Mauritanie: les ambiguïtés du calendrier des prochaines législatives pour Ould Aziz

(Crédit photo : anonyme)

C’est officiel maintenant, le président Ould Aziz vient de nommer cette semaine ses trois membres du conseil constitutionnel qualifiés d’intègres et de compétents par les observateurs en attendant la nomination de deux autres par le président de l’assemblée nationale et un par le président du Sénat.

Une décision qui intervient quelques jours après la mise en place de la Commission nationale indépendante des élections (CENI) et s’inscrit dans le cadre de la préparation des prochaines législatives et municipales tant attendues par les mauritaniens surtout par la classe politique. Mais aux yeux de l’opinion publique et de l’opinion internationale, le manque de décision qui entoure le calendrier de ces échéances électorales depuis juillet 2009 suscite beaucoup d’interrogations et devient une équation pour l’opposition en particulier qui réclame le départ du président de la république.

En nommant cette semaine ses trois représentants au conseil constitutionnel Ould Aziz prépare tout doucement les prochaines législatives dont le calendrier n’est pas encore fixé. C’est la pièce la plus importante du puzzle qui manquait après la mise en place récemment de la Ceni(commission nationale indépendante des élections), une sorte de garantie de transparence pour ces futures consultations. Le chef de l’Etat donne ainsi le ton en choisissant des hommes compétents et intégres Cheikh Saad Bouh Camara, Kane Souleymane et Abidine Ould Taki en attendant que le président de l’Assemblée nationale choisisse ses deux conseillers et le président du sénat son unique représentant. L’importance de cette juridiction autonome à 6 n’est plus à démontrer. Le conseil constitutionnel a jusqu’ici joué son rôle au premier plan en censurant par exemple le parlement en 2010 c’est à dire en déclarant anti-constitutionnel une dizaine d’articles sur 53 sur le terrorisme. Un satisfecit pour l’opposition qui a été à l’origine de ce recours. Et une année plus tard, le conseil prorogeait de six mois le mandat parlementaire actuel pour éviter de plonger le pays dans le vide juridictionnel. Et cette situation anachronique visiblement du fait de la longue durée du mandat au-delà des cinq ans qui suscite la méfiance des juristes et fait l’objet de controverses au sein de l’opposition et de la société civile. A deux ans de la fin du quinquennat, la Coordination de l’Opposition démocratique aurait mille raisons de douter d’un calendrier que le président lui-même a concocté politiquement pour l’affaiblir. Pour les principaux chefs de l’opposition, l’infatigable Ould Daddah du RFD, le convalescent Ould Maouloud de l’UFP et l’énigmatique Ould Mansour de Tawassoul, le chef de l’Etat n’inspire plus confiance et fait courir des risques d’implosion sociale à la Mauritanie. C’est tout le régime de Ould Aziz qui tourne à vide. Ainsi la reconquête du pouvoir par la rue est un objectif clairement affiché avec en toile de fond le départ du président de la république. Cette hostilité a installé un doute sérieux dans la tête du locataire de la Maison brune qui a laissé entendre qu’il ne briguerait plus un second mandat. Passée cette séquence c’est la garantie de transparence des prochaines législatives qui hante le chef de la magistrature et au centre de toutes les interrogations essentielles qui traversent la société mauritanienne. Cela veut dire qu’il devra urgemment mettre des bouchées doubles pour finir l’opération de l’enrôlement des populations dont l’une des finalités est la mise en place d’un fichier électoral fiable. Et imaginer également une porte de sortie avec l’opposition .Cette deuxième hypothèse est plus facile à dire qu’à faire car elle supposerait un véritable débat sur la mal gouvernance démocratique dont les derniers évènements d’Akjoujt, le procès contre l’esclavage de Ould Abeid en cours, le simulacre de procès des salafistes d’Al Qaïda constituent des exemples édifiants d’injustice. Trop d’ingérences au plus haut sommet de l’Etat pourraient rendre illusoires les deux institutions clés pour la démocratie : le conseil constitutionnel et la Céni. Tout cela n’annonce pas des lendemains faciles. On pourrait même craindre des élections difficiles si l’opposition les boycottaient. Pour l’instant Ould Aziz ne semble pas se faire des soucis avec une opposition désunie et avide de pouvoir. Il peut compter sur les « dialoguistes » de l’APP, d’El Wiam et de Sawab pour légitimer la révision partielle de la constitution sur la criminalisation des coups d’Etat et de l’esclavage en Mauritanie. Et l’adoption récente d’un nouveau statut de l’opposition par le parlement lui donne de quoi pousser les ailes prochainement pour faire face à un seul chef de file de l’opposition. Le nouveau conseil constitutionnel pourra l’aider certainement à lever les ambiguïtés qui entourent le calendrier des législatives et municipales prochaines et convaincre sa capacité de terminer son quinquennat.

Bakala Kane

(Reçu à Kassataya le 22/07/2012)

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