M. Mohamed Salem Ould Merzoug, Haut-Commissaire de l’OMVS dans une interview (Le Calame)

(Crédit photo : anonyme)

’Le fait que notre organisation soit citée en exemple en 2012 par tous ses partenaires techniques et financiers, sur tous les continents, à tous les échelons, n’est pas fortuit encore moins gratuit alors qu’il y a peu ils la critiquaient ouvertement. C’est une vraie fierté’’.

Le Calame: L’OMVS a connu des périodes de fortes turbulences, dans la plupart des cas, associées à la gestion de la ressource en eau. Cependant depuis quelque temps on observe une certaine stabilité ? Quelles en sont les raisons et comment avez-vous procédé?

Mohamed Salem Ould MERZOUG: L’organisation a connu, par le passé, des périodes délicates avec des pointes douloureuses, parfois tragiques. J’ai observé ces moments, à titre personnel, mais aussi en tant que Ministre de tutelle de l’organisation et donc à partir d’un versant national. A l’époque, et ce, malgré les tensions notoires, nous sommes arrivés, en quinze jours, si ma mémoire est bonne, à un consensus. La leçon tirée et, qui m’aura servi de gouvernail par la suite, est qu’une telle entreprise dont le centre de gravité est la valorisation polycentrique de l’eau impliquait nécessairement un ordonnancement juridique rénové qui fixe de nouvelles règles du jeu alliant la force de la règle de droit et des outils techniques performants et inattaquables pour éclairer et aider à la prise de décision. Il me semblait à la fois démagogique et naïf de croire et de vouloir agir, durablement, sans lever ces préalables. Pourquoi ? Parce que si vous revisitez ces phases, vous constaterez qu’elles prennent, pour l’essentiel, leur origine dans une profonde méconnaissance du fonctionnement d’ensemble de l’hydro système du bassin et de quelques embrouillaminis juridiques non voulus par les pères fondateurs. N’oublions pas qu’ils étaient des visionnaires certes, mais ils abordaient, avec l’OMVS, des rivages inconnus. Soit. Pour éviter les interprétations parfois approximatives souvent hasardeuses et donc stabiliser l’organisation, il a fallu réfléchir pour concevoir de nouveaux leviers dans trois directions: la rénovation et l’adaptation du cadre juridique, l’approfondissement et l’amélioration des connaissances de l’hydro système du bassin et enfin, l’élaboration d’une batterie d’outils d’action et d’aide à la décision.

Concrètement en quoi cela a consisté ?

D’abord, avec la Charte des Eaux du fleuve Sénégal, nous avons répondu à plusieurs préoccupations, à la fois la modernisation et la mise en cohérence de notre ordonnancement juridique, la définition de l’option stratégique du partage de la ressource désormais faite entre les secteurs d’utilisation, les mécanismes d’instruction et d’approbation des projets, les principes et modalités de gestion de l’eau, le scénario optimal de gestion, le régime juridique des projets et enfin l’ouverture de la Commission Permanente des Eaux à tous les acteurs du bassin, notamment les ONG et les acteurs économiques non étatiques. La Charte des Eaux du fleuve Sénégal est unique en son genre et avant-gardiste. C’est une référence mondiale. C’est une fierté. Naturellement, l’adoption de la Charte a induit une refonte du Règlement Intérieur de la CPE. Il m’a semblé utile et surtout nécessaire de consolider la force de la force de la règle de droit en construisant des ressorts techniques sous forme d’outils de partage, de traitement, de gestion et d’utilisation de l’information. La batterie des outils conçus épousent les contours des temporalités hydrologiques. N’oublions pas que même si le fleuve prend sa source dans un domaine guinéen et soudano-guinéen, il traverse des régions arides et semi-arides à partir du Mali jusqu’au delta. C’est pourquoi on a bâti des outils à des temporalités étagées avec des logiciels opérationnels de maniement et de gestion hydraulique de notre base de données, du Tableau de Bord Besoins/Ressources pour la gestion opérationnelle et enfin du SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux) pour outil de planification stratégique et prospective. C’est, je crois, la meilleure approche possible. C’est le socle à partir duquel l’OMVS doit et devra relever le défi existentiel d’une gestion transparente, saine et partagée d’une ressource insuffisante, rare et aléatoire. Je persiste à penser que, sans ces nouvelles fondations, elle aurait difficilement évolué dans une phase hybride d’aménagement et d’exploitation. La clarté, la rigueur dans la gestion, la cohérence dans les choix et bien sûr l’équité dans les bénéfices sont les bases essentielles de toute odyssée du même type.
Nous avons complété ces outils par trois autres leviers : une étude coûts/bénéfices enrichie d’une analyse multicritère, une clef d’imputation des coûts et charges et une nomenclature des seuils devant servir à l’application des régimes juridiques des projets prescrits par la Charte.
Par ailleurs, et pour éviter toute action inconsidérée et les pentes savonneuses de la démagogie, un Système d’Information sur l’Environnement a été mis en place. Il permet à l’OMVS d’élaborer, en instantané, un état de l’environnement et des ressources naturelles.
En toute objectivité, la raison de la stabilité réside dans les effets positifs de cette mécanique systémique qui exclut toute approximation et clarifie les règles du jeu au sein de l’OMVS qui est devenue une véritable communauté d’intérêts et de droit. Le fait que notre organisation soit citée en exemple en 2012 par tous ses partenaires techniques et financiers, sur tous les continents, à tous les échelons, n’est pas fortuit encore moins gratuit alors qu’il y a peu ils la critiquaient ouvertement. C’est une vraie fierté.
Cette mécanique répond, au-delà des dimensions factuelles, à une autre préoccupation plus complexe.
En effet, à l’instar de toutes les entreprises du genre, tous les acteurs sont partagés entre une double aspiration : s’agripper aux clochers nationaux et/ou respecter les engagements collectifs et communautaires. La gestion de ce sentiment dual peut sembler délicate. Mais elle trouve sa réponse dans la responsabilité solidaire qui n’entraine pas mécaniquement une dilution nationale dans un vivier communautaire mais le respect de cette exigence d’un rapport à soi et aux autres. Sans la prise en compte, à chaque instant, de ce viatique, nos conquêtes d’aujourd’hui et d’hier et nos certitudes d’une organisation en marche, se briseront sur le mur de l’incurie et de l’irresponsabilité.
Pensons à ce moment où les pères fondateurs signaient, à Nouakchott, les conventions de base enclenchant cette odyssée. Ils ont fait le choix irremplaçable de la responsabilité partagée, de l’action concertée et de la solidarité négociée. Voilà le chemin qui nous honore, collectivement, aujourd’hui.

