Depuis qu’il a commencé ses virées auprès des principaux leaders de la COD (Coordination de l’opposition démocratique), le président du parti Alliance Populaire Progressiste (APP) et président de l’Assemblée nationale Messaoud Ould Boulkheïr fait l’actualité,
avec son projet de gouvernement d’union nationale qu’il porte en bandoulière comme la panacée qui pourra sortir la Mauritanie de la grave crise politique dans laquelle elle se débat.Après ses entrevues avec Ahmed Daddah, le Chef de file de l’opposition démocratique, Moussa Fall et Mohamed Ould Moustapha Ould Beddredine, les analyses et les contre-analyses sur sa démarche se succèdent. Il faut dire que beaucoup mettent en exergue les récentes sorties virulentes de Ould Boulkheïr vis-à-vis de ses anciens camarades de la COD à qui il semble aujourd’hui vouer un subit intérêt, alors que la rupture entre eux était presque consommée. Aussi, beaucoup ont perçu dans cette « Ziarra » une sorte de repentance pour avoir écorné quelque part l’image iconoclaste que l’opinion lui avait jusque-là collé en tant qu’éminent homme politique de l’opposition mauritanienne.
On se rappelle en effet des critiques virulentes, presqu’au bord de l’insulte, de Messaoud contre son ancien camp, et les spectaculaires fleurs qu’il ne cesse de jeter sur Mohamed Ould Abdel Aziz et sur son régime, dont il était pourtant, il y a quelques mois l’un des plus imperturbables détracteurs. Mais Messaoud avant le mini dialogue politique à carré restreint n’était plus le Messaoud d’avant. L’accueil qui a été réservé à ses dissidents au sein de la COD marquait le point de non retour, si bien que les louanges de Messaoud Ould Boulkheïr envers Aziz et son pouvoir étaient plus des coups portés contre ses anciens amis que des fleurs jetés au régime en place. Il faut dire que l’APP subissait des saignées sanglantes depuis l’arrivée de Aziz au pouvoir, avec le départ du courant nassériste sous la houlette de Khalil Ould Teyib, puis après le dialogue solitaire avec le pouvoir, le départ de l’aile Hor sous la conduite de l’ancien ministre Ould Borboss et du syndicaliste Samory Ould Beye. Ces deux dissidences ont provoqué un véritable séisme au sein du parti APP. Quelques analystes croient ainsi percevoir dans cette crise qui avait traversé le parti et le départ de certains de ses dissidents à la COD, un motif de colère qui le portait dès lors à offrir à Mohamed Ould Abdel Aziz et à son régime, ses services de communicateur pour leurs causes. Il offrait ainsi au régime une arme qu’aucune autre force ne pouvait suppléer. Symbole incontournable de la scène nationale et véritable icône de l’opposition politique, quel autre allié de taille que lui auquel le régime aurait pu rêver ? C’est ainsi que Messaoud Ould Boulkheïr est parvenu à diaboliser comme personne d’autre ne pouvait le faire, une COD qu’il qualifia sur toutes les tribunes de la République, de bandes de radicales qui cherchent à saper la stabilité et la paix civile en Mauritanie. Quelle aubaine pour le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz ! La guerre était désormais ouverte, entre l’opposition dite radicale sous la houlette de la COD et l’opposition dialoguiste amené principalement par Ould Boulkheïr et Boidiel Ould Houmeid. Le pouvoir arbitrait le match entre ses deux adversaires politiques. La crise avait atteint une telle acuité que l’inquiétude commença à sourdre au sein de la majorité, dont une partie commençait à réclamer un dialogue bis pour apaiser la scène nationale et éviter le clash.
Seulement, l’escalade enclenchée par la COD, avec les marches, les meetings populaires et les sit-in avaient enflammé la rue mauritanienne avant même que les fruits du dialogue politique n’aient été récoltée. S’ajoute à ce malaise, l’incapacité de Ould Abdel Aziz à distribuer les dividendes de ce dialogue à l’heure où ses alliés passaient aux yeux de l’opinion comme des « traitres » à la cause. L’attente devenait d’autre part trop longue pour les postulants au gâteau national, eux qui devaient patienter jusqu’aux prochaines élections, dont la date reste une grande inconnue, pour savoir s’ils avaient droit à un siège autour de la table. Ce privilège serait en effet réservé aux seuls partis qui auraient prouvé leur poids politique, selon les scores engrangés à la suite des scrutins. Un défi pour l’opposition dialoguiste, notamment l’APP qui perdait du monde et El Wiam dont le leader Boidiel a déjà fort à faire dans son fief, face à son principal conçurent Ould Boilil.
Enfin, Messaoud et ses alliés de l’opposition dialoguiste réunis tout récemment au sein d’une Coalition pour l’alternance pacifique sont conscients de la fragilité des accords qui les lient à une majorité nullement vertueuses en matière de respect des engagements. La preuve, la lettre d’Ahmed Ould Samba, un cadre proche de l’APP qui avait brandi les risques d’un basculement dans la radicalité, pour voir Ould Abdel Aziz s’empresser de boucler l’accord qu’il avait conclu. Un véritable jeu de roulette russe.
JOB
Source : L’Authentique le 18/06/2012
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