Administration : Ces ministères et commissions inutiles

(Crédit photo : Noor Info)

Certains ministères et commissions ne justifient pas leurs rôles dévolus. Non pas que ces ministères ne devraient pas exister, mais dans le contexte actuel de crises sociale et politique, leur mainmise déclarée par l’exécutif, ou la faiblesse de leurs activités, posent question.

Tour d’horizon (non exhaustif) de ces ministères et commissions inutiles.

«Commission pour la taille de la pierre tendre» (si si ça existe!) . Vous trouverez cette pancarte à l’entrée de cette fantomatique organisation sise en face de l’ambassade russe à Nouakchott. Personne à l’intérieur, si ce n’est un obscur planton, qui ne sait pas lui-même dans quelle structure il travaille. «Il n’y a jamais personne ici» dit-il laconiquement.

C’est l’extrême de l’inutilité de certaines structures administratives. Dans une moindre mesure, mais tout aussi réellement, d’autres organes présentent aussi peu d’activités, de dynamisme, depuis trois ans.

Prenons le ministère de la culture, de la jeunesse et des sports, dirigée par l’ancienne directrice du tourisme, Cissé Mint Cheikh Ould Boyde. Aujourd’hui on dit que l’institut français de Mauritanie et le centre culturel marocain, sont les ministères de la culture en Mauritanie. C’est ironique, mais justement révélateur. Voilà un ministère, qui depuis bientôt trois ans, ne fait strictement rien, sans hyperbole aucune, pour dynamiser et faire briller les cultures de ce pays.

Les rares activités organisées ces dernières années sont relatives à de la propagande, comme le festival pour l’unité nationale l’an passé, ou encore à un passéisme borné sur les villes anciennes.

«C’est bien un tel festival. Mais baser toute la force vive des cultures mauritanienne, et sur une éventuelle grandeur, sur l’histoire de villes qui certes ont été importantes mais sont dépassées, témoignent bien de l’état délabré dans lequel se trouve la culture, telle que perçue en tout cas par les autorités. On ne veut pas prendre le risque de débrider les esprits !» déplore un artiste peinte mauritanien.

L’actuel ministère de la justice, tenu par Abidine Ould Kheïr, surnommé le Cerbère d’Aziz par la rue nouakchottoise, pourrait bien être littéralement confondu avec la Présidence.

Depuis l’avènement de Mohamed Ould Abdel Aziz, l’ordre national des avocats, la société civile, les citoyens simplement, et même certains magistrats, dénoncent l’inféodation du judiciaire à l’exécutif.

Le point d’orgue de cette symbiose contre-nature démocratique est bien vu à travers l’affaire dite «de l’incinération des livres de rite malékite» par le président de l’IRA, Birame Ould Abeid : Devant une foule déchaînée, le président de la République, à qui on reproche son manque de communication, sort de son palais, en petit boubou blanc, et devant cette foule, promet que la justice punira de façon exemplaire Birame, dont le procès est fixé au 27 juin prochain.

«C’est une annexe de la Présidence, et son rôle n’est plus plein, et impartial» critique Ahmed Salem Bouhoubeyni, président de l’ordre national des avocats.

Un autre ministère, satellite de la Présidence, et dont la nature est encore plus suspecte : Le ministère des Affaires islamiques et de l’enseignement originel d’Ahmed Ould Neini, qui prépare fatwa et décisions religieuses en fonction de la mouvance présidentielle. Quand le religieux se mêle au politique.

«Cette structure ne sert qu’à légitimer religieusement, pour les plus simples d’entre nous, des décisions ou tendance politiques du parti au pouvoir» explique un éditorialiste local. «A l’heure actuelle, ce ministère ne sert à rien, vu que les pseudo-religieux qui la régissent, craignent plus le pouvoir temporel politisé, que celui divin» termine-t-il.

Dans le ciel étoilé de la Présidence, où la plupart ne brillent pas, le ministère des affaires étrangères et de la coopération de Hamady Ould Hamady figure en bonne place.