Nous savons que les décisions sont prises à l’unanimité au niveau des Instances de l’OMVS. Comment expliquez-vous le fait que depuis 2002, aucune situation de blocage n’a été constatée ?

Les raisons sont inscrites dans les gênes des règles du jeu que nous venons d’évoquer. Comme la gestion procède de bases claires au triple plan juridique, technique et financier tout en préservant les intérêts de chacun, je ne vois pas pourquoi on observerait des blocages à moins d’être frappé d’une amnésie déroutante.
Rappelez-vous ce que disait Robert Schuman parlant de l’union européenne. Il a insisté sur le sens du compromis et l’exigence de sa recherche constante. Là- bas comme à l’OMVS, l’histoire lui a donné raison.
Vous savez, c’est une école, une forme d’éducation avec une pédagogie propre qu’il faut faire partager et surtout appliquer.
Par ailleurs, je crois que l’accès, sans limite, à l’information et son partage sont des gages de l’exercice de la solidarité et d’une saine gouvernance. C’est un exercice délicat qu’il faut faire au quotidien d’autant plus que les forces centrifuges sont présentes ici, comme ailleurs, et que la destruction est plus foudroyante que la patiente construction.
J’espère que l’implication croissante depuis trois ans des acteurs du bassin à tous les échelons et étapes servirait à une meilleure compréhension et surtout une bonne cohésion communautaire.
Nous avons, en effet, mis en place des structures participatives avec les Comités Locaux Coordination/Associations d’Usagers, les Comités Nationaux Coordination et le Comité de Bassin qui sont nos partenaires en sus, bien sûr, des pouvoirs publics.

La source du fleuve Sénégal, comme la majorité des fleuves d’Afrique de l’Ouest, est située dans le Fouta Djallon en Guinée qui n’est devenue membre de l’OMVS qu’en 2006. Comment le processus d’adhésion de cet Etat a–t-il été conduit ?

Le fleuve Sénégal prend sa source dans les terres massives du Fouta Djallon. Dès le départ, personne ne voulait agir sans ce pays qui contrôle les eaux que charrie le fleuve. La Guinée était membre du Comité Inter-Etats, de l’OERS. Bref de toutes les initiatives du même type. Mais compte tenu des rapports déjà exécrables et dégradés ensuite entre deux Etats membres, l’OERS est morte. Elle a été supplantée par l’OMVS créée par trois Etats riverains le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. C’est ce que permettait le contexte d’alors. Nous n’avons pas à porter un quelconque jugement de valeur sur ces faits.
Cependant, il nous a semblé, en tout cas moi, hasardeux de continuer sans le pays source du bassin du fleuve. Ce n’était ni une gâterie ni un gadget encore moins une convenance de quelle que nature que ce soit. C’est un choix stratégique et, plus factuellement, une sécurisation des investissements énormes publics, privés et communautaires consentis tout au long du fleuve. Savez-vous que le complexe hydroélectrique régional de Manantali est sur le Bafing en aval du site de Koukoutamba ? Imaginons que la République Sœur de Guinée décide, sans concertation, l’aménagement non seulement de Koukoutamba mais de Boureya et Badoumbé, il n’y aura plus de fleuve Sénégal dans sa configuration hydrographique actuelle. Décrivons ce qui va se passer en Mauritanie: plus de Manantali bien sûr, encore moins d’Aftout-es-sahéli, de PPG1, de PPG2, CPB etc. … Ça sera un véritable désastre. Nous vivrons exactement ce que vivent de nombreux pays en aval du Jourdain, du Tigre et de l’Euphrate et bien d’autres. L’objectif de tout pays aval est de construire autour du bassin transfrontalier qui l’alimente un cadre de coopération sinon c’est la guerre. L’une des dimensions peu évoquée, à cause du fracas des armes, du conflit israélo-arabe, découle de la gestion quasi guerrière du Jourdain et du Lac de Tibériade.
Donc j’ai pensé qu’il était saint d’ouvrir des discussions fraternelles et franches pour une reconstitution de la grande famille des Etats riverains du bassin du fleuve Sénégal. C’est à la fois cohérent, légitime, normal et nécessaire.
A cet effet, nous avons engagé un processus inclusif qui aura, au bout de deux ans, abouti à l’adhésion de cet Etat frère à l’OMVS en mars 2006 sur la base des règles que nous avons évoquées. Le respect de l’ordonnancement juridique communautaire, embossé à la batterie d’outils d’action et d’aide à la décision, était la condition nécessaire à une reconstitution de la grande famille OMVS sur des bases saines. J’avoue que ça correspond à ma façon de voir l’intégration solidaire en Afrique à travers ses 59 bassins transfrontaliers.
Par ailleurs, l’adhésion de la République Sœur de Guinée nous permet de mutualiser toutes les immenses potentialités du bassin du fleuve Sénégal. Prenons l’exemple de l’hydroélectricité: on est passé avec cette adhésion d’un potentiel de 425MW de puissance installée à 1600 MW.
Nous sommes heureux et fiers de l’élargissement de notre pacte de solidarité à la République Sœur de Guinée, du succès de notre intégration solidaire, de la sécurisation de notre entreprise collective et du renforcement durable de nos potentialités. Puissant Allah le Tout Puissant, l’Unique Donateur nous aider à préserver ces acquis.

