Le paradoxe d’une situation  » économiquement bonne « 

(Mines de Guelb Moghrein. Crédit photo : anonyme)

Au moment où l’on parle d’une augmentation des salaires des fonctionnaires et agents de l’Etat, les débats sur la situation économique de la Mauritanie divisent, plus que jamais, partisans du pouvoir en place et militants de l’opposition.

Il ne s’agit plus seulement, comme il n’y a pas longtemps, d’une polémique entre la Majorité et la COD (Coordination de l’opposition démocratique), l’intervention de la Coalition pour une Alternance Pacifique (COD), sur la dernière augmentation du prix du carburant à la pompe, a remis en selle la fameuse Bipolarité.

Pour une fois, l’économie surclasse la politique. Le président de l’Assemblée nationale, et du parti Alliance populaire progressiste (APP), Messaoud Ould Boulkheir, et ses deux alliés de la CAP, Boidiel Ould Houmeid et Abdesselam Ould Bebana, n’apprécieraient pas forcément la politique menée par le pouvoir. Si, du point de vue politique, ils accordent de l’importance à la mise en œuvre des clauses d’un dialogue qui les lie depuis un an à Mohamed Ould Abdel Aziz, sur le plan économique et social, ils tirent à boulets rouges sur le gouvernement. Comme le fait la COD ! Une sorte d’’égalité donc entre les deux protagonistes de la crise qui secoue le pays depuis bientôt trois ans et dans laquelle Messaoud Ould Boulkheir a voulu jouer aux arbitres en lançant une initiative accueillie froidement par les deux camps.

C’est pour dire que tout ne dépend pas seulement de la réelle portée de l’augmentation des salaires annoncée. Il faut aussi que les populations qui subissent les effets pervers de cette augmentation donnant l’occasion aux commerçants à  » prendre les devants « , en majorant de manière inconséquente les prix des denrées de première nécessité, puissent sentir, réellement, les fruits de la croissance annoncée, et de la  » bonne  » santé économique que reflètent les indicateurs des institutions de Bretton Woods, notamment ceux du FMI, qui a délivré récemment un satisfecit sans équivoque à la Mauritanie.

On s’attend également à ce que les programmes de développement souvent cités ne s’arrêtent pas seulement aux effets d’annonce. Qu’en est-il advenu, par exemple, du décaissement, sur trois ans, de quelque 330 millions de dollars US (environ 89 milliards d’UM), annoncés par le président Mohamed Ould Abdel Aziz à Néma, lors de son déplacement pour le lancement de projets de développement ?

Il y a un an, on avait dit que c’était de bons augures, pour l’année 2012 qui commençait mais des craintes étaient nombreuses de voir perdurer la situation de crise dont les conséquences sur le mode de vie des populations sont visibles à l’œil nu.

Une manière de dire que la situation financière du pays est équivoque : Les financements arrivent, c’est certain, mais la misère s’accentue de jour en jour. Les populations ne cachent plus leur désarroi face à l’incapacité du gouvernement à bien gérer la manne provenant de l’aide publique au développement (APD) mais aussi des investissements directs étrangers (IDE).

Trop de programmes tue les programmes

Trop de programmes, tue les programmes, serait-on tenter de dire, pour paraphraser le dicton qui dit  » trop d’impôt tue l’impôt « . C’est une impression de dispersion généralisée qui empêche les mauritaniens d’avoir une vision claire de l’action du gouvernement qui ramène tout au programme électoral du président Aziz, sans que l’on sache, véritablement, par où commencer et où s’arrêter.

Au niveau de Nouakchott, l’orientation des investissements (sur financement de l’Etat ?) vers les infrastructures routières et les lotissements sociaux (pour mettre fin au phénomène des gazras) ainsi qu’à une supposée amélioration des services de santé ressemble à cette face visible de l’iceberg qui n’arrive pas à cacher l’océan de misère et de détresse de la plupart des populations vivant dans les quartiers périphériques de Nouakchott. Y compris ceux qui font la  » fierté  » du gouvernement considérant qu’ils sont l’antithèse de tout ce que les régimes précédents avaient entrepris dans le domaine de l’habitat social.

Les  » performances  » souvent évoquées par les ministres de la République ne peuvent servir de trompe la faim à des citoyens qui tirent le diable par la queue et ne comprennent plus rien à la propension de leurs gouvernants de tout regarder suivant le prisme déformant des données macroéconomiques et non de leur vécu.

Le riz, le sucre, le blé et l’huile coûtent tellement chers aujourd’hui que l’on ne prête plus attention à ces goudrons se voulant une pâle imitation de ceux des grandes villes d’Europe, d’Amérique, d’Afrique et d’Asie. Une telle « attraction  » (que les Nouakchottois ont pris l’habitude d’appeler  » les goudrons d’Aziz « ) n’attire plus les regards et les commentaires de ceux qui voyaient déjà les chantiers du  » changement constructif  » faire de leur capitale le New York de l’Afrique ! Surtout quand, en ces jours de pluie, l’on se rappelle que le fameux projet d’assainissement prend du retard et a tendance même à sortir de l’agenda du gouvernement !

Les misères de la vie, l’incapacité pour bon nombre de pères de famille de joindre les deux bouts, même quand ils versent dans le système D (chauffeurs de taxi, à mi ou plein temps, courtiers dans le monde compliqué de l’immobilier et des bourses de voitures), font dire à la plupart de ces  » damnés de la terre  » qu’il faut bien que le gouvernement change de fusil d’épaule et pense à l’essentiel.

Goudrons et nouvelles villes (Ribat El Bahr, Chami, Termessa, Nbeïket Lahwach, Rosso) peuvent attendre que passe la tempête. La sécheresse n’est plus certes là, pour donner l’espoir à la COD de créer plus de problèmes au pouvoir, mais le désenchantement de populations qui entendent chaque jour que l’économie  » marche très bien  » et qui manquent de tout, est la plus grande menace qui pèse sur le pouvoir. Sur la popularité d’Aziz, qui voit s’estomper, jour après jour, son titre de  » président des pauvres « .

Sneiba Mohamed

Source  :  L’Authentique le 25/09/2012

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