Entre le dossier syrien, celui de l’Union Africaine, la gestion épidermique et hasardeuse de la crise malienne, à ses débuts, avant de s’aligner sur la position française, ces errements ont rappelé que si dans tous les pays, la politique étrangère d’un pays est impulsée par le Président himself, le ministère qui l’applique doit être actif.

«L’inactivité a été une des raisons de notre cuisante défaite face au Maroc pour l’obtention d’un siège de non-permanent au conseil de sécurité de l’ONU l’an passé : nos diplomates ne bossent pas. Ils ont attendu le dernier moment pour les tractations. Du coup, je peux vous assurer que la diplomatie mauritanienne n’est pas du tout respectée dans le monde entier !» soupire un cadre du MAEC.

Moulaty Mint El Moctar est la ministre des affaires sociales, de l’enfance et de la famille. Si le personnage est apprécié pour sa discrétion et son humilité, celles de son ministère le sont de trop. Les activités dont il est sensé s’occuper, ne sont jamais dynamisées. L’UNICEF, le PNUD ou les ONG locales se substituant trop à lui.

«Mme Moulaty Mint El Moctar, ministre des affaires sociales, de l’enfance et de la famille a supervisé mardi à Nouakchott l’ouverture des travaux du deuxième forum international du réseau des femmes élues localement en Afrique». C’est la formule médiatique qui revient le plus souvent pour annoncer les activités de ce ministère, qui semble borné à théoriser l’évolution de la condition féminine, et à participer aux mille et un ateliers mauritaniens, qui ne servent qu’à brasser vents et marées, et porte-feuilles.

Pendant ce temps, les enfants talibés jonchent les rues de la capitale, comme jamais auparavant, et les actions privées pour juguler ce phénomène, comme celles de Mariam Diallo, et son centre d’aide, ne reçoivent aucune aide du ministère sensé être sa tutelle.

Le cas du ministère de la communication et des relations avec le Parlement de Hamdi Ould Mahjoub est moins prononcé : Comme pour la justice, un des reproches à l’encontre du pouvoir d’Aziz, est son déficit total de communication, sur tous les plans. «A la limite, ils s’en foutent !» sourit un journaliste de la place, qui égrène le black-out en amont du lancement des opérations de recensement, qui a mené à bien des problèmes dont on aurait pu faire l’économie ; ou encore celui sur les opérations de lutte contre les opérations d’AQMI l’été passé, ou encore le silence coupable du même état quand les bagarres ont éclaté il y a deux ans entre étudiants négro-mauritaniens et beydanes à l’université de Nouakchott.

Ce sont des moments charnières, où l’Etat doit être visible, et entendu.

Pourtant le ministre s’efforce de donner des couleurs à sa structure, ne serait-ce qu’au regard des multiples et vastes ateliers organisés avec l’aide de l’Union Européenne, pour la presse mauritanienne, ou son aide (limitée) vis-à-vis de la presse indépendante.

«La vérité, comme pour tous les ministères auxquels vous vous intéressez, c’est que le Président cloisonne et dirige tout, absolument tout. Leurs marges de manœuvre sont réduites» soutient le journaliste.

Sur le trône de l’inutilité, où la dispute est rude, le ministère délégué auprès du Premier ministre chargé de l’environnement et du développement durable de Amedi Camara, joue des coudées franches.

Pour l’analyste financier qu’il est, évoluer dans un tel domaine, relève d’une aberration sans nom pour ceux qui l’ont nommé. Et les rares activités liées à des signatures de conventions pour des projets de « préservations » et/ou de « réhabilitations » d’environnements naturels, mettent bien en lumière, comme pour les autres ministères, l’asynchronisme des compétences, des missions liées, et des marges de manœuvres pour arriver aux objectifs théoriques.

«L’homme (ou la femme) qu’il faut à la place qu’il faut » ; peut-être qu’un jour cela titillera les synapses de nos dirigeants. Ou plutôt (pour les céphalopodes au sommet de l’état), « que chacun s’occupe de son enclos et les moutons seront bien gardés ! ».

Mamoudou Lamine Kane

Source  :  Noor Info le 20/06/2012

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