Pour faire « de la place » à la Guinée, il a fallu faire une réforme institutionnelle. Quelles en sont les grandes lignes ?

L’élargissement de notre Pacte de Solidarité à la République Sœur de Guinée impliquait mécaniquement une refonte des structures. Mais pas seulement. Le système-OMVS, dans son ensemble était, à mes yeux, essoufflé. La construction de nouveaux ressorts institutionnels était devenue une exigence. Le processus n’aura pas été facile compte tenu du fait que les bureaucraties comme les personnes prennent de mauvaises habitudes et dès lors qu’on envisage d’y toucher, elles se crispent. Et commencent alors des combats à l’arlésienne. C’est la raison du temps pris pour trouver un chemin, identifier une méthode et enfin pour conduire une refondation institutionnelle.
Pour ce faire, il fallait convaincre et agir. D’abord convaincre. C’est de cette pédagogie dont je parlais précédemment. La méthode était la clef. Il s’est agi d’une large consultation directe, indirecte et parfois même incidemment pour apprendre pour comprendre et, in fine, construire, loin des contingences et des jeux de rôles, un projet collectif. Ensuite agir. J’étais persuadé que le cadre institutionnel n’est pas une fin en soi mais un indispensable levier au service en l’occurrence de ce même projet collectif.
Dans ce cadre, quelques préalables devraient être levés notamment l’adhésion du quatrième Etat riverain, la conception et l’opérationnalité des bases d’une véritable gestion solidaire de la ressource en eau, l’adhésion des bailleurs de fonds à une nouvelle approche programme évolutif sur une séquence temporelle suffisamment longue pour bâtir les fondations d’une intégration soutenue et enfin la réflexion sur une démarche participative impliquant tous les acteurs du bassin sans verser dans la démagogie.
Pourquoi tout cela disent certains ? C’est certes long et fastidieux. A mon avis, c’est normal et surtout rationnel. Je crois, en effet, que l’OMVS bien au-delà, des projets et programmes, doit avoir comme orientation stratégique, comme priorité principale, l’édification concertée et soutenue d’un cadre solidaire d’intégration économique et de coopération sous régionale. Donc toute modification, tout changement, doit être pris très au sérieux et non de manière désinvolte.

Y êtes-vous arrivés ?

Je le pense avec quelques nuances. Comme je vous le disais, le compromis est la clef compte tenu du principe de l’unanimité. Nous avons souhaité confier la sélection des personnes proposées par nos Etats membres, à un cabinet indépendant. Le travail préparatoire fait en amont a montré que certains Etats y étaient hostiles. En conséquence, on a retiré cet aspect qui garantissait, à nos yeux, un choix objectif et de qualité. Mais au final, chaque Etat a fait ses choix de manière indépendante.
Aujourd’hui, les nouvelles structures se mettent graduellement en place. Elles répondent aux exigences et aux objectifs fixés, notamment l’intégration organique et fonctionnelle du nouvel Etat membre, l’harmonisation des schémas institutionnels, la prise en compte de l’évolution programmée et planifiée, le renforcement des fonctions de contrôle, d’audit interne, de suivi évaluation, d’harmonisation des procédures de passation des marchés, la professionnalisation accrue et l’implication croissante des acteurs du bassin (Etats, Collectivités Territoriales, ONG et Communauté Scientifique).
Il y a plusieurs aspects importants. Je voudrais insister sur quelques réformes majeures: l’indépendance et la multiplication des organes de contrôle et d’audit à tous les niveaux, l’exigence, pour tous, des audits externes menés par des cabinets de renom, comme Ernest et Young, Deloitte, Mazars, agréés par nos bailleurs de fonds. Ce mécanisme a été élargi aux contributions des Etats membres au niveau du Haut-Commissariat malgré qu’elles servent surtout aux salaires à 90%. Mais, c’est très bien que tout soit contrôlé.
La seconde est la création d’un Comité de Bassin constitué de quatre collèges: les pouvoirs publics (gouvernement, collectivités locales, élus nationaux députés et sénateurs), les organisations socioprofessionnelles et secteur privé, les ONG et la Communauté Scientifique (huit scientifiques de renom en raison de deux par Etat). Il s’agit d’une Assemblée de bassin qui contrôle nos choix programmatiques grâce au SDAGE déjà évoqué, la gestion à la fin de chaque année et conseille et accompagne l’organisation. C’est la clef de la nouvelle gouvernance.
Enfin, la mise en place d’un nouveau système d’exploitation durable de l’énergie aussi bien pour Manantali que Félou que pour toutes les centrales à venir.
Est-ce à dire que tout est fini? Conservons un minimum de lucidité. Il reste des enjeux à prendre en compte pour stabiliser le nouveau système-OMVS. Il s’agit de l’acclimatation du fonctionnement à quatre et celui des nouvelles structures, l’internalisation des outils d’action et d’aide à la décision et ceux dédiés à la prospective, l’intégration par les anciens Etats membres de la présence d’un quatrième Etat, la garantie de la fonctionnalité du Comité de Bassin, la mise en place d’un mécanisme d’autofinancement total et/ou partiel pour, d’une part, soulager les trésors publics des Etats et, d’autre part, prendre en charge certains investissements. La prise en compte de ces enjeux est un choix nécessaire et une exigence d’avenir.

Venons-en au fonctionnement de l’Organisation. Quelles sont les actions que vous avez menées pour la modernisation de vos services en vue de l’atteinte des objectifs que vous vous êtes fixés ?

