Gouvernement: Un déséquilibre régional inquiétant

(Crédit photo : AMI)

Contrairement aux supputations sur un renouvellement total de l’équipe gouvernementale, il n’y aura eu, pour calmer les esprits, qu’un limogeage de deux ministres.

Non seulement aucune explication officielle n’a été avancée, mais les deux ministres remerciés, même s’ils ne sont pas les meilleurs, n’étaient pas les plus mauvais et avaient en charge les deux départements qui touchent le plus directement la vie des gens, à savoir la Santé et l’Habitat.

«Un non-remaniement» ou le «choix de la stabilité»?- Et l’on doit à la vérité de dire que autant Ba Housseinou à la Santé qu’Ismail Ould Bedda Ould Cheikh Sidiya à l’Habitat, l’Urbanisme et de l’Aménagement du territoire, les deux hommes ont été des plus actifs. Le premier réalisant auparavant une politique de reboisement alors qu’il était à l’Environnement, avant d’être promu à la Santé où il n’a de cesse de s’efforcer de redynamiser le secteur avec un satisfécit et une bénédiction des partenaires concernés (OMS, UNFPA, UNICEF, BM, …) et le second restructurant des régions, éradiquant les kebbas à Nouadhibou, Nouakchott, Rosso, Akjoujt où des milliers de familles ont passé de longues années dans des «gazras» ne satisfaisant pas aux moindres normes de logement. Ould Bedda aura le mérite d’avoir laissé derrière lui, l’un des ministères les plus dynamiques au cours de ces trois dernières années, œuvrant à la maitrise du sol, à l’harmonisation des tissus urbains, à la gestion foncière transparente, à la modernisation de bâtiments administratifs, au développement des infrastructures et équipements publics et à la création de pôles de compétitivité et de délocalisation.

Certes, le cas des deux enfants morts à R’Kiz des suites d’un vaccin inapproprié pour le Ministre sortant de la Santé et les foudres de beaucoup de gens pour lesquels il n’a pas accepté de faire des dérogations pour le Ministre congédié de l’Habitat, ont eu raison d’eux, mais combien sont les Ministres qui ne paient pas pour les erreurs dans leurs secteurs quand on sait que des prisonniers sont morts en détention, d’autres dans des mouvements de protestations, etc.

Il ne s’agit pas ici de défendre tel ou tel ministre mais c’est dire combien les Ministres sont restés si longtemps qu’ils n’ont jamais payé pour ce qu’ils ont fait. Et c’est sans doute pourquoi, leur départ collectif a toujours été réclamé d’une part et d’autre part, c’est pourquoi l’opinion publique est en droit à présent de se demander le pourquoi du débauchage de ces deux ministres précisément.

Ont-ils payé pour l’incurie de la majeure partie? Ont-ils été les premiers à partir, tels des meilleurs, pour dire aux autres que leurs jours sont, désormais, comptés? Ou tout simplement parce qu’on ne change pas une équipe qui perd.

Des questions auxquelles il n’y a pas de réponse pour le moment. Mais au-delà de ce limogeage, qui peut s’inscrire dans un jeu de bluff rationnel s’insérant dans une stratégie globale que le président de la République, lequel fait face à une forte pression de ses deux oppositions, la CAP avec l’initiative de Messaoud et la COD avec son refus de lui parler, voire exige son départ du pouvoir, aura raffiné pour empêcher ses adversaires d’analyser de manière précise les lignes suivies, c’est surtout la composition déséquilibrée du gouvernement et du partage des fonctions assimilées, tant sur le plan régional que tribal qu’il faut voir. Pourtant dans toute démocratie, les équilibres régionaux, même en pratique informelle, sont pris en considération, puisqu’ils impliquent l’importance démographique, Et puisque nous avons ici carte blanche, allons au fond des choses.

