sont le terreau de la corruption et des crimes économiques. Et ils représentent 60% des revenus» précisait Baliou Coulibaly.
En Mauritanie, les entreprises de sous-traitance pour les industries extractives liées à l’actuel président de la République de Mauritanie, ou à son entourage proche, est estimé à une bonne vingtaine, qui gèrent donc des contrats faramineux, or de tout contrôle et de toute transparence. Ce qui faisait récemment dire au site d’information africa intelligence, que les mines étaient aux mains des Ouald Bousbah.
Selon le coordinateur de PCQVP, ce retard est d’autant plus incongru, que sur le plan de la transparence, le périmètre couvert par les rapports ITIE de la Mauritanie, comparé aux autres pays comme le Niger et le Burkina, demeure très réduit.
«Les rapports ITIE ne fournissent des informations que sur une partie de la chaîne de valeur à savoir ce que les compagnies paient à l’Etat ce qui dépasse rarement, même dans les meilleurs des cas plus de 30 % des transactions effectuées par les compagnies» informait-il.
Du côté du comité national pour l’ITIE, à Nouakchott, le silence est d’or, malgré une situation floue qui demande des éclaircissements.
«Quand ce n’est pas clair, ce n’est jamais très clair». Et tout ceci, il reste une seule raison objective à ce retard : «le temps de trouver une façon de conformer les éventuels chiffres attendus, avec la réalité que personne ne connaît vraiment, car une opacité totale règne dans les mines» avance le consultant international.
Et la Mauritanie a cette expérience talentueuse de magouilles des chiffres et autres travestissements des réalités économiques.
Mamoudou Lamine Kane
Source : Noor Info le 20/03/2013{jcomments on}
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