La modernisation passait d’abord par la refonte des structures, l’élargissement de notre pacte de solidarité à la République Sœur de Guinée, la structuration et l’organisation raisonnée de l’approche participative, la multiplication des mécanismes de contrôle et la mise à disposition des outils d’action et d’aide à la décision. Nous avions évoqué toutes ces indications. Mais, elle est allée bien au-delà. Il fallait créer un cadre de travail moderne, fonctionnel et résolument tourné vers l’avenir. C’est l’immeuble flambant neuf situé à Cerf-volant Colobane qui répond à cette préoccupation tout en donnant à l’organisation une identité architecturale et lui offrant un ancrage territorial. Il porte le nom évocateur de « La Maison des Citoyens de l’Espace-OMVS ».
Aujourd’hui, nos multiples salles y compris celles dédiées au Conseil des Ministres et au Comité de Bassin offrent des conditions de travail exemplaires. C’est notre propriété. Et, donc il tombe dans le patrimoine commun. Il aura permis l’économie de près d’un demi-milliard de FCFA soit près de 250 Millions UM par an qui étaient dépensés directement par l’organisation ou l’Etat membre qui abritait l’une de nos innombrables activités. J’avoue qu’il offre une forme de respectabilité à l’OMVS. Elle souffrait tant de l’éclatement des services, de la promiscuité des bureaux et de l’obsolescence des équipements de travail.
Par ailleurs, le CRD devenu depuis la réforme CDA, a été modernisé et transféré, à Ndar-Toute, dans ce qui est déjà, un centre africain d’excellence dans le domaine de l’information et de la documentation sur l’eau.
Nous travaillons avec nos partenaires techniques et financiers pour y intégrer un volet formation continue. La Banque Mondiale, qui a déjà financé la réhabilitation de l’immeuble, les équipements et l’ameublement, doit continuer à soutenir cette mutation.
Mais, d’ores et déjà, les outils de travail dernière génération sont en place notamment pour le traitement de l’information et la documentation, la gestion des bases données et la diffusion de l’information y compris en ligne. Le CDA est visité depuis, deux ans, par près de 700 chercheurs communautaires et étrangers.
Au final, nous avons créé, je le pense en toute objectivité, l’environnement de travail idoine pour toutes nos équipes et nos structures.

En 2002, la centrale hydroélectrique de Manantali produisait ses premiers kWh au grand bonheur des Etats membres, comment évaluez-vous le chemin parcouru depuis cette date et quelles sont les réalisations en cours ou projetées afin de satisfaire la demande énergétique grandissante?

Vous parlez là d’un évènement historique pour l’OMVS. En effet, après la construction du barrage de DIAMA en 1986 et de celui de Manantali en 1988, notre Organisation a bouclé la mise en œuvre du Projet Energie de Manantali par l’alimentation en énergie hydroélectrique produite à partir de ce barrage des capitales des trois Etats-membres. Aujourd’hui, on en parle peu. Mais la Mauritanie a failli ne pas être connectée pour deux raisons : la suspension des crédits/IDA et le rejet, à juste titre, par la SOMELEC de cellules qu’elle jugeait inadaptées voire dangereuses pour sa centrale et, in fine, pour ses installations. Mais enfin tout est bien qui finit bien. Depuis, la Guinée nous a rejoints.
En tout état de cause, l’OMVS dispose d’un complexe hydroélectrique, et des installations associées, le plus performant. Il s’agit d’une usine d’une puissance installée de 200 mégawatts, d’un réseau haute tension de plus de 1700 km et de 12 postes de transformation électrique soit quatre par pays. A partir d’un réservoir de plus de 11 milliards de m3 d’eau stockés par le barrage, la Centrale de Manantali a une capacité de production annuelle de 807 millions de KWh.
L’énergie de Manantali comme celle de Félou, dans le courant du premier semestre 2013, et comme je l’espère, dans deux à trois ans après celles de Gouina et de Koukoutamba, peut être caractérisée par quatre mots : disponibilité, économie, fiabilité et durabilité. Disponibilité d’abord. Le fleuve Sénégal recèle d’immenses potentialités qui ne demandent qu’à être valorisées. Qui plus est, il s’agit d’une propriété commune. Economie aussi. C’est la dimension la plus évidente parce qu’elle suppléerait et/ou se substituerait au thermique qui en coûte au moins le triple. Nous parlons d’un différentiel entre 22 UM comme coût de production pour nous contre 50 UM au thermique chez nos Etats membres. Tirez-en les enseignements que vous voulez. D’autant plus qu’il faut ajouter aux 50 UM le coût réel du KWh rendu aux ménages. Fiabilité ensuite. La disponibilité de l’énergie produite au niveau de l’OMVS peut être programmée contrairement aux combustibles fossiles avec un baril en dynamique haussière constante et un dollar jouant au yoyo. Durabilité enfin. Elle est durable puisque la source est non seulement gratuite et renouvelable annuellement mais aussi une ressource naturelle locale appartenant à nos Etats membres.
Nous continuons sur le même chemin mais, avec une meilleure visibilité. Comment ? En balisant la voie pour un aménagement de tout le potentiel hydroélectrique du fleuve et de ses affluents d’abord sur le bassin aval, les sites de Gouina et de Félou, et celui de Gourbassi sur la Falémé, puis à l’amont sur le Bafing, les sites guinéens de Koukoutamba, Boureya et Balassa. C’est le fruit de l’approche programme évolutif évoquée précédemment qui nous permet d’éviter l’intumescence des ruptures dans notre planification de développement. Arrêtons-nous un peu pour que chacun comprenne de quoi on parle. Vous savez, pour ces aménagements structurants, il faut du temps qui comprend une préparation fastidieuse, les études jusqu’à l’APD/DAO, les E.I.E et les financements et enfin la phase d’exécution. En fait au moins trois à quatre ans. La nouvelle approche dont je parle permet de gérer au mieux ces exigences. Prenons les barrages existants, il aura fallu attendre près de vingt ans pour l’entrée en service de Diama et de Manantali. Etait-il concevable de continuer de la même manière. Bien sûr que non.
Aujourd’hui Félou va entrer en service sous peu, Gouina est prêt à être lancé avant avril 2013, Koukoutamba d’ici à décembre 2013. Mais en même temps, on est déjà au stade d’APS pour Gourbassi et Boureya. Voilà ce qui est, à mon sens, efficace et utile pour l’avenir. Une planification séquencée qui devrait aboutir, à un temps record, à la valorisation totale de tout notre potentiel hydroélectrique avec une plateforme de réseau en cours de finalisation sur une base consensuelle. Nous pensons que cette démarche est innovante et cohérente.

