Guidimakha Republic

(Crédit photo : anonyme)

Deux semaines à peine après l’adoption par le parlement mauritanien d’un important protocole international contre la torture, les traitements inhumains, cruels et dégradants, voici les échos qui nous parviennent du Guidimakha qui rappellent à notre naïve crédulité qu’il y a un énorme fossé entre l’adhésion aux instruments internationaux et leur application.

En effet, selon nos confrères de la presse électronique nationale, des familles à Ould Yengé se sont insurgées contre des actes de torture que des gendarmes auraient infligés à deux jeunes villageois suspectés d’avoir cambriolé une boutique dans le hameau. Si l’on en croit ces sites, des tortures commises par les hommes en treillis contre ces pauvres « suspects » auraient conduit à l’hospitalisation de l’un d’entre eux alors que les deux autres seraient toujours gardés à vue dans les locaux de la gendarmerie dans des conditions peu amènes, vu leur « piteux » état ! Plus grave, à voir la liste complète des suspects (dont trois auraient été relâchés), l’on ne peut s’empêcher de penser à un délit de faciès comme est désormais l’habitude dans ces contrées de l’arrière pays où votre appartenance tribale, régionale ou ethnique peut vous transformer en un criminel endurci et aigri dans l’esprit de certains représentants de l’autorité et des agents de « l’ordre » étatique !

En réalité, ce genre de faits et comportement est très fréquent dans la région du Guidimakha qui, depuis 1989, vit dans un état de siège permanent où certains représentants de l’Etat, souvent épaulés par des eunuques « politiques » locaux ou « boostés » par d’influents commerçants ou encore « sponsorisés » par des chefs tribaux écoutés, exercent leur magistère en dehors de la loi. Partout et dans tous les domaines, les populations subissent le dédain, le mépris et l’abus d’autorité de la part de ceux qui sont envoyés par l’Etat pour établir l’ordre, la justice, garantir l’exercice des droits et la sécurité de tous.

Que ce soit au niveau administratif, sécuritaire ou judiciaire, le Guidimakha est une « République » à part. On dirait même qu’elle est une zone franche administrativement et une zone de non droit où les agents de la force publique sont assez fréquents qui agissent à leur guise, commettent des dépassements, des bavures et des violations de droits en toute impunité. Ils spolient les terres, dressent les communautés les unes contre les autres, prennent partie pour des groupes contre d’autres, nient les droits des uns et attribuent à d’autres plus que leurs droits ; le tout au détriment des règles d’équité et d’égalité entre citoyens, pourtant égaux devant la loi qu’ils sont censés servir et au nom de laquelle les populations leur doivent respect et déférence.

Depuis les années de braise, les populations locales du Guidimakha sont soumises au diktat des administrateurs incultes, des sécuritocrates sans vergognes, des magistrats injustes et des commerçants véreux et tribalistes. Ce quarteron qui opprime les populations n’en a cure des « orientations » de la « Direction nationale », ni des plus élémentaires règles de droit. Il n’en fait qu’à sa tête dans cette « terre conquise ». Et si certains représentants des populations ont « l’outrecuidescence » de se plaindre, ils sont punis, privés de leurs droits et souvent même emprisonnés, comme ce qui était arrivé à un groupe qui avait battu le pavé à Nouakchott en 2008 pour dénoncer les abus de droit que les différents responsables des « services » de l’Etat commettent par la spoliation de leurs terres, la privation de l’état civil, l’exercice abusif de l’autorité, la négligence du fonctionnement des secteurs vitaux, et j’en passe. Sûrs de ne jamais subir le rappel nécessaire à l’ordre, ni de répondre disciplinairement ou pénalement de leurs agissements, les « agents » s’adonnent à leurs agissements destructifs en toute arrogance et désinvolture. Une fois là-bas, ce sont eux qui font la loi. Chacun selon ce que bon lui semble et selon les méthodes les plus à même de lui assurer l’autorité qui lui ouvrirait les portes de la « richesse ». Là-bas, l’’Etat, c’est eux ! Exclusivement eux !

Et comme un malheur ne vient jamais seul, au Guidimakha, même les redoutables responsables du parti-Etat -qui font la pluie et le beau temps ailleurs, ayant souvent même la primauté sur les représentants de l’Etat- ne pèsent rien devant les gendarmes ou la police et encore moins l’administration. Récemment, c’est le fédéral du parti-Etat qui fût presque mis en garde à vue à la brigade de Sélibaby pour avoir osé intervenir en faveur d’une connaissance, dans une banale affaire !

Le fait est assez « anodin » dans le Guidimakha pour ne pas être cité. Il en dit long sur le « poids » des autochtones, même bien « enrôlés » dans les maillons du système, aux yeux des allochtones pressés de s’enrichir que l’Etat envoie dans la région.

Les cas de torture révélés récemment à Ould Yengé ne sont donc que le prolongement d’une longue série de souffrances, de disparitions, de mauvais traitements, d’abus d’autorité sur fond de corruption, de racisme et de mépris des règles de la République que subissent, de manière ininterrompue, les populations du Guidimakha depuis « les années de braise ». L’état même de la prison de Sélibaby résume, à lui seul, cette triste et terrible vérité. Et les choses qui se passent en « cachette » sont encore pires !

Ici, le peu de justice à partager entre les citoyens » n’a pas encore eu d’échos. L’Etat de droit dont les gens entendent, de temps en temps là-bas, à l’occasion du passage d’une délégation du gouvernement ou du « parti » reste un slogan creux. Et il le restera probablement encore pour longtemps, tant que l’Etat continuera de nommer des agents qui confondent servir loyalement au nom de l’autorité qui leur est conférée avec se servir des populations à soumettre, par le feu et par le sang, à leurs desiderata !

Amar Ould Béjà

Source  :  L’Authentique le 24/07/2012

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