Nouvelles d’ailleurs: De l’art de l’oxymore

(Crédit photo : Nathalie Duvarry)

Ça sent les élections à plein nez les Z’enfants. En ordre de batailles plus ou moins efficaces, le monde merveilleux et enchanté de notre politique rimienne affûte ses armes, répète ses gammes, ajuste, rapièce, pointe, ajoute, retire, invente, recycle et j’en passe.

Le dernier avatar est l’apparition tambour battant d’une nouvelle union politique.
Et comme en politique, le parricide symbolique fait partie des stratégies, cette nouvelle union se proclame, rien que ça, « Union des forces de la majorité présidentielle », grillant allégrement la politesse à l’actuelle majorité présidentielle et à l’UPR.
Nous voilà donc les heureux gagnants de la loterie très couleurs locales du « plus azizien que moi tu meurs ».
A ma gauche les « aziziens » canal historique, démineurs et poseurs de bombes à usage de l’opposition et, à ma droite « les aziziens non alignés », si tant soit peu que l’on puisse aligner « aziziens » et « non alignés ».
Bel oxymore (à savoir mettre dans une même phrase 2 mots de sens radicalement opposés) que voilà! Je reconnais que ces « nouveaux » arrivés en politique « je me mets en ordre électoral », ne se sont pas définis comme « non alignés »; mais, ma petite cervelle faisant tout le boulot à ma place, ça sent le règlement de comptes tout ça, la gifle assénée à l’UPR et aux « anciens » de la majorité présidentielle et l’ouverture de la chasse aux voix, avec pour seul et unique but, ne pas déplaire, ne pas perdre, se montrer, préparer des lendemains radieux recevoir la bénédiction du chef.
J’attends avec impatience l’ouverture officielle des prochaines campagnes électorales, histoire et d’alimenter ma chronique, et de me marrer : qui aura le dernier mot, qui sortira la phrase la plus louangeuse, qui chantera le plus fort, qui récitera tel le fort en maths de la classe la liste des multiples réalisations de notre sultan, qui fera le buzz dans les salons, qui atomisera le plus vite l’opposition, etc….
Il n’y a que chez les Nous Z’Autres que la politique peut avoir ces visages multiples. Il fut un temps où nous avons eu droit aux éphémères « politiques indépendants », là aussi oxymore de génie. Pensez donc : fallait être très intelligent pour faire avaler aux imbéciles que nous sommes que « politiques » et « indépendants » ça coulait de sens! Il y en a qui y ont cru…. Les pauvres.
Puis nous avons eu droit au « Président des pauvres » : comme si Président et pauvres allaient de pair. Nous avons adoré cet oxymore là, d’une « obscure clarté » (oxymore tiré du CID de Corneille). Puis nous avons surfé et surfons toujours sur la vague « dialogue inclusif ».
Nous avons aussi eu droit à « l’armée républicaine », bel oxymore à la sauce couscous pour qui connait un peu les relations entre armée des Nous Z’Autres et politique…. Alors, pour les futurs candidats, pour tous ceux qui se rêvent un destin politiqu
e, pour ceux qui, en se rasant, se voient présidents, pour celles et ceux qui s’imaginent déjà soit maires, soit députés, soit sénateurs, soit président, ou tout à la fois, voici quelques exemples d’oxymores à utiliser dans vos communiqués de presse et lors des meetings. Vos laudateurs n’y comprendront que dalle mais vous prendront pour des champions intellectuels, ce qui est déjà un bon début.
Vous êtes d’une ou l’autre majorité présidentielle, quand vous attaquerez l’opposition, glissez le mot de Molière « Jeunes vieillards ».
Vous êtes de l’une des oppositions, vous pouvez, en parlant des « majorités » multiples et variables, vous gausser en les traitant de « Nains géants » (Victor Hugo).
Vous êtes « indépendants politiques », faites dans la culture devant les yeux ébahis de vos fans en sortant, au détour d’une envolée lyrique : « la terre bleue comme une orange » (Paul Eluard). Ne vous inquiétez pas, personne ne comprendra quelque chose mais qui a dit qu’en meeting et en campagne vous vous deviez d’être intelligibles? N’oubliez pas : vous vous adressez aux Nous Z’Autres : ce n’est donc pas la peine de nous prendre pour des surdoués.
Vous pouvez, de quelque bord que ce soit, utiliser aussi les oxymores suivants, aux temps que vous voulez, mixer passé, présent, futur, conditionnel et plus que parfait : « un bordel organisé », « un silence éloquent », « à l’insu de mon plein gré », « l’intelligence des imbéciles », « c’est parti pour rester »….
Si vous êtes malins, vous ajoutez un peu de langue de bois « oxymoré ». Exemple : « dans notre pays de bordel organisé, où l’intelligence des imbéciles prévaut, dans le silence éloquent de nos gouvernants, dans ce monde de nains géants, notre volonté farouche de sortir notre pays de la crise a pour conséquence obligatoire l’urgente nécessité d’un projet porteur de véritables espoirs… » etc, etc….
Mais n’oubliez surtout pas, et ceci s’adresse aux 2 majorités présidentielles, qu’au dessus il y a votre chef et « qu’un chef ça doit cheffer » (Merci Jacques Chirac!); et que le chef actuel, il « cheffe » grave. Il le dit lui même donc ce n’est pas la peine de m’emprisonner pour cela; je ne fais que répéter les paroles royales.
Et si vous êtes pris en flagrant délit de trop d’ambitions, servez vous du « à l’insu de mon plein gré », ça peut vous éviter les foudres présidentielles.
Bref : « hâtez-vous avec lenteur » (La Fontaine), mais soyez lents avec vitesse.
Et prenez nous pour des « imbéciles intelligents », nous adorons ça…..
Pour terminer, si je vous dis que j’ai écrit cette chronique « à l’insu de mon plein gré », vous me croirez?
Salut.

Mariem mint DERWICH

Source  :  Le Calame le 13/12/2012{jcomments on}

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