La Mauritanie, Vice-présidente du Conseil des droits de l’Homme : Promotion ou compromission ?

(Les Nations Unies à Genève. Crédit photo : anonyme)

La Mauritanie, qui n’a pas encore totalement soldé son passif humanitaire ni appliqué encore ses textes sur l’abolition de l’esclavage, et les Iles Maldives, qui dit-on prévoit la peine de mort pour ses ressortissants qui renonce à la fois musulmane, ont été élus, lundi 10 décembre dernier, à la vice-présidence du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Est-ce réellement pour les récompenser pour les avancées accomplies dans le domaine ou pour les obliger à solder leurs passifs sur ce plan ? Promotion ou compromission ?

Lundi soir, à l’occasion de la célébration de la journée internationale des droits de l’homme, le plateau de la télévision de Mauritanie avait reçu une bonne brochette de personnalités concernées par cette thématique qui continue de diviser. En effet, si d’une part, la Mauritanie officielle affirme avoir réalisé des progrès « grandioses » en matière de droits humains, de l’autre, la Mauritanie des défenseurs continuent de croire que beaucoup reste à faire. Le seul « téléspectateur », naïvement invité dans les débats, n’était autre que l’ambassadeur de la Mauritanie à Genève. Le temps de bomber le torse, la rhétorique de Cheikh Sid’Ahmed Zahav, pleine de suffisance, pouvait ainsi surfer sur cette vice-présidence du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, comme si ce titre pouvait à lui seul absoudre les griefs portés contre la Mauritanie dans ce domaine précis. D’ailleurs, le débat était houleux, avec l’anti-esclavagiste Boubacar Ould Messaoud furieux contre le nihiliste Me Ichidou, ou encore cette anicroche entre la Noria des défenseurs des droits de l’homme, Aminetou Mint Mokhtar et le très « rangé » Sy de Covire. Cette organisation sensée défendre les intérêts des veuves et des orphelins des évènements de 89-91, vit d’ailleurs une profonde partition, entre l’aile du pouvoir et les irréductibles, insatisfaits des solutions aseptisées de Mohamed Ould Abdel Aziz.

Pour la plupart des défenseurs de l’homme, interrogés au sujet de cette nomination de la Mauritanie, c’est un cadeau empoisonné. Il ne serait accordé en fait à certains pays que pour les encourager à mieux faire. En effet, ce poste les pousse à mieux soigner leurs images, étant entendu que le bon exemple commence toujours par là. Il est déplacé d’être président ou vice-président d’un Conseil des droits de l’homme de cette envergure et se permettre de commettre des forfaitures contraires aux principes. Ainsi, loin d’être une sinécure, il s’agirait plutôt d’un ferrage. Dorénavant, la Mauritanie se verrait mal traîner devant l’opinion publique internationale pour avoir permis l’impunité à un maître esclavagiste pris en flagrant délit, ou de mater une manifestation, encore moins de procéder à des arrestations arbitraires ou de tolérer des actes de tortures.

Ainsi, cette nouvelle promotion de la Mauritanie au sein du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, peut à la longue réjouir encore plus les opposants, les mécontents, les frustrés, les bannis, que le pouvoir lui-même. Alors que les damnés du pays peuvent dorénavant se permettre de crier leur hargne sans beaucoup de risques d’être brutalisé, le pouvoir ne tire de sa nouvelle position qu’un substantiel satisfecit moral.

Cette analyse n’enlève cependant en rien les importants progrès accomplis par la Mauritanie dans le domaine des droits de l’homme. La Mauritanie est en effet l’un des rares pays arabes où la liberté d’expression est respectée et consacrée dans les textes et dans la pratique. La liberté d’opinion et de rassemblement sont également plus ou moins garantie, bien que des manifestations de l’opposition ou de certaines organisations soient souvent interdites ou entravées. De gros efforts ont été également accomplis pour soigner les séquelles de l’esclavage, avec l’accès à la propriété foncière et le financement de micro-projets. Mais sur le plan de la lutte contre l’esclavage, la volonté politique reste encore très en deçà des attentes, avec un clergé qui semble dormir dans ses convictions. L’égalité des chances et d’accès à certains emplois restent encore l’apanage d’une seule communauté, à l’exclusion de plusieurs autres. C’est le cas de certains corps, comme la justice, l’administration territoriale, les forces armées et de sécurité…

Le passif humanitaire n’est pas encore totalement soldé, même si d’importants jalons ont été posés, comme le retour des rapatriés, la réinsertion des anciens fonctionnaires et le versement des droits. Beaucoup d’autres aspects restent insatisfaits, comme la rétrocession des terres ancestrales et le devoir de justice. Les Mauritaniens doivent ainsi se saisir de l’opportunité que le pays soit hissé à un tel niveau de représentativité au sein du Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour conquérir davantage d’espaces dans le domaine du respect de leurs droits.

Cheikh Aïdara

Source  :  L’Authentique le 13/12/2012{jcomments on}

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