Monnaies: Les bureaux de change ambulants du marché de la capitale

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Le financement du terrorisme, la drogue, les transferts informels d’argent: le marché noir du change, au marché de la capitale entre autres, est toujours pointé du doigt, malgré les efforts des autorités, depuis quatre ans, de canaliser les flux financiers vers ce no man’s land financier.

A proximité du marché de la capitale, en plein centre-ville, des dizaines de mains appartenant à des rabatteurs en sueur, effeuillent d’imaginaires billets, sous un soleil de plomb. On les appelle les «claqueurs de doigts». Ils sont à l’affût, prêts à fondre, souvent en sprint, sur d’éventuels clients désireux d’échanger leurs euros fraichement débarqués. En les approchant, une nuée vous assaille et vous demande d’emblée «les coupures que vous avez», avant même la somme que vous détenez. «J’ai 500 euros que je souhaiterais échanger en ouguiyas, en coupures de 50 et 20». «Vous n’avez pas des coupures de 100 ou 200?» demande un rabatteur, visiblement dépité. «Je vous prends vos cinq cents euros à 370 ouguiyas l’euro» crie finalement un autre élément de la nuée. Le prix de l’euro dans ce marché varie en fonction des coupures présentées. «Les billets de 100 à 500 euros sont très prisés. Car ainsi, de grosses sommes peuvent se balader plus aisément et plus discrètement en ville. Pour un trafic qui sert de catalyseur à un marché plus noir (autos, drogues, etc..), c’est une aubaine!» commente un commerçant bien introduit de la place. Et les sommes sont folles. A l’intérieur d’un pâle commerce d’habillements importés, surgit des liasses de billets en euros enfouis au fin fond d’un «Serwal» crasseux. Des coupures de 100 et de 200 Euros qui forment un gros paquet d’au minimum 20 000 euros après rapide calcul. «Que croyez-vous?» sourit plus tard le guide accompagnateur, «ce sont de véritables banques en plein souks, et en plein air. A part une ou deux banques de la place, capables de vous trouver 500.000 à 1.000.000 d’euros cash, ou l’équivalent en ouguiyas immédiatement, il n’y a que ces échangeurs du marché de la capitale qui, sous leur apparence miséreuse, brassent des fortunes en euros ou dollars!»

«Le compte à compte»

Mais ce «trafic de change manuel» n’est pas le plus rentable. Pour le marché noir, l’essentiel des recettes provient du change au noir de «compte à compte». Vous êtes titulaires d’une somme en compte en banque allant de 20 000 à 1 000 000 euros, «voire plus parfois» avoue un des rabatteurs, et vous désirez la contrepartie en ouguiyas? Rien de plus simple: un simple transfert de votre compte au leur en Occident, et dans le même temps ils virent l’équivalent en ouguiyas dans votre compte mauritanien. C’est rapide, efficace, pas cher, et opaque. «C’est une telle opacité qui a favorisé l’enracinement de tous types de trafics en Mauritanie, de la drogue aux voitures.» explique le guide. Tout est sombre, rien n’est enregistré.

«Combattre inlassablement le marché noir»

Selon les projections les plus réalistes, les transferts d’argent vers la Mauritanie avoisinent 250 millions d’euros par an. Le marché noir du change accapare encore aujourd’hui l’essentiel de ces devises. Les autorités publiques et les acteurs légaux du système officiel ont décidé ainsi de changer leur fusil d’épaule et de relever le défi. Les voyages organisés il y a quatre ans par la Banque centrale de Mauritanie, avec l’Union des bureaux de change (UBC), et à l’époque la Sénatrice chargée de la diaspora, avaient pour but de drainer ces flux financiers rapatriés par les mauritaniens de l’extérieur, avec des services tout aussi rapides et peu onéreux ; un pendant légal aux pratiques opaques. Quatre ans plus tard, les choses ont sensiblement bougé: la diaspora utilise de plus en plus les réseaux légaux mis en place par cette synergie, mais ce n’est pas suffisant.

«Le combat commencé contre le marché noir doit continuer. Il met non seulement en danger la balance de paiements de la Mauritanie, mais favorise aussi le trafic de drogue, le blanchiment d’argent…» souligne Brahim Ould Moctar, Secrétaire général de l’Union des Bureaux de Change. Pour lui, un travail de longue haleine commence pour les autorités publiques en charge de pérenniser l’alternative légale. Cela passe selon lui, par la sensibilisation sans relâche de la diaspora qu’il faut inciter à cerner l’avantage pour le pays de canaliser ces flux pour financer son développement. «Si de bonnes bases sont posées pour drainer légalement cette manne, le château de cartes peut s’écrouler à tout moment sans suivi constant.» explique Ould Moctar. Les pays limitrophes de la Mauritanie ont incité leurs immigrés à investir dans leur pays. «Ils ont ainsi bénéficié de réductions ou d’exonérations d’impôts et de douanes, de facilités pour l’accès au foncier et à l’habitat…Une telle politique devra être pensée chez nous aussi» conclut-il.

Mamoudou Lamine Kane

Source  :  Noor Info le 22/12/2012{jcomments on}

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