Mali: Les femmes disent non à la guerre (Lettre des Affaires Internationales du PCF)

Carte du mali selon le ministère français des affaires étrangèresUn appel a été lancé à l’initiative de la féministe Aminata Traoré et de nombreuses personnalités maliennes pour s’opposer à l’intervention militaire étrangère au Mali. Elles dénoncent l’instrumentalisation des « violences faites aux femmes pour justifier l’ingérence et les guerres de convoitise des richesses de leurs pays ». Vendre la guerre au nom de cette instrumentalisation est « moralement indéfendable et politiquement intolérable ».

Les femmes maliennes ont décidé de le « faire savoir » et de s’opposer à cette guerre par procuration. Elles appellent « à réagir et à lutter contre les trois formes de fondamentalisme : le religieux à travers l’islam radical ; l’économique à travers le tout marché ; le politique à travers la démocratie formelle, corrompue et corruptrice», qui favorisent toujours un peu plus la négation des droits humains. Dans un premier temps, cet appel souligne le « déni de démocratie ». La demande « de déploiement de troupes africaines au nord du Mali, transmise par la Communauté des états d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine aux Nations unies, repose sur un diagnostique délibérément biaisé et illégitime ». Cette intervention militaire« n’est fondée sur aucune concertation nationale, ni au sommet, ni à la base ».

De plus, une offensive armée a toutes les chances d’aggraver la vulnérabilité des femmes et de renforcer l’insécurité. Les femmes maliennes alertent« les cas de viols que nous déplorons dans les zones occupées du Nord de notre pays risquent de se multiplier avec le déploiement de plusieurs milliers de soldats. à ce risque, il faut ajouter celui d’une prostitution plus ou moins déguisée qui se développe généralement dans les zones de grande précarité et par conséquent les risques de propagation du Sida ». Il est nécessaire, pour les signataires, « que soit pris en compte dans le plan d’intervention militaire sur lequel le Conseil de Sécurité va se pencher, de prévoir des moyens de mettre réellement les femmes et les fillettes du Mali à l’abri de ce type de situation désastreuse ».

Les femmes subissent déjà « la division sexuelle des tâches », les confrontant « au niveau domestique à l’énorme difficulté d’approvisionnement des familles en eau, nourriture, énergie domestique, médicaments». L’option militaire est un « remède qui a toutes les chances d’être pire que le mal alors qu’une alternative pacifique, émanant de la société malienne, civile, politique et militaire, sera constructive ». Ces femmes maliennes rappellent que la communauté internationale est déjà très divisée sur toute intervention militaire. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, exprime sa réserve à tout déploiement militaire en rappelant que la guerre « est une violence extrême contre les populations civiles, dont les femmes ». Pris en otage par des acteurs politiques et institutionnels extérieurs, les Maliennes et Maliens subissent de plein fouet un « système économique et politique inégalitaire et injuste qui excelle dans l’art de briser les résistances à coup de chantage au financement ». Non ! à la guerre par procuration, car « celle-ci s’inscrit dans le prolongement de celle d’Afghanistan ».

Les signataires dénoncent « la destitution de leurs droits au nom de la distribution des rôles entre la France, la CEDEAO, l’Union africaine, l’Europe et l’ONU ». Le Sahel, zone d’influence de la France, est mis sous tutelle par celle-ci et « sous-traite la violence militaire à la CEDEAO ». Pourquoi les « puissants de ce monde qui se préoccupent tant du sort des femmes africaines ne nous disent pas la vérité sur les enjeux miniers, pétroliers et géostratégiques des guerres ? ». Les signataires « opposent l’économie de la guerre à l’économie de la vie, en faisant de la transition en cours une occasion historique de relever le triple défi du savoir, de la citoyenneté et du dialogue ». Elles appellent à « la concertation nationale pour permettre à la société malienne dans son ensemble de se retrouver et de définir elle-même les bases et les conditions d’une solution concertée au conflit présent ». Un appel international est lancé « à toutes celles et à tous ceux qui partagent notre approche d’interpeller immédiatement les principaux acteurs de la communauté internationale, par écrit ou sous toutes autres formes d’expression, en plaidant pour que le Conseil de Sécurité n’adopte pas une résolution autorisant le déploiement de milliers de soldats au Mali ».

Signataires :
Aminata D. TRAORE ; SISSOKO Safi SY ; SANOGO Sylvie KONE ; IMBO Mama SY ; Kadiatou TOURE ; TRAORE Sélikèné SIDIBE(Vieux) ; DICKO Rokia SACKO ; Ténin DIAKITE ; DOUMBIA Fanta DIALLO ;KONE Mamou TOURE ; TRAORE Sarata SANOGO ; TRAORE Penda DIALLO ; DIABATE Kadiatou
KOUYATE ; Aminata BOCOUM ; Oumou KODIO ;Assatou KAREMBE ; Awa KOÏTA ; Aminata DOUMBIA ; Fatoumata COULIBALY ; Badji BOIRE ; Awa TOURE ; Bintou KONE ; Fatoumata MARIKO ; Mariam KONE ; Minata DIARRA ; Oumou KEITA ; Kadiatou DIALLO ;Kankou KONE ; Rokia NIARE ; Kadia DJIRE ; Ada NANTOUMA; Awa COULIBALY ; Soungoura DOUMBIA ; Fanta KANTE; Safiatou COULIBALY ; Djaba TANGARA ; KONE Mama DIARRA ; Ismael DIABATE ; Karamoko
BAMBA; Doumbi FAKOLY; Coumba SOUKO ; Clariste SOH-MOUBE ; Nathalie M’DELA-MOUNIER

Par Marine Malberg

Collectif Afrique

Source: Revue des relations internationales du PCF, numéro de novembre 2012

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