(…)

Partage des fonctions : Un casse-tête chinois !- En effet, les déséquilibres au niveau du partage des départements ministériels et des portefeuilles similaires, comme nous l’indique ci-dessous, est inquiétant avec des régions et des localités qui se taillent la part du lion alors que d’autres sont à peine ou pas représentées. Sans compter les postes de Conseillers du président de la République et du Premier Ministre, d’ambassadeurs ou de directeurs des établissements publics, présidents de Conseil d’administrations et autres services de sécurité, qui ne respectent aucun dosage régional.

Ainsi, le Hodh Charghi compte sept (7) ministres dont le Premier Ministre sur lequel s’était porté le choix du Chef de l’Etat depuis … le 6 août 2008, sans doute parce qu’ayant l’avantage d’être en dehors du jeu politique. Imposé lors des pourparlers de l’Accord de Dakar, il a été reconduit pour diriger le Gouvernement d’Union Nationale de Transition, puis maintenu à l’issue de la présidentielle de 2009 remportée par celui qui l’a toujours vu comme son ombre. Inamovible, l’homme reste là où il est, donnant à son Hodh Charghi le mérite d’avoir sept (7) autres portefeuilles dont six (6) assimilés au rang de Ministre (Président de l’Assemblée Nationale, Directeur de Cabinet du Président, Président du Conseil Constitutionnel, Haut Conseil de la Fatwa, Médiateur de la République et Commissariat à la sécurité Alimentaire) et un (1) haut poste (Président de l’Autorité des Transports). Soit au total 14 postes ministériels et/ou fonctions assimilées, rien que pour le Hodh Charghi.

Bien évidemment, le Premier Ministre mérite cette confiance et il en a fait preuve en résistant (à la tentation du diable que lui a envoyé en mille messages la COD lors de la blessure et de la longue absence du président Aziz) et gardant la tête entre les deux épaules. «C’était trop beaucoup de bruit pour rien», peut-il aujourd’hui dire, avec un brin d’ironie. De même que dans ce Hodh Charghi au pouvoir, ce sont les villes de Néma et de Timbédra qui portent la couronne avec 4 ministres et 4 ambassadeurs, alors que la ville historique de Oualata, se lamente en orpheline, ne comptant personne nulle part.

Autre région qui rafle la mise, le Trarza avec quatre (4) ministres et deux fonctions assimilées (Président du Sénat et Président de la Cour Suprême). Mais le plus intriguant pour cette région dont les parents pauvres restent RKiz et Boutilimitt (qui ne compte aucun ministre alors qu’elle est la ville du Père de la Nation, mais aussi de l’actuel chef de file de l’opposition, Ahmed Ould Daddah), c’est que la représentation, dans le gouvernement, de la frange des Haratines, lui a été concédée, alors qu’ils sont ailleurs, notamment dans l’Est et dans le Nord du pays.

Le Hodh Gharbi et le Gorgol se partagent la troisième place ex-aequo avec, chacun, cinq (5) postes dont trois (3) ministres et deux (2) portefeuilles au rang de ministre : pour le Gorgol : Cour des Comptes, Commission Nationale des Droits de l’Homme) et pour le Hodh Gharbi : Commissariat aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et à la Société Civile et le Conseil du Prix Chinguitt. Au Hodh Gharbi, Koubenni et Tamchekett sont oubliées. Au Gorgol, Magham passe sous silence, après le décès de feu Ba MBaré et le limogeage de Ba Housseinou.

Avec deux (2) ministres pour chacun, le Guidimakha, le Tagant et l’Adrar viennent en quatrième position. L’Adrar se réconfortera avec trois (3) autres fonctions au rang de Ministres (Conseil Economique et Social, Haute Cour de Justice et Autorité de Régulation), alors que le Tagant n’a qu’un (1) seul portefeuille assimilé (HAPA). Sélibaby, la capitale du Guidimakha, ne compte personne au gouvernement. Les départements du Tagant, à savoir Tidjikja et Tichitt sont le parent pauvre, alors que Moudjéria a eu droit à deux Ministres.

