La Libye tient véritablement à « récupérer » l’ancien responsable des renseignements de feu Ghaddafi, mort à l’issue de la Révolution libyenne qui a emporté son régime. Et si nos relations bilatérales ne semblent pas au beau fixe avec les qataris, autre source de promesse d’investissements à la table-ronde de Bruxelles, il est difficile de penser que les autorités libyennes, au pouvoir actuellement puissent, en raison même de l’effort de reconstruction de leur pays, toujours en proie à des affrontements intertribaux, sortir l’argent promis.
Pourtant, le gouvernement libyen, par le biais de Absalam Triki, autre proche de Ghaddafi, avait annoncé une contribution officielle de son pays aux sollicitations de financements du gouvernement mauritanien, pour un montant de 500 millions Usd. Le sixième environ de toute l’enveloppe. Néanmoins, le Conseil National de Transition (CNT) serait à toutes les « folies» pour mettre la main sur ce gros poisson, tombé, comme par enchantement, dans l’escarcelle des servi ces de la police d’immigration, en mars dernier alors qu’il venait du Maroc voisin. Après l’arrestation de Seif El Islam Ghaddafi, El Senoussi, 62 ans, fait désormais figure de la pièce manquante du puzzle de quarante ans de règne de l’ancien guide libyen. Le concerné avait été inculpé par la justice mauritanienne de « falsification de document de voyage » et entrée illégale dans le pays.
Le CNT revient à la charge !
Après des émissaires dépêchés au lendemain de l’arrestation de Senoussi à Nouakchott, ce faut autour du chef du Conseil national libyen de transition (CNT), Moustapha Abdeljalil, de réclamer, lundi, à la faveur d’un échange avec le président Aziz, l’extradition d’Abdallah al-Senoussi. Le président du CNT avait déjà, en mai 2012, assorti la poursuite de la coopération bilatérale de l’éventualité de cette extradition. Selon une dépêche de l’Afp citant des sources diplomatiques, le président du CNT aurait « expliqué à son interlocuteur (mauritanien) l’importance pour son pays de voir Abdallah al-Senoussi, ex-pilier du régime de Mouammar Kadhafi, extradé dans son pays ». Mais, se souvient-on, dans une interview diffusée sur la chaine française Tv5-Rfi-France24, le président Aziz démentait les assertions libyennes de leur avoir donné l’assurance d’extrader le détenu vers la Libye. L’affaire de Senoussi reste donc encombrante d’autant que la France (attentat de l’Uta de 1989), la CPI sous la charge de « crimes contre l’humanité veut le faire passer au Box des accusés.
De quoi s’inquiéter quand on sait que les libyens font de l’extradition du pilier du régime libyen déchu de Mouammar Kadhafi, une condition sine qua non d’une normalisation avec le régime en place. Malgré donc la mise en place du comité interministériel chargé du suivi de la table-ronde et en raison des difficultés de mobilisation conséquente sur les 3,2 milliards de dollars américains sur trois ans promis, les 22 et 23 juin 2010, à Bruxelles, le constat est que l’Etat n’a jusqu’ici reçu que des miettes. Essentiellement des subsides obtenus au compte-goutte auprès des institutions internationales et des pays occidentaux. Le conflit libyen comme l’arrestation de Senoussi pourraient susciter des dommages collatéraux!
Faible marge de manœuvre ?
Face donc à tant de convoitises, comment l’Etat mauritanien va-t-il enfin se décider pour se débarrasser de El Senoussi ? Dans tous les cas, il semble que l’attitude du CNT soit la plus intransigeante sur la « suite à donner » à sa requête. Le cas libyen reste certain le plus au moins pour trois raisons objectives. La première semble être l’appartenance des deux pays au regroupement de l’Uma, qui ne peut souffrir d’une éventuelle complication dans les relations mauritano-libyennes. La seconde serait la reconnaissance même à l’endroit d’un peuple frère qui a tant souffert des atrocités d’un régime totalitaire dont Senoussi reste un symbole. Mais dans ce cas de figure, le CNT devrait, comme il semble d’ailleurs le faire avec Seif El Islam Ghaddafi, donner les garanties d’un procès équitable au concerné. Enfin une dernière raison et certainement pas des moindres, même si elle reste mercantiliste, les avoirs libyens et les financements possibles en Mauritanie, au moment où les qataris semblent faire marche-arrière par rapport à leur programme d’investissement dans le pays, devraient convaincre pour ne pas dire contraindre les autorités à favoriser la piste libyenne de l’extradition de Senoussi. Alors wait and see !
JD
Source: Le Quotidien de Nouakchott
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