Kaédi. Valse des ministres, rencontres et politiques

(Kaédi. Crédit photo : anonyme)

Au cours de cette période hivernale propice au tourisme intérieur, Kaédi, le chef lieu de la région du Gorgol, a vu défiler, sur instructions du chef de l’Etat, comme il se doit, la moitié des ministres du gouvernement, venus, disent-ils »rencontrer les populations ».

Frisant le cirque itératif et ennuyeux,chaque réception commence avec un détachement de la Garde nationale, pour la levée des couleurs, suivi des chefs de service, en rangs bien serrés, tripotant, indifféremment, les mains des ministres. Après la tout aussi cérémoniale encontre en la salle de conférences de la mairie qui s’ouvre, invariablement,par un mot de bienvenue du maire, le rituel, bien dirigé par le wali, peut alors commencer.

Développement rural : face à l’évidence, les paysans déchantent

Samedi 11 août, c’était au tour du ministre du Développement rural, souvent assailli par les problématiques récurrentes des PPGI et PPG, d’exhorter les paysans de ces deux entités agricoles à mieux s’investir, pour bien exploiter les opportunités offertes par les pouvoirs publics. Il a indiqué qu’en 2009, l’Etat a supporté plus de 50 % de leurs dettes, dont le reste est reporté en 2014, et rappelé la politique de protection du paysan qui consiste à garantir le prix du paddy. Le ministre a également souligné la volonté de l’Etat à mettre à disposition des intrants de qualité, en quantité, et les travaux confortatifs réalisés dans les deux périmètres pilotes.

Au regard de ces efforts , le premier responsable s’est adressé à la population paysanne avec des mots très simples, pour un changement d’attitude qui tranche avec attentisme et la passivité jusque-là valorisés, hélas, sur fond de pauvreté, par bon nombre de paysans. Sous la houlette du wali, Cheikh El Hadrami, des échanges poignants, aux allures de débat contradictoire, entre le président du PPGII et les paysans, ont pu éclairer l’opinion sur bon nombre de déclarations pompeuses qui cachent, mal, le problème de ces comités. Le ministre, qui a entretenu l’assistance des réalisations de son département, a aussi mis en selle le futur recadrage du Crédit agricole, avant d’annoncer la clôture, par grillage, de la « Chemama », entre Kaédi et Lexeïba. Il faut noter qu’à Boghé, le taux de recouvrement est de 100 %, alors qu’au PPGI et PPGII, il n’est, respectivement, que de 57 % et 53,7 %, soit, dans les mêmes proportions, 473 ha éligibles, sur un

total de 703, pour le PPGI, et 650 ha, pour le PPGII, sur une superficie à emblaver de 1700 ha, pour la campagne

en cours. Parmi les blocages qui nuisent au bon déroulement de celle-ci, il faut citer la mauvaise planification des comités qui ignorent leur potentiel de tracteurs, pour répondre aux besoins de labour, sans compter sur des appuis

extérieurs.

Au terme de ces échanges, entre le ministre et les populations paysannes, celles-ci ont semblé apprécier la franchise

de leur interlocuteur, tout en redoutant l’issue future des parcelles impayées qui pourraient bien changer d’exploitant. Dans le domaine de la santé animale, le ministre a insisté sur le suivi du cheptel, en termes de vaccination, avant de souhaiter un linkage entre élevage et agriculture qui sont, plus que jamais, aussi complémentaires qu’antinomiques. Dans cette perspective, il a préconisé une intégration entre les deux secteurs, sans toutefois oublier de mentionner le manque de rentabilité de notre élevage, encore peu tourné vers l’intensif.

Au suivant !

12 août 2012, c’est au tour d’Ismail Ould Bedde Ould Cheikh Sidiya, ministre de l’Habitat, urbanisme et aménagement du territoire, de se plier au rituel. Accompagné d’une forte délégation, comprenant le directeur de l’agence ISKAN, Ould Jaafar et autres hauts-responsables de son département, le ministre a mis en exergue les  » priorités des programmes de développement  » dans la wilaya du Gorgol, sous la conduite du raïs Ould Abdel Aziz.

Dans ce registre, il a cité la voierie urbaine de Kaédi, l’extension et la modernisation des quartiers précaires, la construction d’un hôpital de référence de cent cinquante lits : autant de réalisations mesurant « l’intérêt qu’accorde le président de la République à la wilaya ».