Nous savons que l’énergie produite par Manantali profite essentiellement aux grandes villes (essentiellement Bamako, Nouakchott et Dakar), qu’est-ce que l’Organisation fait pour améliorer le niveau de vie des populations du bassin ?

Il est vrai que pour des raisons structurelles indépendantes de l’OMVS et liées au niveau de développement des réseaux électriques nationaux, l’énergie de Manantali et bientôt celle de Félou alimentent essentiellement les capitales des trois Etats concernés. Mais le réseau HT de l’OMVS dessert également d’autres localités dans ces pays. Pour prendre le cas de la Mauritanie, les villes de Rosso, Kaédi, Boghé sont connectées au réseau et celles de Gouraye et de Sélibaby le seront en 2013. Par ailleurs, notre Organisation commune a programmé dans le cadre de ses nombreux programmes déjà financés tel le PGIRE, un vaste développement d’électrification rurale dans la vallée du fleuve Sénégal et de ses affluents. L’objectif final étant, dans le domaine de l’énergie, de faire en sorte qu’à court et moyen termes, les pays membres de l’OMVS, leurs populations et leurs industries puissent utiliser une énergie fiable et bon marché. Mieux, à travers son réseau haute tension, l’OMVS offre la possibilité aux indispensables interconnexions électriques avec d’autres réseaux régionaux et sous régionaux en Afrique de l’ouest et du nord garantissant ainsi une meilleure sécurité d’alimentation des populations et aux industries de nos pays.
Je dois rappeler en passant et nous ne le disons pas assez que les câbles de garde à fibres optiques installés par l’OMVS sur son réseau haute tension servent aujourd’hui de support pour certaines des sociétés de télécommunication de nos Etats pour augmenter de façon inestimable la qualité et la capacité de transport de la voix, du son et des données. Ce créneau sera mieux exploité à l’avenir par notre Organisation pour le bonheur des populations de la vallée.
Puisque vous demandez qu’est-ce que l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal fait pour améliorer le niveau de vie des populations de la vallée, je ne saurais m’arrêter au seul volet « Energie » En effet, vous le savez, l’OMVS est une Organisation multisectorielle et de développement intégré. De nombreux programmes et projets y sont développés dans les secteurs de l’agriculture irriguée, de la santé, de l’environnement, de la navigation sur le fleuve et d’une manière générale des transports terrestres et fluviomaritime, de la pêche et j’en passe, pour plusieurs milliards de dollars.

Nous savons que le Président Ould Abdel Aziz a posé la première pierre du projet d’électrification Gouraye-Sélibaby. Où en sommes-nous ?

En effet, le Président a eu l’amabilité de présider lui-même cette cérémonie. Et nous l’en remercions. Les travaux sont en cours d’exécution sur un financement de la BAOD de 10 Milliards de FCFA.
La réalisation du tracé de la ligne, les indemnisations des populations mauritaniennes par l’emprise des lignes pour 64 millions d’Ouguiya sont effectifs et celles du Sénégal pour douze millions de FCFA. Les procédures d’indemnisation ont été conduites conformément aux usages par les services concernés de chaque Etat.
Concernant l’avancement des travaux, la fabrication du matériel et son transport sur site sont suivis par le Chef de projet. Il s’agit des cellules 30kv, des disjoncteurs 90kv et 225kv et des parafoudres.
Donc le projet suit son concours normal depuis le traitement des questions environnementales que l’OMVS ne peut en aucun cas transgresser. C’est une exigence ici comme ailleurs. A ce propos, je vous informe que ce genre de procédures est conduit systématiquement à chaque fois qu’un projet a pour impact le déplacement de populations. A titre d’exemple, je citerai la route Diama-Rosso dont le Plan d’Action de Réinstallation a été validé le 8 décembre passé à Rosso.
A propos des résultats attendus, l’essentiel aura été dit par le Président lui-même aux populations de la région. C’est-à-dire que cette électrification permettra à l’avenir d’alimenter en électricité les localités traversées et d’assurer un développement socio-économique par la création d’activités productives qui contribuent à l’amélioration des conditions de vie des populations.
Par ailleurs, à partir de cette ligne et donc la connexion au RIMA, il sera possible de remonter plus au nord. C’est cela l’enjeu.

Justement, à propos de l’amélioration des conditions de vie des populations du Bassin, quelles sont les principales activités réalisées dans le cadre du PGIRE ?

