Mauritanie 1984/2012 : On prend les mêmes et on recommence

(Crédit photo : Noor Info)

28 ans après l’arrivée au pouvoir de Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya, véritable Attila des valeurs mauritaniennes, l’herbe n’a toujours pas repoussé après son passage, malgré le bref espoir porté par la fameuse période dite de la «transition» dans laquelle le pays est toujours embourbé en réalité. Perspective.

Dans une vidéo que Noorinfo a publié il y a bientôt un an sur son site par rapport au coup d’état de Maouiya, on voyait déjà la garde bureaucratique et dite démocratique, alors bien militaire. Comme notre président actuel.

Une vidéo publiée aujourd’hui même montre Aziz en Cerbère de l’ancien dictateur.

Au-delà de ces visuels symboliques, la manière de gouverner, l’entourage du chef d’état, et la totalité des motifs qui ont servi à justifier le coup d’état de 2005, et celui de 2008, plus grave car contre un président démocratiquement élu, n’ont pas changé.

«Qui oublie son histoire se condamne à le revivre»
disait justement Winston Churchill. A ce titre on est en plein «review» du navet cinématographique qui a duré 21 ans en Mauritanie.

Rappel des faits : Après 21 ans au pouvoir, Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya est destitué en août 2005, après un coup d’état qui annonce «une période de transition vers la démocratie», après la sombre période qui a débuté en 1978 avec l’avènement des militaires.

Trois ans après ce coup d’état, et une transition cahin-caha qui débouche sur l’élection (presque) transparente, pour la première fois de l’histoire mauritanienne, d’un président mauritanien, au suffrage universel direct, dans les faits, les militaires sont toujours au pouvoir.

Les principaux tenants du coup d’état, que Sidi Ould Cheikh Abdallahi tentait de garder loin du pouvoir, les généraux d’aujourd’hui, reprochant au président de s’entourer des proches, corrompus ou non, et gabégistes ou non, de l’époque de Taya.

Quatre ans après ce coup d’état avalisé par une élection en 2009 qui consacre l’ancien chef du BASEP à la tête de l’état, on retrouve les pires voleurs des contribuables à sa tête, et surtout à ses côtés, en pleine lumière, ou en coulisses, en tant qu’alliés politiques, à la tête de sociétés minières, pourtant se disant de l’opposition, et jurant qu’ils seraient les premiers à applaudir Aziz en cas de réélection en 2014. Les Tommy à Tasiast, les Ould Boydiel à El Wiam, dans un parti dit de l’opposition sont autant de figures symboliques du Tayisme, dont l’habitant du palais ocre d’aujourd’hui disait vouloir se débarrasser.

 

Messieurs-je-sais-tout

Coupé des réalités, porté par une paranoïa aigue sur sa sécurité, Taya sortait une fois par décennie une théorie sur les raisons du retard «intolérable» de la Mauritanie dans son développement : et à la fin des années 1990, il décrète que c’est le manque de culture, et le manque de connexion à internet, qui en est la principale cause, d’où les fameux Dar El Kitab (maisons du livre) déployées un peu partout dans les communes, et qui ont fait la fortune de quelques-uns.

Depuis 2009, certainement moins coupé des réalités, mais tout aussi orgueilleux par cette certitude affichée de seul avoir analysé tous les maux de la Mauritanie, et trouvé leurs solutions, tous secteurs confondus, sans passer par les spécialistes, mastérisés ou doctorants, le nouveau maître à bord du bateau mauritanien, enfile des perles de propagande pour marteler son omniscience sur toutes les situations que peut connaître la Mauritanie, que ce soit économiquement, socialement, culturellement, médicalement, «agricolement», scientifiquement, «minièrement», tristement hélas.

A chacun sa milice

Tout le monde l’a remarqué, et les policiers en premier : depuis deux-trois ans, la police tombe en totale décrépitude (déjà que c’était le cas avant) : prérogatives diminuées, au profit des marsupilamis (pardon du GGSR), en réalité milice du général Mesgharou, chacun des généraux ayant sa milice privée, obéissant d’abord à une personne ou un groupe de personnes, et défendant leurs intérêts avant ceux des citoyens.

Lors de la première commémoration d’Inal l’an passé, ce sont ces pseudo garants de la sécurité routière mauritanienne, qui ont pointé des armes ultra modernes sur les pèlerins, pour un «contrôle de routine» disait le jeune capitaine du mini-escadron qui s’était posté à 30km de Nouakchott.

Dans le même temps, la police coule, car «trop proche d’Ely Ould Mohamed Vall» selon un inspecteur de la capitale. «Aziz ne veut pas détruire la police ; elle ne le peut pas d’ailleurs, par rapport à la notion même de république, mais il peut la clochardiser ; et c’est ce qu’il a fait avec brio» rapporte l’inspecteur.

C’est le même Aziz créateur du tout-puissant BASEP chargé d’assurer à la base la sécurité de Taya, et qui s’est révélée avec le temps une véritable armée dans l’armée. Que Sidioca a voulu briser, avec le succès qu’on lui connaît.

