Les Maliens tentent de reprendre langue à Ouagadougou, sous la conduite du médiateur Blaise Compaoré, président du Burkina Faso. Reste à savoir si la négociation est encore à l’ordre du jour dans ce conflit fratricide, les passions s’étant exacerbées ces derniers temps.
Les retrouvailles de Ouagadougou tendent à montrer que, contrairement aux apparences, le rapport des forces change continuellement de camp.
Lorsque le Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon,a révélé qu’il désapprouvait le choix de la guerre, l’on avait cru que sa prise de position ferait baisser la tension. Elle semble plutôt avoir eu pour effet d’indigner les Africains et de les remotiver face au risque que fait courir le terrorisme sur le continent.
En plus du Niger, le Tchad se dit désormais aux côtés du Mali agressé. Qui sait donc si l’armée malienne ragaillardie et les forces africaines coalisées vont continuer à jouer aux attentistes encore longtemps?
Négociations ou querelles de chiffonniers?
Les hostilités pourraient dégénérer, puisque tant dans le camp gouvernemental malien que dans celui de la rébellion, on se perd dans des querelles de chiffonniers.
A Bamako, au sein de la classe politique et dans l’opinion, la division apparaît comme étant la chose la mieux partagée. Les Maliens, toutes tendances confondues, nous ramènent longtemps en arrière, aux temps forts de la crise ivoirienne.
L’on revoit les protagonistes se regardant en chiens de faïence, après avoir signé des documents et entonné ensemble l’hymne national. Mais, en Côte d’Ivoire, l’évolution de la situation avait fini par voir émerger deux camps: les partisans de Gbagbo, et les Houphouëtistes.
Dans l’exemple malien, il n’y a pas deux, mais trois parties, elles-mêmes en proie à des dissensions internes. Il y a d’abord la partie gouvernementale qui se présente lézardée. En effet, le gouvernement de Dioncounda Traoré doit faire face aux tergiversations qui caractérisent la classe politique à Bamako, et savoir ménager son opinion. Il marche donc sur des œufs.
Vient ensuite la rébellion qui est très divisée. On y distingue ceux qui veulent une partition du territoire malien, et ceux qui tentent depromouvoir la charia sur l’ensemble du même territoire.Voilà une rébellion à saveur particulière et qui amène à douter de la bonne foi des acteurs rebelles.
Car, tout en se disant prêts au dialogue, ils ne font rien pour convaincre l’opinion africaine qu’ils vont renoncer à la partition du Mali et à l’application de la charia. Tout ce qu’ils envisagent de faire, est, en effet, contre la République.
Dans une Afrique qui change et qui interpelle dorénavant les pouvoirs publics, il est déplorable que des gens qui prétendent défendre l’intérêt des peuples, songent plutôt à nous ramener en arrière. L’Afrique de l’Ouest n’a nullement besoin de régimes théocratiques. Et il est hors de doute que le citoyen lambda, désormais conscient de ses droits et devoirs, se laissera dominer par des illuminés.
Il faut d’abord que le MNLA et Ansar Dine s’entendent
Des tentatives avaient été menées pour trouver un terrain d’entente entre Ansar Dine (les défenseurs de la foi) et le MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad). La montagne accoucha d’une souris. Comme pour montrer qu’ils ne sont pas faits pour s’entendre de sitôt, les deux organisations ont, d’ailleurs, croisé le fer ces derniers jours, faisant encore des victimes maliennes, de pauvres gosses qui se sont laissés instrumentaliser par des hommes aux ambitions politiques démesurées.
Par conséquent, la rébellion doit apprendre à cheminer jusqu’à trouver un compromis en son sein. Une lutte titanesque dans laquelle nul ne veut y laisser ses dents.
Curieux attelage en effet que celui composé de Ansar Dine et du MNLA! Si lors des négociations, l’idée de l’autonomie vient à passer, la zone déterminée demeurera-t-elle laïque ou y appliquera-t-on la charia? Qui du MNLA ou d’Ansar Dine osera finalement jouer au cheval de Troie pour que soient boutés hors de la région ouest-africaine les groupes islamistes radicaux?
En attendant, la rencontre de Ouagadougou constitue incontestablement un pas dans la bonne direction. Il y a une certaine avancée dans la médiation puisque, d’une part, le gouvernement malien a accepté de venir à la rencontre de Ouagadougou et, d’autre part, la rébellion touarègue se dit prête à négocier. Sauf qu’on ignore encore si elle acceptera de renoncer à ses prétentions.
Toutefois, ce premier pas est à saluer, vu les positions radicales et les tergiversations des uns et des autres. Or, un accord suppose l’existence de deux parties qui négocient pour y arriver. Autrement dit, deux signataires- le gouvernement malien et un groupe rebelle-, pourraient émerger et entériner un premier accord de Ouagadougou.
Cela, quitte à s’associer pour combattre plus tard le récalcitrant. Lequel des deux groupes rebelles se hasarderait-il alors à jouer plus longtemps les trouble-fêtes? «Wait and see», comme disent les Anglais!
Négocier à trois, une tâche compliquée
A moins que les Maliens ne parviennent, par une opération de prestidigitation, à démontrer qu’il est bien possible de négocier à trois, et d’aboutir à un accord, avec l’aide de la médiation. Un vrai défi! Venus en ordre dispersé à Ouagadougou, il leur faut éviter de compliquer davantage la tâche au médiateur de la Cédéao.
Mais les négociateurs ont intérêt à ne pas faire du surplace à Ouagadougou. Cela pourrait inciter les soldats à ouvrir le feu, avec les risques qui vont avec.
Pour éviter que la guerre ne prenne le dessus, il convient de travailler dur. Car, aux divergences politiques et idéologiques, s’ajoutent des divergences d’ordre religieux. A chacun donc de s’efforcer de mettre un peu plus d’eau dans sa théière.
Mieux vaut se calmer et négocier sérieusement la paix et l’entente autour de l’essentiel: la préservation de l’intégrité du territoire national et l’unité du peuple malien. Il ne sert à rien de faire du brouhaha, de tenter de divertir l’opinion en désignant des boucs émissaires pour masquer ses faiblesses. Les habitants du Nord-Mali sont fatigués de subir autant la répression que les propos démagogiques.
En ce qui les concerne, le médiateur de la Cédéao et son équipe ont l’expérience des difficultés dignes d’Hercule, le légendaire héros de l’antiquité gréco-romaine. Il leur faudra cependant redoubler d’efforts afin de déboucher sur du concret: un accord qui arrange tout le monde, et que chacun, au-delà des engagements, se fera fort de respecter sur le terrain.