La donne sécuritaire des entreprises du Sahel modifiée

(Crédit photo : Reuters)

« Tout le monde a compris qu’il y a désormais un risque général accru sur la zone sahélienne, de la Mauritanie au Soudan en passant par l’Algérie, le Mali et le Niger », estime Alain Juillet, président du club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE) et ancien directeur du renseignement de la DGSE, dans un entretien avec « Les Echos ».

Les djihadistes sont en effet très mobiles, rappelle-t-il, capables de parcourir 700 km par jour grâce à des dépôts d’essence prépositionnés dans le désert. La plupart des firmes actives en Algérie ont commencé dès vendredi à rapatrier leur personnel expatrié non indispensable, « sans que cela affecte nécessairement l’activité immédiate, puisque la production peut être assurée par des équipes très réduites, le personnel sert surtout à la maintenance des installations, certes essentielle, mais dont les procédures peuvent être étalées quelque temps ». A terme, il faudra toutefois faire revenir le personnel, puisque les entreprises ont investi des centaines de millions de dollars dans ces sites. Après ce raid surprise, les entreprises de la région vont vraisemblablement effectuer un audit des points faibles de leur dispositif de sécurité (loyauté du personnel local, trajets à risque). Et renforcer leur dispositif qui est classiquement assuré par des OLC (officier de liaison et de contact) de sociétés privées. Ce sont souvent des anciens des forces spéciales britanniques, françaises ou américaines. « Ce personnel n’a toutefois généralement pas le droit d’être armé, car cela est réservé aux militaires et policiers du pays qui les accueille pour des raisons de souveraineté nationale comme on l’a vu au Niger avec Areva », affirme Alain Juillet, et la puissance de feu face à une tentative d’intrusion ou de kidnapping est assurée par les unités militaires déployées autour des bases vie ou escortant systématiquement les convois. Tout cela aura un coût considérable, puisqu’un OLC est payé environ 900 euros par jour et que l’emploi exclusif de l’avion pour les transports de personnel sur des vacations de trois à quatre semaines est bien plus cher que le recours à la route. Mais les entreprises, dont les services ici sont facturés des sommes impressionnantes (un puits de pétrole coûte un million de dollars par jour) n’ont pas le choix. « Elles sont totalement responsables de la sécurité de leur personnel dans les zones à risques », souligne Alain Juillet, « notamment en France depuis l’arrêt dit « Karachi » rendu contre la Direction des chantiers navals. C’est pourquoi elles n’aiment pas communiquer sur leurs effectifs et leur localisation », pour ne pas donner d’indications à des djihadistes maîtrisant parfaitement Internet. En outre, se montrer imprudent s’avère très coûteux ; un otage pèse littéralement son poids en lingot d’or, puisque le « prix de marché » était jusqu’à récemment de un million de dollars (les réseaux actifs dans la zone exigent désormais de 5 à 10 millions de dollars, ce qui a « bloqué les transactions »).

Yves Bourdillon

Source  :  Les Echos le 21/01/2013{jcomments on}

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