Solution négociée au Mali:Un leurre ?

(Le premier ministre malien, Cheikh Modibo Diarra, en visite à Noukchott le 16 Juin 2012. Crédit photo :AMI)

Le Premier ministre du pouvoir de transition au Mali, Cheikh Mobido Diarra, était à Nouakchott, la semaine dernière, à l’occasion d’une tournée sous-régionale, comportant, également, les étapes d’Alger et de Niamey, le tout entrecoupé d’un détour par Paris.

Devant son territoire en éclats – deux tiers de celui-ci sont, en effet, occupés par des groupuscules islamistes bénéficiant de la caution politique d’Ansar Dine et du Mouvement National pour la Libération de l’Azawad (MNLA) – Bamako compte, d’abord, sur la négociation. Une option clairement apparue à Nouakchott, qui serait encouragée par certains pays voisins, prêts à s’impliquer en vue de rapprocher les positions.

De fait, pour les autorités de Bamako, « tout est négociable, sauf l’intégrité du territoire national et la laïcité de la République ». Les responsables du MNLA et d’Ansar Dine ont fait le voyage de Ouagadougou, pour rencontrer le président Blaise Compaoré, médiateur désigné par la Communauté des Etats De l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Une délégation du mouvement dirigé par Ag Ghali, allié d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), le véritable occupant du terrain, était attendue à Nouakchott, en vue de nouer le fil du dialogue avec les autorités maliennes. Une nouvelle qui n’a été confirmée par aucune source officielle ni même officieuse.

Cette intense activité diplomatique paraît, cependant, en total décalage avec la réalité du terrain, où la disparité des groupuscules, aux objectifs parfois diamétralement opposés, ne plaide guère pour la restitution, à l’autorité centrale malienne, des deux-tiers de son territoire. Du reste, l’histoire politique et militaire du Monde n’offre aucun exemple d’un pays qui serait parvenu à reprendre, par la négociation, la moindre partie d’un territoire perdu lors d’une guerre. Devant ce constat implacable, pourquoi le gouvernement malien traîne-t-il les pieds, continuant à croire au leurre d’une solution négociée ? La réponse à cette interrogation semble se trouver dans la présence, encore prégnante, d’un pouvoir militaire de fait, prolongement du coup d’Etat du 22 mars dernier. Car l’arrivée d’une force extérieure, chargée d’aider l’armée malienne dans sa reconquête du Nord, sécuriserait, de surcroît, les institutions de la Transition, écartant, de tout pouvoir, le capitaine putschiste Amadou Haya Sanogo qui bénéficie, manifestement, de certains soutiens.

La voie des armes

Outre la République malienne, l’autre perdant de la crise actuelle est, très certainement, la galaxie regroupant les différentes rébellions touarègues qui ont montré, à la face du Monde, leur incapacité à administrer un terrain laissé à une nébuleuse terroriste, seule dépositaire, en réalité, de la force militaire. La détermination des Occidentaux à chasser les combattants de l’internationale des barbus venus de tous les pays musulmans, dans le but de fonder un nouvel Aqministan, n’en est que plus vive. L’avis contraire d’Alger et de Nouakchott, prônant, l’un et l’autre, une négociation qui suscite de plus en plus d’interrogations, n’y changera strictement rien, n’apportant que de l’eau au moulin de la présence des forces américaines et françaises au Niger qui a supplanté la Mauritanie, dans l’alliance avec les Occidentaux. Déjà, des drones survolent régulièrement le Nord-Mali et auraient commencé à bombarder des convois islamistes.

Face à l’urgence, le président du Niger, Mamadou Issoufou, de plus en plus proche de Paris, depuis l’arrivée, à l’Elysée, de ses camarades socialistes, apparaît comme le tenant de la fermeté et de la ligne dure. Il ne voit, à l’occupation du Nord-Mali, aucune autre solution que militaire. Même position chez le général Lamine Cissé, ex-ministre de l’Intérieur du Sénégal, ancien chef d’état-major (sous le régime Diouf), qui a également été représentant spécial du secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) en Afrique de l’Ouest. Doté d’une solide expérience dans la gestion des crises militaires et sécuritaires en Afrique, le général appelle à une action rapide en insistant, toutefois, sur « la qualité des renseignements, avant l’envoi des troupes de la CEDEAO au Nord-Mali », dans un entretien avec l’hebdomadaire Jeune Afrique.

Amadou Seck

Source  :  Le Calame le 25/06/2012

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