A tel point que les chameaux que nous sommes en avaient oublié les règles basiques de la politesse toute rimienne : on expédiait le traditionnel "enta ch-haleck?" et on passait, sans attendre l'obligatoire réponse pleine d'optimisme qui va avec à " électionnes-tu?". Plus de délicates attentions genre "Yak el khaïr? Et comment va madame et le tonton et le cousin, et le papa, et la santé, et ton cor au pied et ton arrière petite cousine, etc….?". L'obligé à qui devait s'adresser tant d'attention répondait " nan, nan je n'électionne pas, Dieu merci". Ou, selon son camp politique "je vais bientôt électionner, incha Allah"; ou encore, " Ebeden! Jamais".
Bref : ça colorait nos jours d'une saveur toute particulière.
Notre opposition râlait (ok elle râle toujours) et ergotait sur la légitimité de nos honorables députés et maires.
La majorité s'indignait (Ok, là aussi elle s'indigne toujours).
L'opposition dialoguiste dialoguait et tentait de rabibocher tout le monde.
Et les Nous Z'Autres, eh bien, on comptait les points.
Ce bon temps là est apparemment terminé.
Ca fait 2 ans que nous sommes enrôlés (ou pas), que l'on nous attribue de nouvelles cartes d'identité et des passeports biométriques, que nous sourions de toutes nos belles dents sur les photos officielles.
En ordre de presque bataille que nous sommes. Pas tout à faits prêts mais on tient le bon bout, les gars!
A la fin de l'année nous votons. Youpi!
Oui mais voilà, nous sommes des Nous Z'Autres, c'est à dire jamais contents.
A peine la pauvre CENI ayant annoncé les dates que voilà réapparaitre les moues, les hochements de tête, les perfidies et les accusations.
Visiblement personne n'est content : l'oppposition s'achemine vers un appel au boycott; l'opposition II (la dialoguiste) doute et se demande pourquoi la CENI annonce-t-elle des dates alors que les " préalables " (ne me demandez pas ce que c'est) n'ont pas été définis. La majorité fait ce qu'elle fait depuis des mois, se taire.
Du coup c'est, depuis l'annonce de la CENI, un prudent silence dans les rangs de la majorité et de ses hauts parleurs, la TVM et notre agence officielle d'information.
Notre sultan, et bien notre sultan, il se tait. Il a d'autres chats à fouetter avec son cousin et ex grand argentier. C'est la guerre tribale et familiale.
Je suis sûre qu'il se passerait bien de ces élections. Il lui faudra renouer avec les campagnes électorales, surveiller les alliances, les stratégies, remettre de l'ordre dans sa majorité qui a perdu sa langue.
Il lui faudra botter les fesses de notre administration, histoire de boucler l'enrôlement qui est loin d'être terminé.
Je ne parle pas de l'enrôlement des mauritaniens de la diaspora. Là c'est schizophrénie et autre.
Exemple : les services consulaires en France parlent de 15 000 mauritaniens résidant en Royaume de France. En ce moment ce sont environ 300 mauritaniens qui sont enrôlés à l'ambassade. Si vous faites le calcul, à ce rythme, tout le monde ne sera pas enrôlé pour les jours de vote!
Autres absurdité de cet enrôlement à l'étranger : savez vous que si vous êtes un mauritanien qui réside en Somalie (oui oui il y en a), en Ethiopie ou au Soudan, il vous faudra prendre l'avion, à vos frais bien sûr (la République aime ses citoyens mais son amour a des limites) pour aller vous enrôler en…Arabie Saoudite. Ca va faire cher le passeport et les papiers qui prouvent que vous êtes un bon et honorable mauritanien, peuple de Nous Z'Autres. D'accord : je reconnais que rien ne vous oblige à prendre l'avion et que vous pouvez emprunter les voies traditionnelles du mauritanien : première partie du voyage à dos de chameau ou d'âne, seconde partie le boutre, la pirogue, le canoë kayak, le ski nautique et, pourquoi pas, pour les plus pauvres, la brasse. C'est un peu difficile mais rien d'impossible.
Tous les chemins mènent à la votation comme diraient nos amis suisses (je nous invente des amis exotiques).
Et pourtant…. En bonne chamelle de notre république dattière, je ne peux m'empêcher de penser que ces élections là, on n'en verra pas le premier poil de la patte arrière du boeuf qui se prenait pour un cheval.
Réfléchissons, la derwichette : qui a interêt à ce que ces élections aient lieu, hormis les imprimeurs des bulletins de vote et les vendeurs de sandwich au foie? Personne : surtout pas l'administration qui est loin d'en avoir terminé avec l'enrôlement.
Sûrement pas Messaoud Ould Boulkeir et ses 4 députés qui risqueraient de ne plus être Président de l'Assemblée nationale.
Ni Ahmed ould Daddah qui verrait son leadership de Chef de l'opposition remis peut-être en cause.
L'opposition qui a besoin de s'organiser encore et qui en est en pleine phase " Rahil ".
Et encore moins les électeurs dont une partie, par manque d'enrôlement, ne seraient pas sûrs de pouvoir aller patriotiquement mettre leurs bulletins dans les urnes.
Cela fait maintenant 2 ans que notre Assemblée Nationale " roule " tranquillement avec des députés qui n'auraient jamais imaginé que, par la grâce de la politique et de la crise entre majorité et opposition, un mandat de député pouvait avoir une durée de vie élastique et corvéable à merci. Une vraie bénédiction que ce report initial….
Ou alors, je me dis que ces élections là annoncées, ne sont en fait qu'un exercice géant et citoyen de répétition de la Générale de l'an prochain, à savoir les présidentielles.
On va peut-être voter pour nous apprendre à nous, habitués des filouteries et magouilles électorales, les us et coutumes d'une " votation " :
" on ne vote qu'une fois, même si c'est un crève coeur,
" un homme ne peut voter avec les papiers d'une femme
" on n'accepte pas d'argent ni de poissons pour décider de notre choix
" on ne vote pas " tribal ", ni " clientélisme ", ni " chauvinisme ", ni " famille ".
" on ne fait pas voter les morts même si cet aspect là est une de nos particularités sociologiques
" on ne fait pas voter les vaches et les chèvres.
" On n'utilise pas d'encre sympathique et invisible
" on ne perd par des urnes en cours de rapatriement
" on ne menace pas
" etc etc….
Si cette grande sauterie électorale se déroule bien, peut être aurons nous droit aux présidentielles de l'an prochain, sans être obligés de repasser par Dakar.
Alors on va faire comme si on y croyait : en fin d'année nous allons voter. Astiquez moustaches et babouches. Préparez vous aux meetings, brain storming, débats, musiques, tentes, voitures klaxonnantes et pétaradantes…. Exercez votre main au lancer gracieux de bulletin dans l'urne. Commencez à intégrer les vertus de la patience dans la queue des votants.
Repassez vos papiers d'identité.
En fin d'année on vote.
Salut !
Mariem mint DERWICH
Source : Le Calame le 13/03/2013{jcomments on}
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