INTERVENTION AU NORD-MALI : La Mauritanie veut figurer sur la photo de famille

(Crédit photo : anonyme)

Depuis le début de l’occupation du Nord-Mali, la position de la Mauritanie n’a certainement pas été des plus lisibles dans la sous-région.

Etonnant : la Mauritanie se dit aujourd’hui prête à s’impliquer militairement au Nord-Mali. Selon le président Mohamed Ould Abdel Aziz, Nouakchott interviendra mais dans le cadre du déploiement d’une force de l’ONU.

Un lobbying payant pour le président Mamadou Issoufou du Niger, qui, en 24 heures de séjour, aura donc convaincu la Mauritanie d’entrer en scène. De quoi l’inciter à poursuivre le même but auprès de pays comme l’Algérie.

La question reste de savoir pourquoi la Mauritanie veut intervenir sous mandat de l’ONU. Pour le président nigérien, les circonstances actuelles ne permettraient pas le changement de l’actuelle force africaine au Mali (MISMA) en une force de paix de l’ONU. « Il s’agit, pour l’instant, de continuer à faire la guerre », a déclaré le président Issoufou avant d’ajouter : « Quand la guerre sera terminée, alors on pourra envisager la mise en place des forces de maintien de la paix. ».

A Nouakchott, on sait pertinemment que la procédure est longue, et que l‘essentiel est déjà en train d’être fait. Le Conseil de sécurité de l’ONU a d’ores et déjà demandé au secrétaire général Ban Ki-Moon de présenter un rapport avant fin mars sur la faisabilité d’une opération de maintien de la paix au Mali. Mais quand bien même la perspective de forces onusiennes pourrait rester lointaine, Ould Abdel Aziz promet d’assumer ce rôle dès que possible. Il est vrai que la Mauritanie n’était pas obligée de suivre les consignes de la CEDEAO dont elle n’est pas membre. Mais le Tchad lui non plus n’est pas membre de l’organisation sous-régionale ouest-africaine. Le devoir de solidarité fraternelle a fini tout de même par l’emporter à N’Djamena. Or, plus que le Tchad, la Mauritanie est un pays voisin et culturellement encore plus proche du Mali.

Non membre de la CEDEAO, la Mauritanie a choisi de participer tardivement à l’intervention. Ce choix peut s’expliquer de diverses manières : une page d’histoire est en train de s’écrire ; la peur a changé de camp, et la communauté internationale a pris fait et cause pour le Mali agressé par des individus abonnés à un terrorisme dégradant. Mais nul ne doit se croire à l’abri du terrorisme. Aujourd’hui, l’instabilité peut frapper sans que l’on ne soit sûr de pouvoir compter sur des amis potentiels. Or, l’adage bien connu en Afrique souligne que les voisins sont les premiers parents. Par conséquent, il faut accourir pour les aider, lorsqu’il y a danger. En la matière, la Mauritanie d’Ould Abdel Aziz a beau avancer qu’elle s’était déjà illustrée par le passé dans la poursuite des terroristes jusqu’en territoire malien, sa diplomatie se trouve réellement dans l’inconfort aujourd’hui. Car, il aura tout de même fallu l’intervention d’autres acteurs pour stopper l’avancée progressive des groupes belligérants et sécessionnistes. Manifestement, c’est une forme d’indifférence complice. Nouakchott cherchait-elle à couvrir des nationaux ou des religieux proches de son obédience ? En tout cas, cette prise de position tardive lui aura fait perdre de la crédibilité auprès des populations et de nombreux acteurs politiques de l’Afrique subsaharienne. Car, ne l’oublions pas : l’ennemi travaillait bien à l’expansion d’un pseudo-Islam aux recettes rejetées les populations d’Afrique de l’Ouest. Une évidence qu’il est d’essence purement terroriste. Le régime Ould Abdel Aziz choisit donc d’entrer dans l’arène au mauvais moment : toute l’Afrique noire révoltée, est déjà mobilisée pour barrer la route aux « djihadistes » dont personne ne veut dans nos pays. Il ne s’agit point de faire le procès du régime mauritanien sur ce dossier en particulier. Les peuples du Sahel, les populations martyrisées du Nord-Mali, et toute l’Afrique subsaharienne, savent désormais sur qui compter quand vient l’heure de défendre l’intégrité territoriale, et de promouvoir une culture de paix et de dialogue, avec des valeurs reposant sur des millénaires d’échanges et de respect mutuel. La Mauritanie de Ould Abdel Aziz et les pays qui n’ont pas voulu servir la cause, seront jugés par l’Histoire des peuples. Vrai que pour certains des partenaires de l’Afrique, nos pays demeurent des « no man’s land » sur lesquels d’autres types de conquêtes restent encore à parachever. Mais, qu’ils se le tiennent pour dit : l’Afrique d’aujourd’hui ne reviendra jamais en arrière. Et les régimes qui travaillent à ramener ce continent aux périodes obscurantistes, en paieront tôt ou tard le prix.

Depuis le début de l’occupation du Nord-Mali, la position de la Mauritanie n’a certainement pas été des plus lisibles dans la sous-région. C’est pourquoi la récente sortie en public de son président nous paraît relever d’une stratégie…perdante. Ce pays fait partie de ceux qui ont joué et perdu. Il leur sera certainement encore plus difficile de reconquérir le cœur des peuples ouest-africains en particulier. Leur réserve, leur hésitation et leur indifférence ont certainement conforté la position des « djihadistes » qui ont alors tenté de « coloniser » des territoires situés plus au sud. Il ne serait d’ailleurs pas étonnant d’apprendre plus tard, qu’à certains moments, ils ont utilisé des parties de ces territoires « non hostiles », comme des repaires et des sanctuaires. Ceux qui leur ont fourni assistance d’une manière ou d’une autre, assuré officiellement ou officieusement, discrètement et habilement des bases arrière, pourront difficilement se faire réhabiliter. Parce qu’ils auront favorisé des flagellations, des amputations, des viols et des mariages forcés, des humiliations, des sacrilèges et des vols de mémoire collective. S’ils ne peuvent être clairement identifiés et jugés, qu’ils sachent que toute leur vie, ils porteront comme fardeau le traitement dégradant auquel ils auront soumis des peuples entiers et des personnes innocentes. Certes, l’on éprouve du respect pour l’orientation islamiste de la Mauritanie. En même temps, l’on ne peut que déplorer la mise à l’écart volontaire de ce pays frère d’une communauté économique dont les insuffisances ne peuvent en aucun cas faire oublier ses avancées au plan de l’intégration des peuples. Or, par ses prises de positions dans les multiples situations troubles du Mali, le régime Ould Abdel Aziz ne travaille qu’à s’isoler des autres pays ouest-africains. Néanmoins, il aura du mal à séparer des peuples qui partagent un énorme pan de leur histoire et font tout, fort heureusement, pour demeurer solidaires en dépit des intrigues des Hommes.

Son réveil, à l’évidence tardif, donne le sentiment que la Mauritanie éprouve le besoin de figurer en bonne place dans les archives histoire et dans un album de photos-souvenirs d’une guerre à laquelle elle n’aura vraiment jamais voulu prendre part sinon…passivement. Juste pour la photo de famille.

Source  :  Le Pays (BF) via AJD MR le 06/03/2013{jcomments on}

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