Economie : Querelles de chiffres

(Crédit photo : anonyme)

Lors du deuxième débat télévisé, passé par la TVM dans la nuit de samedi et mettant aux prises, Ahmed Ould Lafdal, le Monsieur économie du Rassemblement des forces démocratiques (RFD) et Mohamed Mahmoud Ould Javaar, secrétaire exécutif chargé des affaires politiques de l’Union pour la République (UPR),

parti au pouvoir, les chiffres de la Banque centrale de Mauritanie (BCM) brandis par le président Aziz, lors de son  » Direct avec le Peuple  » sont encore revenus dans les débats comme principal point de discorde entre le pouvoir et la COD (Coordination de l’opposition démocratique). Certes, Ould Lafdhal dit ne pas contester l’authenticité de ces chiffres – confirmée d’ailleurs par le Fonds monétaire international – mais dénonce avec force la lecture qui en a été faite.

Pour Ould Lafdhal, il ne restera pas grand-chose des 522 millions de la BCM si le gouvernement accepte de tenir compte des dettes en souffrance de l’Etat, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Et le  » champion  » de la COD de dénoncer une sorte d’amalgame faite autour de ces réserves qui sont une sorte de fourre-tout, comptabilisant les avoirs des autres (banques primaires, par exemple), entretenant la confusion autour d’un équilibre qui ne peut être obtenu que quand on aura d’abord assaini la situation au niveau des passifs de l’Etat. Attaqué sur cet aspect de l’honnêteté intellectuelle dont les responsables gouvernementaux doivent faire preuve, Ould Javaar passera à une longue énumération de chiffres (réalisations) pour dire que les données avancées par Ould Abdel Aziz ne sont pas aussi  » brutes  » que cela : 740 kilomètres de bitume réalisés et 1200 en cours, production d’électricité passée de 40 mégawatts en 2009 à 128 mégawatts aujourd’hui, financement du plan d’urgence  » Emel 2012  » à hauteur de 45 milliards d’UM, construction de nouvelles villes (Chami, Termesse, Rosso) et nette amélioration des services de santé avec la construction et l’équipement de nouvelles structures. Chiffres pour chiffres, Ould Lafdhal revient à la charge pour évoquer le taux de déperdition scolaire qui serait, selon lui, de 40%, le taux d’échec au Bac, de l’ordre de 90%, le chômage à plus de 30% et les très insignifiants 3% que la Mauritanie obtient de l’exploitation de ses ressources minières par Tasiast et MCM qui rapatrient, elles, chaque année, des milliards au Canada et en Australie.

Bilan mitigé

Pourtant, on peut dire que les deux hommes n’étaient pas si opposés que cela. Ould Lafdhal reconnait, dans les faits, des réalisations mais comme les professeurs méthodiques et pédagogues, il dit que le pouvoir  » pouvait mieux faire « . En multipliant par trois ou quatre les réalisations dont il s’enorgueillit aujourd’hui.

Dispersion des efforts et mauvaise gestion sont alors mises en cause par un Ould Lafdhal qui n’a pas voulu se laisser  » noyer  » par le déluge des chiffres dont Ould Javaar qui apparemment s’était renseigné, avant de monter sur le plateau, de ses données fétiches, celles que tout bon responsable du gouvernement ou cadre de l’UPR brandies pour donner le change aux critiques de la COD.

Disons, pour départager les deux champions de la majorité et de l’opposition radicale, que les chiffres livrés par la BCM, dans le  » Bulletin trimestriel des statistiques du 1er trimestre 2012 « , dénotent d’un bilan mitigé si l’on s’en tient uniquement au volet économico-financier de la gestion des affaires de l’Etat depuis l’arrivée de Mohamed Ould Abdel Aziz au pouvoir. D’ailleurs, on a l’impression que, derrière l’exposition de ces données, se cache la volonté de montrer une sorte  » d’avant  » et  » d’après  » l’élection présidentielle de juillet 2009.

Entre 2006 et 2011, les chiffres sont éloquents mais, contrairement, à ce que laissent penser certains responsables, ils ne plaident pas tous en faveur du gouvernement actuel. Si, comme on ne cesse de le répéter, les indicateurs macroéconomiques dénotent d’une amélioration, il y a certaines données qui ne font pas honneur à l’action du gouvernement pour la promotion du secteur privé.

Les chiffres qui font la fierté du pouvoir sont d’abord, on peut s’y attendre, le PIB aux prix du marché, passé de 736.265 (en millions d’ouguiyas) en 2006, à 1.184.342 (en millions d’UM) en 2011, avec une évolution constante sauf en 2009 où il est descendu à 794.185 (en millions d’UM) contre 854.818 (en millions d’UM), en 2008. Ensuite, les activités extractives : 218.918 millions d’UM (2006), 182.978 (2007), 244.378 (2008), 184.990 (2009), 330.707 (2010) et 449.057 (2011). L’extraction des produits pétroliers est, elle, en chute libre sans que cela pousse les autorités à arrêter, expliquant cela par l fait que le seuil où la rentabilité frôlerait le seuil zéro n’a pas encore était atteint. Ainsi, de 132.361 (en millions d’UM), en 2006, on est arrivé en chute libre à 54.274 (en millions d’UM) en 2011.

Pour illustrer ce que l’on peut considérer comme le revers de la médaille, il suffit de voir le marasme qui caractérise aujourd’hui le secteur des activités manufacturières, où il n’y a pas de données pour les deux dernières années, et celui du commerce, restaurants et hôtels qui a perdu 50% de ses revenus en cinq ans passant de 81.423 (en millions d’ouguiyas), en 2006, à seulement 40.602 (en millions d’UM), en 2011.

Pour autant, c’est l’évolution de l’indice harmonisé des prix à la consommation (IHPC), passé de 129,9 (base 100 = avril 2002), en 2006, à 187,7, en mars 2012, qui donne une véritable idée de l’écart entre la primauté donnée au marché et à la macro-économie par le gouvernement alors que l’opposition axe sa critique sur des éléments qui montrent qu’ils sont beaucoup plus concernés par la dimension sociale (mesure du pouvoir d’achat, inclusion partielle de la consommation non monétaire). En fait, la polémique tourne toujours autour de cette histoire de verre à demi-plein ou à demi vide.

MOMS

Source  :  L’Authentique le 18/09/2012

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