Guerre au Mali : Le conflit qui divise les Mauritaniens

La classe politique et intellectuelle mauritanienne est fortement divisée sur la situation au Mali. Entre les pourfendeurs de « l’aventure colonialo-évangélique au Mali », et les va-t-en guerre convaincus de la cause juste de l’Etat malien à recouvrer l’intégrité de son territoire, la guerre des déclarations s’intensifient, au moment où des pays limitrophes voient le danger djihadiste leur venir directement de la Mauritanie.

Entre temps, le pouvoir à Nouakchott continue à résister aux sirènes de la communauté africaine qui l’exhorte à donner un coup de main, alors que l’opinion semble toute faite sur l’engagement inéluctable de la Mauritanie dans ce qui se passe à ses frontières.

La Mauritanie n’est pas totalement indifférente à la situation qui prévaut à ses frontières orientales et septentrionales. Si le gouvernement semble afficher une indifférence de façade, ponctuée par des déclarations contradictoires de son timonier, tantôt prêt à s’engager « si le Mali en formule la demande », tantôt se rebiffant derrière un refus à toute participation, la classe politique et intellectuelle quant à elle n’a d’opinion que par rapport à la guerre au Mali. Tenant la dragée de la « non participation » très haute, les partis d’obédience islamiste et nationaliste continuent de vouer aux gémonies l’intervention française dans le conflit malien, renvoyant tout à la présence française. Par delà certaines considérations identitaires et communautaristes, se profile une certaine sympathie envers les groupes djihadistes qui occupent le Nord du Mali depuis presqu’une année.

Hier, le parti baathiste, Sawab, s’était fendu d’un communiqué dans lequel elle déclarait son opposition à ce qu’elle nomme « l’occupation française », soutenant par delà toute mesure, que les forces mises en branle ne parviendront jamais à « reconquérir les terres maliennes » conquises par les groupes islamistes radicaux.

Faisant comme si la France opérait seule dans le champ de bataille azawadi, Sawab soutient en effet mordicus sa thèse d’une impossible retour à un Mali réunifié. Selon les leaders du parti, cette guerre constitue un frein à toute solution négociée pour régler la crise du Nord, se basant en cela sur les expériences dans d’autres pays, comme l’Irak et l’Afghanistan. Pour Sawab, le recours à l’étranger n’a jamais résolu les problèmes des pays musulmans, et qu’au contraire, il n’apporte que davantage de destruction. Le parti a déclaré ainsi son total appui à la position de la Mauritanie qui refuse jusque-là de s’ingérer dans la crise. L’occasion pour Sawab d’appeler à un renforcement du front intérieur contre les dangers pouvant résulter de la situation au Mali, loin des surenchères politiciennes.

Une position que ne semble pourtant pas partager trois partis de la majorité, regroupés au sein d’une coalition politique dénommée « Rencontre Nationale », en l’occurrence, les partis ADIL, Mouvement Pour la Rénovation et Renouveau Démocratique. Ces trois partis soutiennent l’action française et africaine au Mali pour aider « ce pays frère à recouvrer l’intégrité de son territoire et chasser les terroristes trafiquants de drogue hors de la région du Sahel ». Et de rappeler les sévisses que ces groupes ont porté à la Mauritanie, notamment à Tourine et la décapitation de douze soldats mauritaniens, El Ghallawiya, Lemgheïty, Nouakchott….Mais aussi, les enlèvements et les assassinats d’étrangers sur notre sol, à l’image des quatre français tués près d’Aleg, de l’Américain tué au Ksar, des Espagnols enlevés sur la route de Nouadhibou, etc. Bref, selon les partis membres de la « Rencontre Nationale », la Mauritanie ne doit pas se dérober à ses devoirs vis-à-vis d’un pays frère, le Mali, et vis-à-vis des pays de la sous-région qui se sont tous engagés sur le terrain des opérations. Un appel solennel a été ainsi lancé en direction du gouvernement pour une participation à la guerre au Mali et à la lutte contre les bandes terroristes qui sévissent dans le Sahel.

(…)

Par ailleurs, l’indifférence de la Mauritanie par rapport à la situation au Mali est telle qu’aujourd’hui, des hommes politiques sénégalais se mettent à voir le danger djihadiste leur venir non pas du Mali, mais de la Mauritanie. C’est le sens des propos du N°2 du Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT), Ibrahima Sène, invité du Grand Oral de Rewmi FM. Cet homme politique, membre de la mouvance présidentielle au Sénégal a en effet soutenu que « quand on entend la prise de position d’une trentaine d’Oulémas mauritaniens qui condamnent l’intervention française et qui exigent l’arrêt de la confrontation pour ouvrir des négociations… », il ne peut pas être parmi ceux « qui pensent que la menace terroriste nous viendra du Mali » mais qu’elle « viendra de la Mauritanie).

Cheikh Aïdara

Source  :  L’Authentique le 21/01/2013{jcomments on}

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