Infrastructures administratives : Le visage blafardé de l’Etat

(Un centre d'enrolement des citoyens à Nouakchott. Crédit photo : Al Akhbar)

La grandeur et le respect de tout Etat réside en grande partie dans ses apparats, tels la majesté de ses bâtiments, l’aisance de ses fonctionnaires, la qualité de son parc automobile. Bref, dans ce superflu extérieur qui force l’admiration et donne toute la force dominatrice à son administration. En Mauritanie, le miroir est renversé.

L’Etat, ce sont des bureaux décatis, un parc automobile vieillissant, des fonctionnaires déteints, des salles aux peintures fades et à la propreté douteuse.

Au contraire des pays où la force de l’Etat est au cœur des préoccupations, la Mauritanie offre l’image renversée d’une administration remisée. Les maisons des fonctionnaires sont dix milles fois plus luxueuses que les administrations dans lesquelles ils évoluent. Promenez-vous à Nouakchott, une ville qui concentre les trois quart de la population mauritanienne. Les préfectures à un étage et à l’architecture de basse-cour ne peuvent nullement rivaliser avec les buildings des particuliers qui leur font face. Les commissariats de police sont tous des horreurs architecturales, avec cette peinture à la terre cuite qui leur donne une tristesse navrante. Les ministères sont encore pires. De vieilles antiquités logées dans ce qui reste des anciens Blocs, d’infinis couloirs étroits, des bâtiments d’un autre âge, où deux personnes ne peuvent évoluer de front.

En Mauritanie, un pays qui se gausse de ses richesses et de ses ressources, certains préfets ont besoin souvent que leurs voitures soient poussés pour démarrer. Avec un budget de fonctionnement d’1 million d’UM, comment d’ailleurs voulez-vous que ces pauvres bougres travaillent. Reluquez un peu du côté des ministères de prestige comme le ministère de l’Intérieur, celui de la Défense, le ministère de l’Education Nationale, celui de la Fonction Publique…Ces bâtiments sont-ils dignes d’un Etat qui se respecte ? Pourtant, on trouve les moyens de rénover les Etats-majors de l’armée dont chacun multiplie les chantiers chaque jour que Dieu fait. Et le ministère du Développement Rural ? Certains n’en voudront même pas comme cabinet médical. Que dire de la Direction de l’Elevage, du ministère chargé de l’Environnement, ou encore de la Direction de l’Assainissement ? Avec de tels bâtiments décatis, comment le citoyen lambda ou le visiteur de passage que l’on n’a pas honte de promener dans ces vieilleries, pourraient-ils respecter l’autorité de l’Etat mauritanien ?

Pourtant, les fonctionnaires et les dignitaires de l’Etat ne se plaisent que dans des demeures de rêve et des châteaux dont certains sont construits à cent pour cent avec du matériel importé. Chacun cultive son chez soi, et tant pis pour l’image de l’Etat. Personne ne se sent concerné, sauf par sa propre possession. Le bien collectif continue ainsi d’avoir en Mauritanie un piètre intérêt pour les responsables mauritaniens qui ne s’émeuvent ni ne sentent le moindre pincement de jalousie quand dans leur pérégrination à travers le monde, ils voient comment les autres nations cultivent chez eux l’esprit de l’Etat.

L’idée de rénover ou de construire de nouveaux sièges dignes, est d’ailleurs loin des concepteurs des budgets nationaux, qui ne pensent qu’aux dépenses courantes de fonctionnement. Un travail d’envergure pour restaurer l’image de l’Etat mauritanien à travers un plan architectural général pour la recomposition du Patrimoine de l’Etat s’impose. La dynamique engagée avec la construction d’un nouveau siège pour la Primature et un autre pour le ministère des Affaires étrangères doit se poursuivre. Les préfectures actuelles doivent toutes êtres rasées et reconstruites de manière à ne pas permettre que de simples bâtiments construits en face par des particuliers puissent narguer l’autorité de l’Etat. Il est temps également que la situation des hauts responsables soit reconsidérée. Il est en effet inacceptable pour l’image de l’Etat de voir un préfet ahaner dans une vieille bécane qui refuse le plus souvent de démarrer ou de voir un haut commis de l’Etat, suant au bord du goudron dans l’attente d’un hypothétique taxi.

Cheikh Aïdara

Source  :  L’Authentique le 15/10/2012{jcomments on}

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