Nous venons d’évoquer la composante électrification rurale à propos d’un programme important plus connu sous le vocable PGIRE. C’est une sorte de boite à outils programmatique. Le Programme de Gestion Intégrée des Ressources en Eau et de Développement des Usages à Buts Multiples (PGIRE DUBM) dans le Bassin du fleuve Sénégal (BFS) est une intervention à vocation régionale qui concerne les quatre Etats riverains du fleuve Sénégal : la Guinée, le Mali, la Mauritanie, et le Sénégal. Il vise à promouvoir le développement économique et social de ces Etats, conformément aux Missions de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal et en accord avec les stratégies de la Banque Mondiale en matière d’intégration régionale, dans le secteur de l’eau et d’assistance aux pays.
Globalement, le programme est conçu pour appuyer l’OMVS à développer la gestion intégrée des ressources en eau du bassin du fleuve Sénégal avec des impacts significatifs à court, à moyen et à longs termes. Le programme s’étend sur une période de dix ans, scindée en deux phases quinquennales. Dans sa première phase, le programme cible une population de bénéficiaires de deux millions de personnes vivant dans la zone d’intervention.
Il vise à promouvoir la croissance et à améliorer, de manière significative, les conditions de vie des populations dans le Bassin du fleuve Sénégal où un recul de la pauvreté est escompté.
L’atteinte de cet objectif passera par la consolidation et la modernisation du cadre institutionnel, juridique et technique de gestion du Bassin du fleuve Sénégal pour mieux servir les quatre Etats riverains, le développement local à travers la promotion d’activités de valorisation des ressources en eau qui puissent générer des revenus significatifs et aider ainsi à réduire la pauvreté ainsi que la définition et la préparation de nouvelles infrastructures à buts multiples pour valoriser le potentiel hydroélectrique identifié dans le bassin.
Le PGIRE par le biais de sa deuxième composante, à travers une combinaison articulée d’activités étagées (le développement de la petite hydraulique, la pêche traditionnelle, l’agroforesterie, la préservation de la ressource en eau), contribue à impulser et à mieux structurer des activités locales, selon une démarche participative, pour améliorer durablement les conditions de vie des populations cibles. Prenons maintenant les secteurs un à un. Au plan agricole : La mise en œuvre des activités dans le volet hydro agricole du PGIRE permet d’aménager une superficie globale de 43 035 ha répartie en : 9 550 ha d’irrigation, 50 ha de périmètre maraichers, 10 000 ha d’aménagement de décrue contrôlée, 26 500 ha de décrue contrôlée non aménagée et enfin 1 200 ha d’aménagement de bas fond.
Ces réalisations sont au cœur des objectifs de disponibilisation de la ressource qui permet la diversification et l’accroissement de l’intensité culturale. Une large place est réservée aux couches vulnérables à travers les périmètres maraîchers et les aménagements goutte-à-goutte.
Ce sont 15 000 propriétaires de parcelles qui sont touchés en irrigation, correspondant à près de 110 000 personnes bénéficiaires dont les revenus ont été fortement améliorés.
Plus spécifiquement, en Mauritanie, les réalisations du PGIRE se déclinent comme suit :
– la Réhabilitation du périmètre irrigué de Bellara (250 ha). Le périmètre a été mis en valeur durant la campagne d’hivernage 2010 sur la totalité de sa superficie (250 ha) avec un rendement moyen de 5 tonnes à l’hectare ;
– la Réhabilitation du périmètre irrigué du PPG1 de Kaédi (700 ha). Le périmètre a été exploité durant la campagne hivernale 2010 avec un rendement moyen observé est de l’ordre de 5,15 tonnes à l’hectare.
– la Réhabilitation des ouvrages du périmètre de décrue contrôlée du PPG2 et du pont – vanne de Kaédi.- la Construction des ouvrages de NIAKHAKH, BABROUN et CHECHYA et curage du marigot de LAOUEIJA. Ces réalisations ont permis de contrôler le typha et d’améliorer l’écoulement garantissant ainsi la disponibilité en eau pour la cuvette de décrue contrôlée de RKIZ et les 870 ha du périmètre existant et la reprise d’importantes activités de pêche. Ces investissements bénéficieront à 3.400 familles environ 35.000 personnes et contribueront au désenclavement de la zone et l’amélioration de la disponibilité en eau.
Ces aménagements ont permis la mise en valeur globale d’une superficie d’environ 15 000 ha entre décrue et périmètres irrigués.
Pour la pêche, le PGIRE a fortement contribué à la relance de ce secteur. Ainsi les capacités techniques de 3 900 acteurs de la pêche regroupés en 122 organisations ont été renforcées. Le projet a permis également de renforcer les capacités des acteurs de la pêche (pêcheurs, mareyeurs, transformatrices, charpentiers). Plus de 1200 acteurs et 10 Conseils de pêche ont été formés.
D’importants lots de matériels et équipements de pêche sont également octroyés aux acteurs, il s’agit de : 50 pirogues motorisées et 135 non motorisées, 1000 gilets de sauvetage, 9000 nappes de filets, 6000 bobines de fils, 4000 paquets d’hameçons, 70 fours de fumage, 60 balances, des registres, 100 caisses isothermes, des kiosques à poissons, et divers lots de flotteurs, plombs, rouleaux de cordes, aiguilles de ramadage etc.
Ces équipements ont permis de doter les acteurs de la pêche d’outils de travail adaptés et ont permis de palier sensiblement leur sous équipement dans un contexte de gestion durable de la ressource halieutique.
En Mauritanie, les réalisations concernant ce volet se présentent comme suit :
– L’acquisition de 70 pirogues et 10 moteurs hors-bord, 600 nappes de filets, 600 paquets d’hameçons, 300 gilets de sauvetage, 45 balances, 1500 kg de plomb de 50 grammes, 30 000 flotteurs, 60 caisses isothermes, 600 caisses à poissons, 600 aiguilles de ramadage, 1200 bobines de fils et 650 rouleaux de cordes.
– L’organisation et la formation de 504 acteurs de la pêche formés (pêcheurs, mareyeurs, transformatrices et charpentiers), de 10 coopératives de pêche mises en place et formées sur la gestion des équipements et infrastructures de pêche et 10 enquêteurs/collecteurs de données formés dans les wilayas du Gorgol et Trarza.
– La construction d’un Débarcadère et d’un Centre de Développement de la pêche en cours de réalisation à Ntékane.
C’est une dynamique positive lancée. Elle se poursuivra dans la mesure où la seconde phase quinquennale est en cours de négociation.

La navigation sur le fleuve Sénégal est évoquée depuis la création de l’OMVS. A quand des bateaux de transport de personnes et de marchandises sur le fleuve Sénégal ?

