Autour d’un thé (Le Calame le 07/02/2013)

(Crédit photo : Sneiba / Le Calame)Aujourd’hui, je n’ai envie, moi, que de vous demander une chose, une seule : dans quel pays sommes-nous ? Chaque jour apporte son lot d’histoires et de commérages qui n’avancent ni ne reculent et n’ont généralement rien à voir avec la vie des citoyens.

J’aime bien ne plus parler de ça car je remarque que ça marque le pas. Pour une histoire ordinaire, tous les segments de l’Etat se mobilisent, retroussent les manches et en avant, la bataille rangée ! Les rôles s’inversent, hystériquement, rageusement, voire honteusement. La dernière histoire qui a fait jaser le pays est cette affaire des redressements fiscaux que la DGI (Direction Générale des Impôts) a entreprise et qui n’a pas été « le tabac de quelqu’un du passé ». Normalement, il n’y a rien de spécial à ce que les opérateurs économiques d’un pays s’acquittent de leurs redevances, dans le calme et la sérénité. Tout comme il est anormal que l’Etat ordonne aux services compétents d’aller s’expliquer sur une affaire qui devrait être ordinaire. Mais, visiblement, elle ne semble pas l’être. Redressement fiscal. Pression fiscale. Dégrèvement fiscal. Et quoi encore ? Que sais-je ? Le directeur général a juré, par Dieu et Saint Coran, que jamais personne ne lui a ordonné quoi que ce soit. Ajib, une véritable peau dure… Et les journalistes ? Ils sont quoi, dans cette affaire ? Les chercheurs de la vérité, pas les défenseurs de quiconque ! C’est aussi cela, la liberté de la presse. C’est aussi cela, la dignité du journaliste. C’est aussi cela, l’impartialité, la neutralité et l’objectivité qui doivent prévaloir, dans tout travail d’investigation et de recherche de la vérité.
Tout est politique en Mauritanie. Tout y ramène. La célébration de la Journée mondiale de l’Arbre, du Sida, des droits de l’Homme, du cancer, de l’hémodialyse. Impossible. Tout finira par revenir à l’art du possible. L’autre soir, à l’écoute d’une de nos radios libres, je savourais un programme sur la poésie traditionnelle hassane (Legna) mais, à la fin, c’est l’initiative de Messoud qui devint le sujet principal de l’émission. Une autre fois, c’était une émission sur la pêche artisanale. Et vous savez quoi ? C’est des prochaines élections municipales et législatives, de la COD et de la majorité que les invités ont essentiellement parlé. Ça noue la tête, cette confusion, cet imbroglio, ce mélange de genre. Ça dénote une terrible crise sur la base du n’importe quoi. Tout est politique de l’autruche en Mauritanie. Jamais l’évocation des vrais problèmes. Toujours le retranchement. Comme l’argent, on blanchit les crimes, pour promouvoir leur impunité, leur décrépitude ou leur prescription. « Passif humanitaire », pour dire toute la cruauté et la barbarie que des milliers de Mauritaniens ont subies et absoudre, du coup, les responsables de tels agissements que tout le monde connaît. « Séquelles de l’esclavage », pour désigner une des pratiques les plus abominables que l’Humanité ait connue. « C’est la fatalité », pour expédier diverses tragédies – comme la mort des officiers valeureux, colonels Ahmed Salem, Kader, Bousseïf, Ndiayane et autres – sans avoir le courage d’entreprendre les investigations nécessaires pour élucider les conditions dans lesquelles celles-là se sont déroulées. Dans quel pays sommes-nous ? Je persiste et signe. Culture de la complaisance. « Wakhyert ». Tout est joli. Tout est bon. Tout est juste. Prolifération de l’hypocrisie. Deux visages. Deux opinions. Deux approches. Tout dépend du contexte, du groupe ou du système. Un pays de paradoxes. Les élites promeuvent la médiocrité, cultivent les incertitudes et les retournements. Les ignares, les parvenus, des donneurs de leçons et autres promoteurs des «valeurs » et des « qualités ». Dans quel pays sommes-nous ? Un pays qui se cache la face, pour ne pas voir la vérité et l’ampleur des défis qui le provoquent, en s’accommodant de vœux pieux dont il est le premier à savoir que ça n’a jamais construit une société. Dans quel pays « est » nous ? Et ce nous, c’est qui, c’est quoi ?

Sneiba

Source  : Le Calame le 07/02/2013{jcomments on}

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