Matala, un ancien esclave devenu planton de SOS Esclave

(Crédit photo : Awa Seydou Traoré / Mauritanies1)

La Mauritanie est un pays où l’esclavage se pratique encore malgré une lutte anti esclavagiste bien organisée et la mise en place d’une loi criminalisant cette pratique dont des mauritaniens comme Matala Ould M’Bareck a été victime.

Ce phénomène « néfaste » dont « l’élite mauritanienne n’a pas le courage de dénoncer » selon Boubacar Messaoud, Président de Sos Esclave, une organisation anti esclavagiste lancé en 1995, persiste à cause notamment à la mauvaise volonté des pouvoirs publics de le prendre en considération, l’acharnement dans le déni et le camouflage de l’esclavage, le manque de dépôt de plaintes contre les esclavagistes. La dénonciation des cas d’esclavage pourrait permettre à des gens comme Matala de retrouver le reste de sa famille vivant encore dans le campement de Lemghaiti.

Matala Ould M’Bareck est un mauritanien, un ancien esclave. Aujourd’hui, marié et père de trois enfants, il ignore son âge ainsi que le nombre d’années passées avec ses anciens maitres .Il vit à Nouakchott depuis quelques années et nourrit l’espoir de voir ses parents libérés un jour des geôles de l’esclavage.

 

Matala, un ancien esclave, devenu planton de Sos Esclave

Originaire d’un patelin situé à la frontière Mauritanie Sahara (vers l’Algérie), il est né esclave : « Depuis que je suis né, j’étais esclave » témoigne –t-il en Hassaniya pour décrire l’ignorance dans laquelle il a vécu durant des années, lui et le reste de sa famille, selon le bon vouloir de ses maitres. Mais il ya quelques années, Matala, après une longue révolte et une fuite programmée, décide de s’échapper pour gouter aux délices de la liberté, comme son frère l’avait fait avant lui. Apres une longue marche vers la liberté de Lemghaiti à Zouerate, il croise en 2004 le chemin de SOS Esclave, une des premières organisations de défense des esclaves dont il est aujourd’hui le planton. Retour sur l’itinéraire d’un ancien esclave qui rêve de l’abolition de l’esclavage en Mauritanie.

 

Une vie d’esclave

Dans un passé lointain Matala a été le berger et la bonne à tout faire de ses maitres, comme le reste de sa famille. Il n’a jamais été ni à l’école moderne, ni à l’école coranique. Alors que ses maitres envoyaient leurs enfants à l’école.« Nous n’avions pas ce droit là, on faisait traire les animaux dont on donnait le lait aux maitres, je puisais de l’eau, je brulais le charbon » tel était son quotidien dans cette partie du monde où régnait la domination de l’oppresseur sur l’oppressé avant un écho des antiesclavagistes.

Un jour, des gens venus de la Mauritanie loués par ses maitres, ont tenté de persuader Matala O. M que l’esclavage est une forme de commerce de l’homme dont le crédo est : « travailler sans droit ».

Une pratique dont il était périlleux de se débarrasser car les maitres avaient un droit de vie ou de mort sur leurs sujets « Nous ne savions pas que la liberté existait nous sommes nés et nous avons grandi dans cette pratique, on ne pouvait pas fuir car certains de nos proches ont été abattus lors qu’ils ont été retrouvés par leurs maitres » ..

A Lemghaiti il vivait séparé de ses parents, il ne voyait ces derniers que lorsqu’il suivait le troupeau, ses maitres lui interdisait de voir ses proches et se donnaient le privilège de le frapper pour manifester leur suprématie « J’étais un berger, un esclave qui devait obéir aux ordres de mes maitres ».

 

.La révolte de Matala

Depuis qu’il était petit, il cherchait une solution pour fuir, une solution qui ne permettrait pas à ses maitres de le retrouver, une option difficile à mettre à œuvre parce qu’il vivait dans le désert, ne connaissait d’autres villes, ni d’autres pays. Il entendait parler de la Mauritanie mais ne savait pas où se trouvait ce pays, son pays. C’est ainsi qu’il continuait à chercher la solution jusqu’à que son grand frère, Ethmane, parvienne à fuir. Par mesure de sécurité, ce dernier était nommé Said. Un départ qui l’a réconforté dans sa volonté d’obtenir sa liberté.

