La situation – très compliquée – que traverse la Mauritanie depuis la blessure par balle et l’évacuation en France du président Mohamed Ould Abdel Aziz commence à peser sur tout le monde.
Pas seulement sur les citoyens, qui commence à se poser des questions sur la » nature « du pouvoir, sans la présence d’Aziz, mais aussi sur les hommes politiques eux-mêmes.
Après la proposition de larges concertations formulées par la Coordination de l’opposition démocratique (COD) pour une sortie de la crise rendue plus complexe par la maladie du rais, le parti au pouvoir, l’Union pour la République (UPR) vient d’annoncer, à son tour, » toute sa disposition au dialogue sans exclusive « . Seulement, les deux » forces politiques « ou jugées comme telles, sont loin d’être sur le même diapason. Alors que la COD manœuvre, fermement pour pousser vers une sorte » d’état généraux de la démocratie « susceptible de reconnaitre l’état de vacance du pouvoir, et donc le retour aux urnes pour rattraper le » temps perdu « (municipales et législatives) mais avant termes pour la présidentielle, l’UPR continue à faire comme si rien n’a changé. Pour le parti au pouvoir, le président est en France certes pour raison de maladie, mais il continue à gérer le pays.
Toutes négociations futures dont risque de buter sur cette incompréhension. L’UPR qui tient d’abord à gérer la situation jusqu’au retour d’Aziz, balaie d’un revers de la main les » allégations « de la COD arguant que cette dernière n’est pas en mesure de présenter un texte de loi qui montre qu’il y a, réellement, vacance du pouvoir. Une nouvelle attitude qui montre que la crise prend une autre tournure, pas plus, mais l’espoir déçu de voir la classe politique penser, réellement, à sortir d’une situation qui est loin d’être » normale « .
Et ce n’est pas l’ouverture de la session ordinaire du parlement, lundi, qui va y changer quelque chose. Tout au plus, les soutiens du pouvoir pourront ajouter une autre corde à leur arc, en disant que la gestion du pays est normale puisque les » institutions de la République « fonctionnent sans heurts. Ce serait alors oublier que, depuis cinq semaines, il n’y a pas de conseils des ministres, donc pas de projets de loi à discuter ou à présenter aux parlementaires. Une situation équivoque qui pourrait amener les députés » à lever la séance « et à attendre que l’Exécutif retrouve ses esprits pour pouvoir reprendre ses activités.
La sécurité d’abord
Tous les mauritaniens s’accordent sur une seule chose : les perturbations » atmosphériques « au niveau politique n’ont heureusement pas eu d’effet sur la sécurité intérieure et extérieure du pays. On peut même dire que les généraux » assurent « , à tel point qu’ils auraient aménagé dans leurs bureaux en attendant de voir évoluer une situation générale à visibilité peu claire. Seulement, les choses ne peuvent continuer de la sorte. Les mauritaniens commencent à être exacerbés par cette absence-présence du président, qui ne se manifeste que par coups de téléphones à des personnalités triées sur le fil. D’autant que la déclaration de guerre aux groupes islamistes armés présents dans le nord Mali, aux frontières est et sud-est de la Mauritanie est imminente. La décision d’envoyer quelque 3300 militaires de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) dans la zone ne sera pas accueillie à bras ouverts par les gaillards d’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), du Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’ouest (MUJAO) et par Ançar Edine.
D’ailleurs, le chef de ce dernier mouvement vient d’envoyer une sévère mise en garde à tous les peuples de la sous-région dans ce qui ressemble bien à une action de propagande destinée à mettre les opinions publiques nationales contre leurs dirigeants.
Pour ce chef de guerre habituellement très réservé, et dont le mouvement contrôle une bonne partie du nord Mali, la guerre pour laquelle œuvrent les Africains » aura des effets négatifs sur tous les peuples de la sous région « . Iyad Ghali, dont c’est le premier grand entretien depuis que les islamistes contrôlent le nord Mali accuse le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, d’être » responsable entièrement de la situation à laquelle peut conduire la décision prise dimanche par les Africains d’envoyer une force militaire au nord Mali « .
En ce qui concerne les solutions proposées, Iyad Ghali, affirme que celles proposées de façon unilatérale ne sont pas bonnes et qu’Ançar Edine » refuse les soumissions « et cherche à ce qu’il y ait » une solution globale résultant de larges concertations entre toutes les partis concernées « .
Du côté de Nouakchott, cette mise en garde ne doit pas être négligée. Pour diverses raisons. D’abord, la guerre déclarée à AQMI, il y a un peu plus d’un an, peut raviver des souvenirs de vengeances au niveau de jihadistes obligés maintenant de jouer leur va-tout. Ensuite, la Mauritanie, plus que certains pays, a des liens très solides, sur le plan démographique et social, avec les habitants de cette province de l’Azawad. Il n’est pas évident qu’une fois la guerre déclarée, l’on ne soit pas soumis à un flux plus grand de populations fuyant la guerre. Un souci de plus qui sera encore plus grand si, d’ici là, on reste dans la situation de » précarité politique actuelle « .
Sneiba Mohamed
Source : L’Authentique le 15/11/2012{jcomments on}
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