Transport terrestre : L’Autorité de toutes les dérégulations

(Crédit photo : anonyme)

« Il n’y a aucun doute. L’ex-colonel de l’armée, ancien ministre et président de l’Assemblée Nationale sous Ould Taya, Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba, dérégule le secteur des transports terrestres en Mauritanie ».

Ce sentiment amer est partagé par plusieurs transporteurs qui voient leur calvaire décupler de jour en jour.

Selon un transporteur, s’exprimant sous couvert de l’anonymat, « depuis qu’il a été nommé à la tête de cette Autorité de Régulation, dont le mode de fonctionnement a déjà valu la démission fracassante de son adjoint, il en fait ce qu’il veut. Ou du moins ce qu’en veut ses commanditaires « . Il cite les taxes déraisonnées qu’il ne cesse d’imposer et de revoir à la hausse, au point de sacrifier les transporteurs. « L’Autorité de régulation vient même d’ajouter une nouvelle flèche à son carquois » poursuit-il. Selon lui, sa boîte est en passe de devenir l’antichambre d’un pouvoir fort et discrétionnaire, par laquelle « d’obscurs concurrents passent pour en abattre d’autres, par forces publiques interposées ». Sinon comment expliquer, dira-t-il en substance, l’interdit dont vient d’être frappé trois sociétés de transports exerçant sur l’axe Nouakchott-Route de l’Espoir ? Il s’agit de El Moussavir, El Bourragh et Tariq A’Mel, dont les bus sont cloués au parking depuis jeudi 13 décembre dernier. Il semblerait que la fermeture de ces sociétés s’est faite sur une simple injonction verbale de quelques policiers venus sous les ordres de l’Autorité de régulation. Le prétexte ? Ils gêneraient un garage informel situé à plus de 3 Kilomètres, plus connu sous le nom de « Garage Béchir  » à Toujounine. « Je crois que c’est un piètre prétexte qui est venu comme cela dans la tête des policiers, tellement il est irréfléchi » indique un autre transporteur.

Bizarrement, le seul point commun entre ces sociétés est qu’elles sont toutes affiliées à la fédération d’El Mehdi Ould Sidi Mohamed, l’irascible patron du GMT, connu pour son long combat contre les injustices dans le domaine des transports et que peu de personnes portent dans leur cœur. « Serait-ce pour cette raison que ces trois sociétés ont été frappées d’interdiction ?  » El Mehdi Ould Sidi Mohamed, contacté par nos soins, trouve que le simple fait que ces sociétés soient affiliées à sa fédération, ne doit pas être réellement la seule raison. « Quelle pourrait alors être cette raison, si l’on sait qu’aucun acte administratif n’est venu officialiser cet arrêt forcé, imposé à des sociétés parfaitement en règle et dûment autorisées par le ministère de l’Equipement et des Transports ?  » Il faudrait sans doute lorgner du côté de la concurrence.

En effet, face à l’inconsistance de la raison avancée par les policiers envoyés par l’Autorité de régulation, rien n’empêcherait de regarder vers cette direction. D’autres transporteurs, supportant mal la concurrence de sociétés mieux achalandées et offrant de meilleures qualités de services, auraient ainsi bien pu passer par l’Autorité de régulation pour casser les ailes trop grandes de ces trois sociétés dont les activités seraient gênantes pour leur trafic. En effet, aucune autre explication logique ne pourrait expliquer cette démarche qui manque de consistance. En effet, selon les transporteurs rencontrés au cours de notre enquête, Nouakchott grouille de garages informels, improvisés souvent sur le bout de quelques trottoirs, sans autorisation. Des dizaines de sociétés travaillent ainsi sans aucune autorisation et d’une manière anarchique. « Elles n’ont jamais pourtant été inquiétées  » remarque-t-on.

Et toujours la question lancinante : « pourquoi alors ces trois sociétés, logées dans des cours fermées où toutes les infrastructures pour le confort des voyageurs est assurée, sont-elles devenues subitement la cible de l’Autorité, malgré de longs mois de trafic pour le grand bonheur des passagers ?  » Dans les réponses données ici et là se mêlent ainsi le politique et le commercial. Aux pressions déloyales de la concurrence s’ajoutent en effet des considérations factuelles, souvent politiques. Alors que l’injustice continue de laminer le monde du transport, soumis à un diktat qui ne dit pas son nom, Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba serait entrain de battre une double campagne à l’Est du pays. Hier, selon nos informations, il se trouverait à Kiffa, pour procéder à l’installation de nouvelles antennes pour son Autorité de régulation et mener une campagne politique en faveur de son parti politique, l’UCD. Après l’omnipotence des politiques à la tête d’institutions de contrôle financier, pourquoi pas d’autres à la tête d’institutions de régulation ? Le transport étant un outil très précieux, la Mauritanie qui était sortie du dirigisme qui caractérisait ce secteur durant la transition, mettant fin au BNT et au règne de la défunte FNT, est apparemment tombé sur un autre Séjad Ould Abeidna. Plus puissant et plus soutenu.

Cheikh Aïdara

Source : L’Authentique le 19/12/2012{jcomments on}

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