«Mohamed Morsi s’est retrouvé dans la même situation en Egypte, et il a su faire ce que Sidioca aurait dû faire dès la première semaine de son élection : vider tous les généraux. Ces derniers n’auraient rien pu faire alors, Sidioca bénéficiant alors de son aura de président élu incontestablement» estime Saleck Ould Sidi Mahmoud, rapporteur du budget à l’assemblée nationale.

 

Gabegie hier, gabegie aujourd’hui

Un des grands thèmes de la campagne présidentielle de Mohamed Ould Abdel Aziz était la lutte contre la gabegie qui a mis à genoux, voire allongé, l’économie de la Mauritanie. Deux ans et demi plus tard, celle est à son comble et atteint un niveau «inimaginable». Que ce soit par les actes du président lui-même qui confond biens publics et biens privés, qui déloge l’ambassadeur mauritanien de sa résidence pour ensuite y faire des travaux d’une valeur d’environ 200.000 euros, avant d’y loger son épouse, qui y demeure presque la moitié de l’année, ou que ce soit par ses proches qui peuvent bénéficier de plusieurs salaires publics en même temps.

C’est le cas, d’Isselkou Ould Izidbih (e-recteur de l’Université de Nouakchott), qui a longtemps touché deux salaires dont celui de 400.000 UM à l’université, en plus de son salaire comme directeur du cabinet du Président », révélait le député de l’opposition Ould Moïne il y a quelques mois. Ou encore celui du ministre d’Etat chargé de l’éducation, Ahmed Ould Bahia,qui lui aussi touche deux salaires : 400.000 UM en tant que professeur à l’université et 1.600.000 UM comme ministre.

Quand la présidence de Sidioca touchait à sa fin, 50 millions de dollars avaient été gracieusement et discrètement offerts à la Mauritanie par l’Arabie Saoudite, dans le but de renforcer ses forces sécuritaires. Depuis le coup d’état, ils ont disparu comme par enchantement…

Les exemples peuvent être ainsi multipliés, avec un des points d’orgue l’an passé, le contrat léonin passé avec POLY Hong Dong dans le domaine halieutique.

L’opacité dans l’attribution des marchés est pire, aux dires même de la commission centrale des marchés, en début d’année 2012.

 


Noyer le poisson de l’audiovisuel

Censure, interdiction, emprisonnement, saisie de matériel, étaient le lot des journalistes et des médias sous Taya.

Si l’émancipation de la presse indépendante est relativement récente et sa liberté consacrée durant la transition, aujourd’hui cette liberté est certes totale, mais celle qui permettrait au plus grand nombre d’y accéder, résiderait dans une vraie opérationde libéralisation des ondes surtout audio. Depuis la pseudo-libéralisation des ondes de l’an passé, les acteurs mêmes du système réclament une ouverture totale des ondes radio.

«C’est le seul média le plus à même de toucher en même temps la plupart des mauritaniens ; vous trouvez des radios chez tout le monde, même à l’intérieur, dans les hameaux. Au lieu de cela, on annonce déjà la distribution de licences télé, après deux déjà accordées. Or le système démographique et économique mauritanien permet à peine la survie, et on ne parle même pas de rentabilité, d’une, voire extrêmement difficilement, de deux télévisions, qui sont aujourd’hui en réalité des instruments poussés de propagande pour l’état. La récente affaire liée à la ligne éditoriale, qui a débouché sur le licenciement de l’ancien DG de Sahel TV, Bah Ould Saleck le prouve» analyse longuement un spécialiste des médias.

D’aucuns y voient la méthode néo-transitionnelle d’Aziz, pour, à défaut d’interdire, cela étant devenu impossible, de noyer le poisson. Et ça marche pour le moment. En attendant la libéralisation des radios, la seule réellement importante.

 

Le racisme d’état continue

Le racisme d’état était dénoncé avec force au temps du dictateur déchu, et avec raison. La transition avait débuté en donnant l’impression rafraichissante que la citoyenneté et le mérite allaient enfin primer. Cet élan a été brisé net par Mohamed Ould Abdel Aziz, justement entouré des idéologues baathistes et bassement racistes qui avaient l’oreille de Maouiyaa à partir de la fin des années 80.

Et après la question des langues dans l’éducation nationales, l’arabisation galopante de l’administration en cours, éjectant de facto une large frange de la population mauritanienne, notamment noire.

Les nominations mono-communautaristes qui ne sont même plus voilées, les sorties pro-arabes complexées, de dames comme Aïchetou VERGES, ou encore la ministre d’aucune culture, qui parle à peine arabe, et qui a étudié à Lille, Cisse Mint Boyda, nouvelles chiennes de gardes d’une idéologie de cloisonnement.

L’attribution exclusive des licences audiovisuelles à des maures, la propagande de masse (dans l’affaire de l’incinération des livres de rite malékite), et le négationnisme de l’esclavagisme en Mauritanie, le recensement qui comptait redéfinir arbitrairement l’attribution de la nationalité mauritanienne, et qui aurait peut-être réussi sans le combat initié par TPMN, sont autant de faits sociaux qui démontrent le fourvoiement d’un système qui renoue avec ses vieux démons.

 
Mamoudou Lamine Kane
 
Source  :  Noor Info le 17/12/2012{jcomments on}
 
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