Comme dans beaucoup de cas, ses maitres faisaient croire que Said était mort, pour qu’il ne suive pas son exemple, mais plu tard la famille de Matala a obtenu des informations qui disaient que Said vivait et avait commencé une nouvelle vie, une vie d’homme libre ;

Une révélation qui renforça la conviction de Matala à s’échapper des grilles de ses maitres. Mais en attendant il fallait agir avec précaution pour ne pas alerter le soupçon des maitres confie ce dernier. En attendant, l’heure de délivrance : « j’ai continué à chercher une solution meilleure, par ce qu’il ya des esclaves qui ont fui mais malheureusement, ils ont été abattu par leurs maitres devant moi, je connais là où se trouve leur tombe ».

Aprés des années de service loyaux, il commençait à se révolter lorsque ses maitres torturaient ses parents devant lui, mais face aux pratiques subies par ses proches, Matala raconte qu’il pouvait tolérer d’être esclave mais « ridiculiser mes parents devant moi, sans que je ne sache rien faire, était insupportable à mes yeux.

Les souvenirs inoubliables qui hantent encore Matala sont les tortures que ses parents ont subies devant lui. « Quoi qu’il arrive, je n’oublierai jamais ces actions maintenant, je les ai laissé dernière moi, Dieu seul sait comment vivent mes parents».

 

Les pas de Matala vers la liberté

Matala comme les prisonniers de la série « Prison Break » a longtemps programmé sa fuite. Après plusieurs tentatives, un jour, il dirigea son troupeau sur une voie routière, juste à coté d’une base militaire nommée la base de Moukeiti, sous le commandement de la région de Zouerate .Une croisade durant laquelle il fait la connaissance d’un militaire haratin nommé Slame (lors d’une patrouille). Ce dernier à qui il raconta son histoire a promis de ne pas le livrer à ses maitres sans son accord. De Bir-mougren, Matala a été envoyé à la gendarmerie de Zouerate où il sera placé sous la protection du waly (soupçonné de tentative de camouflage de cas d’esclavage). De là deux missionnaires de SOS Esclave sont rentrés en contact avec Matala pour dénoncer le cas d’esclavage dont ce dernier à subi.

Durant cette traversée, « c’était difficile pour moi car le préfet n’acceptait pas que je monte dans une voiture, j’ai été surveillé, ne parlait et s’approchait de personne Même lorsque je suivais mon troupeau, des gendarmes me suivaient par mesure de sécurité » dit-il en croisant son bras. Plu tard il devient tout à tour berger, journalier dans un dépôt de brique, jardinier, domestique, vigile après ses retrouvailles avec son frère Said qui s’est marié avant de devenir chauffeur à Nouadhibou. Quelques temps plus tard, grâce à une intervention d’un certain Yacoub, à l’époque maire de Zouérate, deux agents Jemoua Ould Meyssara et Ethmane de Sos Esclave sont venus le chercher au cours d’un rendez-vous nocturne pour qu’il aille à chez B.Messaoud à Nouakchott.

En général Sos Esclave vient en aide aux anciens esclaves par des soutiens symboliques à travers le financement, la collecte de fonds, la prise en charge médicale et l’hébergement ,note B. Messaoud qui témoigne que son association « aide les gens à s’en sortir » selon ses moyens grâce à la mise en place d’un centre de formation des anciennes esclaves ouvert par semaine 3/6.Un espace où les anciennes victimes de l’esclavage sont initiées à la couture, la cuisine et l’alphabétisation.

 

Matala le combat pour l’insertion

Matala un ancien esclave, qui se rappelle toujours avec amertume de sa vie antérieure, travaille depuis 2006 à SOS Esclave comme planton, où il gagne désormais par mois soixante dix mille UM en attendant de construire son terrain.

Une autonomisation qui pourrait lui permettre un jour de promouvoir à son tour le droit des personnes livrées à l’esclavage sous toutes ses formes : « Cette vie est meilleure mais je ne suis pas heureux, car mes parents, mes frères et mes sœurs sont toujours privés de la liberté, en plus torturés à tout moment que les maitres sont mecontents » se désole Matala Ould M’Bareck.

Mais en attendant, il souhaite avoir les moyens d’apprendre pour mieux s’insérer dans la vie sociale en espérant qu’un jour ses parents seront libérés de l’esclavage comme lui.

 

Awa Seydou Traoré

Source  :  Mauritanies1 le 01/07/2012

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