Effectivement, l’objectif de restauration et de modernisation durable de la navigation sur le fleuve Sénégal a été au cœur du programme de développement intégré du bassin du fleuve Sénégal retenu par l’OMVS très tôt après sa création en 1972. Pour diverses raisons qu’il ne paraît pas utile de rappeler ici, cet objectif n’a pu être atteint dans les délais initialement souhaités. Rappelons seulement qu’il devrait être réalisé concomitamment avec les barrages de Diama et de Manantali.
Cependant, grâce à une série d’initiatives hardies de l’OMVS dans le cadre des réorientations stratégiques dont nous parlions tantôt, le Projet de navigation sur le fleuve Sénégal, a véritablement enregistré ces dernières années des avancées que l’on peut qualifier de significatives et d’irréversibles.
Pour le transport des personnes et des marchandises sur le fleuve, il est à noter que le bateau Bou El Mogdad effectue, chaque année depuis 2005 des croisières pour transporter des touristes de Saint-Louis à Podor sur 266 kilomètres. Ces croisières pourront être étendues aux zones touristiques du bassin de fleuve Sénégal situées bien en amont de la ville de Podor dès que seront terminés les travaux de rehaussement en cours des lignes électriques haute tension de la Société de Gestion de l’Energie de Manantali (SOGEM).
Par ailleurs, deux bateaux adaptés au transport des marchandises ont été acquis en 2012 aux Pays Bas par l’OMVS et sont actuellement accostés au barrage de Diama. Le processus de sélection de l’opérateur qui aura en charge l’exploitation commerciale par contrat de location-vente de ces bateaux sera bouclé en janvier 2013, leur mise en service devant intervenir avant la fin de cette année.
Les conditions d’exploitation de cette première flotte disponible seront fortement améliorées au fur et à mesure de la réalisation des investissements de première étape du Système Intégré de Transport Multimodal du fleuve Sénégal (SITRAM), dont le processus de mobilisation des financements est activement en cours, suite à la fructueuse table ronde des Bailleurs de fonds tenue à Dakar. En effet, ces investissements comportent pour la période 2012-2018 l’aménagement du chenal navigable (élargissement, approfondissement) sur 905 kilomètres de Saint-Louis au Sénégal d’Ambidédi au Mali, ainsi que la réalisation du port fluviomaritime de Saint-Louis, du port terminus fluvial d’Ambidédi et de huit escales portuaires et une série d’appontements bien répartis entre les rives droite et gauche. En attendant la pleine réalisation de ces investissements du SITRAM, il sera procédé à très brève échéance (2013/2014) au dragage d’accès aux quais existants du fleuve Sénégal.
A la faveur des travaux ainsi programmés à court et moyen termes, d’autres bateaux seront acquis par les opérateurs pour développer largement le transport de personnes et des marchandises de manière pérenne sur toute la longueur du fleuve.
Au-delà des avancées évoquées ci-dessus, le projet de navigation sur le fleuve Sénégal a été véritablement ressuscité aux plans institutionnel, législatif et règlementaire à travers notamment la création de la SOGENAV (2011), l’établissement d’un cadre règlementaire articulé autour du Code International de la navigation et des transports et de 12 règlements d’application (2006, 2009, 2011), le balisage du chenal navigable de Saint-Louis à Ambidédi (2009, 2012) et l’édition des nouvelles Instructions Nautiques du fleuve (2012) qui dataient de l’époque coloniale.
Telles se présentent brièvement la situation actuelle et les perspectives de développement des activités de navigation et de transport sur le fleuve Sénégal, qui augurent de l’amélioration imminente et durable de la mobilité spatiale des personnes et des biens dans le bassin avec pour corollaire, le renforcement et l’optimisation des impacts multiformes et multisectoriels attendus du programme de développement que l’OMVS s’attèle à mettre en œuvre depuis sa création, au bénéfice de l’économie et des populations de la sous-région.

Il est connu que les grands aménagements ont souvent des effets pervers sur les équilibres écologiques. Que fait l’OMVS pour atténuer les impacts de ces aménagements et pour la sauvegarde des écosystèmes du Bassin ?

Vous avez raison d’évoquer cette question. La politique d’aménagement du bassin visant à en exploiter les diverses potentialités introduit des éléments nouveaux dans le fonctionnement global de l’hydro système du bassin. Tous les biotopes sont touchés de même que la ressource en sus des bios unités émergentes. La responsabilité de l’organisation est d’y faire face de manière structurée et surtout rationnelle. Vous savez, dès qu’on parle d’environnement, on a tendance soit à minimiser soit à tenir des discours démagogiques et populistes. Ce sont là deux écueils, deux versants qu’il fallait éviter à tout prix.
C’est pourquoi on a fait, grâce au concours financier du GEF, de la Banque Mondiale et du PNUD, une ADT (Analyse Diagnostique Transfrontalière) de manière exhaustive et participative. Pour avoir une chance de bien traiter une pathologie, le bon médecin passe par la phase critique du diagnostic. Ce balayage inclusif a pris près de deux ans. Il aura vu la conduite d’une excellente étude avec la participation des services des Etats membres, des ONG et des partenaires techniques de l’OMVS.
L’ADT a été validée au double niveau national et communautaire. Sur la base des résultats de l’ADT, nous avons élaboré, selon la même démarche, un PAS (Plan d’Action Stratégique) qui définit la vision, les objectifs de qualité et les actions à mettre en œuvre avec un horizon temporel de finalisation d’ici à 2030. C’est un autre outil stratégique comme le SDAGE. Nous savons désormais où nous allons et comment nous cheminerons.
Mais revenons aux questions environnementales. Le PAS a indiqué quatre urgences environnementales : la santé environnementale, la lutte contre les végétaux aquatiques nuisibles, la dégradation des berges et la qualité des eaux. Il reste entendu qu’il faut que l’OMVS intervienne contre les fléaux mais à moyen et long termes.
Concernant la santé environnementale, pour la première fois de son histoire, l’OMVS a conduit une opération d’envergure contre le paludisme et les schistosomiases grâce au PGIRE et en étroite collaboration avec les services spécialisés. Encore une fois de manière rationnelle : diagnostic transfrontalier inclusif, stratégie concertée et plan d’action coordonnée. Les résultats sont à la hauteur des attentes. Ce n’est pas moi qui le dit, ce sont des chiffres des agences des Nations Unies et des ONG. Il s’est agi de distribution massive de MILDA au profit de près de neuf millions de personnes dans les quatre pays, de traitement de masse et de campagnes d’information et d’éducation. Le plus fondamental est d’avoir, par une pédagogie appropriée, montré que la lutte contre ces pandémies autour d’un bassin partagé n’a de sens qu’à une échelle régionale.
Nous avons mis en œuvre un programme spécifique d’endiguement de la morpho-dynamique instable et régressive des berges dans le haut bassin.