Les Wilayas de l’Assaba, Brakna, l’Inchiri et Dakhlet-Nouadhibou quant à elles ne détiennent, chacune qu’un unique (1) poste ministériel. L’Assaba compte également un haut poste de fonction assimilée avec le Directeur Adjoint de Cabinet du Président de la République. Alors que Dakhlet-Nouadhibou, n’a que la directrice adjointe de Cabinet du Premier Ministre, le Brakna, lui, renferme le Directeur de cabinet du Premier Ministre et l’Administrateur-directeur général de la SNIM. Malgré cela, au Brakna, MBagne et Maghta-Lahjar sont jetées aux orties.
Vient en lanterne, le Tiris Zemmour avec zéro (0) ministre et un (1) laborieux portefeuille au «rang de ministre» (Gouverneur de la BCM).

Faut-il enfin, rappeler qu’en manœuvres politiques, c’est en temps de crise que les gouvernements sont changés pour détourner l’attention de l’opinion publique, entretenir l’incertitude des adversaires.

(Note de Noor Info : Répartition des postes de ministre et fonctions assimilées par région :

Hodh Chargui (14 postes)

1. Premier Ministre
2. Président de l’Assemblée Nationale
3. Ministre de la Justice
4. Ministre de la Santé
5. Ministre de l’Equipement et des Transports
6. Ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement
7. Ministre de la Culture de la jeunesse et des sports
8. Ministre de la Famille, de l’Enfance et des Affaires sociales
9. Directeur de Cabinet du Président de la République
10. Président du Conseil Constitutionnel
11. Médiateur de la République
12. Président du Haut Conseil de la Fatwa et de recours
13. Commissaire à la Sécurité Alimentaire
14. Président de l’Autorité de Régulation des Transports Terrestres

Hodh Gharbi (5 postes)

1. Ministre de la Défense Nationale
2. Ministre de la Fonction Publique et de la Modernisation de l’Administration
3. Ministre du Pétrole, de l’Energie et des Mines
4. Commissaire aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et à la Société Civile
5. Président du Conseil du Prix Chinguitt

Assaba (2 postes)

1. Ministre délégué auprès du ministre d’Etat à l’Education nationale chargé de l’enseignement fondamental
2. Directeur Adjoint de Cabinet du Président de la République

Brakna (3 postes)

1. Ministre des Finances
2. Directeur de Cabinet du Premier Ministre
3. L’Administrateur Directeur Général de la SNIM

Gorgol (5 postes)

1. Ministre Secrétaire Général de la Présidence de la République
2. Ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement du Territoire
3. Ministre délégué auprès du Ministre d’Etat à l’Education Nationale chargé de l’Emploi, de la Formation Professionnelle et des Technologies Nouvelles
4. Président de la Cour des Comptes
5. Président de la Commission Nationale de Droits de l’Homme

Trarza (6 postes)

1. Président du Sénat par intérim
2. Ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation
3. Ministre des Affaires Economiques et du Développement
4. Ministre du Commerce, de l’Industrie, de l’Artisanat et du Tourisme
5. Ministre délégué auprès du Ministre d’Etat à l’Education Nation chargé de l’Enseignement Secondaire
6. Président de la Cour Suprême

Adrar (5 postes)

1. Ministre d’Etat à l’Education Nationale, à l’Enseignement supérieur et la Recherche Scientifique
2. Ministre des Pêches et de l’Economie Maritime
3. Président Haute Cour de Justice
4. Président Conseil Economique et Social
5. Président de l’Autorité de Régulation (ARE)

D. Nouadhibou (2 postes)

1. Ministre de la Communication et des Relations avec le Parlement
2. Directrice Adjointe de Cabinet du Premier Ministre

Tagant (3 postes)

1. Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération
2. Ministre du Développement Rural
3. Président de la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel

Guidimagha (2 postes)

1. Ministre délégué auprès du Premier Ministre chargé de l’Environnement et du Développement Durable
2. Secrétaire Général du Gouvernement

Tiris Zemmour (1 poste)

1. Gouverneur de la BCM

Inchiri (1 poste)

1. Ministre des Affaires Islamiques et de l’Enseignement Originel)

Mohamed Ould Khattat

Source  :  ANI via Noor Info le 18/02/2013{jcomments on}

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