Dans ses échanges, le ministre a suggéré, à propos de l’accès à la propriété foncière, la mise en place d’une commission

présidée par le wali qui aura la charge de répondre, au plan local, aux besoins des populations, via une démarche citoyenne qui tienne compte des nouvelles règles d’attribution, conformes aux lois en vigueur.

Prenant la parole, le patron de l’agence ISKAN a indiqué son intention de clôturer le projet. Une mesure qui sonnera,

du coup, le glas sur la gazra à Kaédi. Il a déclaré que la restructuration du quartier Tinzah est quasiment achevée, avant d’informer les participants des perspectives de sa politique d’habitat qui se basera, entre autres, sur la réalisation de logements sociaux au bénéfice des populations, dans les limites de ses moyens, et la mise en place d’un fonds d’appui à l’habitat,

Après la réunion, le ministre et sa délégation se sont rendus sur différents ouvrages du ministère en cours de réalisation

ou déjà réalisés, pour, a dit le premier responsable,  » constater d’éventuelles insuffisances « .

Et au finish ?

Chaque ministre commence par décliner les raisons de son arrivée, passe en revue, avec un soupçon d’autosatisfaction, les réalisations de son ministère et termine par le problème de l’enrôlement qui constitue, à les entendre, un beau prétexte de sensibilisation, reprenant, mot à mot, les expressions du chef de l’Etat, lors de son show médiatique du 5 août. Fidèles à sa pensée, ils jouent sur toutes les cordes pour justifier l’opération, sans manquer d’apporter des piques à une  » certaine opposition « , à une  » certaine opinion « . Les réponses des ministres, souvent vagues, demeurent toujours logées dans cette coquille de promesses qui leur sert de bouclier et leur permet de ne prendre aucun engagement, avant de consulter le chef, sur la nécessité ou l’opportunité de la décision.

Cependant et de façon générale, les échanges ont été directs, souvent très virulents mais certainement nécessaires,

pour l’ancrage de la démocratie, entre le sommet et la base, même si un scepticisme, relatif à un fort arrière goût

d’irréalisable, pince au plus profond des participants, quant à l’aboutissement de solutions appropriées.

Au cours de cet exercice de « direct » dont le concept est, en soi, plus que salutaire, il n’en demeure pas moins que son effectivité, sur le terrain, frisant la médiocrité, se résume à une propagande politique uniquement soucieuse des échéances électorales prochaines.

Si l’occupation de l’espace, par les responsables politiques, est un choix judicieux, pour remonter le moral des troupes,

les populations dont ils prétendent améliorer la situation restent très loin de leur tribune, au point qu’on s’interroge sur la nature – réalité ou fiction ? – de telles immersions qui font, certes, des vagues politiques mais dont l’ébranlement s’arrête aux murs de mairie.

Pour franches et directes que soient ces communications, on ne perçoit, en effet, aucun plan d’actions adossé aux spécificités du Gorgol, aucune vision susceptible de susciter et d’entretenir l’espoir, pour un développement d’une région trop longtemps vendue sous le label de la pauvreté, aucun signe prometteur qui ferait, de la wilaya, par sa position et son potentiel diversifié, un pôle de développement. Comme si les mots, seuls, rien que les mots, fondaient la richesse et la croissance…

Les visites se succèdent et se ressemblent, en cette période de morosité où la pauvreté s’installe, plus que jamais, les agriculteurs en peine cherchant quelque blé pour survivre, les prix, instables, en croissance exponentielle, les fonctionnaires et les pensionnaires attendant des fins de mois de moins en moins arrosés, sous le regard indolent de la ménagère au panier troué.

Toutes choses qui montrent bien, par ailleurs, l’absence de stratégie concertée, en dehors de la propagande électoraliste,

entre les différents ministères et donc de l’action gouvernementale mais, aussi et surtout, le décalage entre la réalité et les discours, entretenus par les uns et les autres.

 

BIRY DIAGANA CP GORGOL

 

° D’aucuns pensent même que la contribution de la radio locale pouvait résorber ce déficit dans le but de faire participer le plus grand nombre. Aussi, pour des raisons de commodité républicaine la plupart des communications qui devraient respecter les différentes langues de l’auditoire sont faites, pour l’essentiel en  » arabe -hassaniya  » créant du

coup une certaine frustration pour une partie des participants.

Source  :  Le Calame n° 846 du 14/08/2012

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