D’accord mais chez nous on est très préoccupé par le typha. C’est ce que m’ont dit nos agriculteurs. Qu’avez-vous fait ?

Vous ne m’avez pas laissé terminer. Concernant les végétaux aquatiques, le programme GEF aura été dédié à ça avec la mise en œuvre d’une politique plus intégrée et plus durable en plusieurs phases.
La première phase du projet a permis de traiter par faucardage, curage et réalisation de plateforme d’accès sur 4 entrées d’axes hydrauliques (Laoueija et Garack en rive droite et Gorom Amont et Ancienne Taouey en rive gauche) pour un total de 9.9 km. La seconde en cours de finalisation porte sur 6 axes hydrauliques pour une longueur totale de 37,576 km. Il s’agit d’Ibrahima, Gouère et Meysoukh en rive droite et Diawel, Ouvrage I et Ouvrage DR en rive gauche.
Déjà, avec ces travaux, nous constatons, avec satisfaction, une facilitation de l’accès aux cours d’eau, une amélioration de la sécurité, une meilleure hydraulicité et une conduite satisfaisante des activités de développement comme l’agriculture.
Prenons les effets sur l’agriculture. Les travaux ont impliqué mécaniquement l’amélioration de l’hydraulicité des axes permettant ainsi d’assurer par gravité l’alimentation des chenaux de pompage et l’irrigation d’un important potentiel estimé à 17300 ha dont 3000 pour Ibrahima, 7000 pour le Gouere, 2000 pour le Meissoukh, 1050 pour l’Ouvrage I, 750 pour le DR et 3500 pour le Diawel.
Par ailleurs, les populations vous le confirmeront, cela a entrainé la destruction des aires de repos et de reproduction des oiseaux granivores et autres espèces nuisibles, l’accès du cours d’eau au bétail, la pratique de la pêche par un accès aux plans d’eau et la pratique d’une activité à proximité des lieux d’habitation et de consommation, l’amélioration de la qualité de l’eau qui assure la diversification et l’accroissement de la production halieutique, le transport et la mobilité.
Pour garantir une durabilité aux résultats de cette politique, nous avons organisé les bénéficiaires. Dans ce cadre et, sur la base d’un bon diagnostic institutionnel effectué au démarrage des activités, on a pu dresser la situation de l’organisation et du fonctionnement des structures mises en place par les usagers des axes hydrauliques concernés par le programme.
Au total, 50 structures d’usagers ont été créées et/ou renforcées et équipées durant les deux phases du programme, de 2007 à 2012. Nous leur avons donné les moyens techniques en matériels et équipements permettant d’assurer la maintenance et l’entretien des axes.
Nous allons continuer les mêmes efforts en les combinant avec un réseau de polders grâce, comme pour le reste, au concours technique et financier du Royaume des Pays Bas.

En 2010, vous avez organisé l’assemblée générale du Réseau International des Organismes de Bassins (RIOB) à l’issue de laquelle vous avez été élu Président Mondial. N’est-ce pas là la reconnaissance au niveau international de la réussite du « modèle OMVS » pour l’intégration régionale?

Le RIOB (Réseau International des Organismes de Bassin), dont le Secrétariat Technique Permanent est assuré par la France, est la structure mondiale de coordination, de concertation et de pilotage des agences et organismes de bassin. Son objectif est la promotion, à l’échelle mondiale, de la gestion intégrée des ressources en eau par bassin hydrographique, le développement des partenariats interbassin et la préparation des schémas directeurs et programmes d’action à moyen et à long termes et la diffusion de l’information.
Il s’appuie sur des réseaux régionaux africain, européen, euro-méditerranéen, nord- américain, sud-américain. Il est dirigé par un bureau élu par une Assemblée Générale qui se tient tous les trois ans sur un continent. Nous avons, au nom de l’Afrique et avec le concours du Ministre Français des Affaires Etrangères, l’Union Européenne, l’OIF et bien sûr les Agences de Bassin françaises, tenu la première AG en terre africaine en janvier 2010. Elle m’a élu à l’unanimité Président Mondial du RIOB. Notre prochaine réunion se tiendra au Brésil qui assurera la présidence pendant trois ans avant de passer le témoin au Canada. C’est une structure de dimension mondiale qui se densifie grâce à l’appui constant de l’Europe notamment la France qui est en avance sur les autres dans ce domaine. Est-ce une reconnaissance personnelle ? Bien sûr. Mais c’est aussi une responsabilité assez lourde. Présider des réunions où il y a des pays majeurs qui ne veulent pas entendre parler de gestion concertée ou de la notion de bassin transfrontalier n’est pas une chose aisée. Mais le RIOB est avant tout une école où se conçoivent les choix stratégiques de demain pour nous et pour le monde. Ne l’oublions pas: l’eau c’est la vie mais c’est aussi un facteur de cristallisation de conflits ouverts. Réfléchir, à cet enjeu par essence partagé, est un devoir.

Propos recueillis à Dakar par Ahmed Ould Cheikh

Source  :  Le Calame le 19/12/2012{jcomments on}

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