Financement : Le mélange des genres

(Crédit photo : AFP)

Qui finance quoi ? Cette question mérite aujourd’hui d’être posée.

Sa réponse doit servir, en principe, à faire le départ entre les financements provenant de l’étranger (qu’ils soient APD, IDE, dons ou prêts) et ce que nos gouvernants appellent, pompeusement,  » financements sur fonds propres « .

Il est étonnant que la  » référence  » gouvernementale à la capacité de l’Etat à financer ses propres projets ne soit plus si récurrente que par le passé. Ce qui est mis en avant aujourd’hui par certains députés de la Majorité, comme c’est le cas pour la discussion du projet de financement de la route Néma – Bassiknou – Fassal, c’est la capacité du Gouvernement à inspirer confiance aux bailleurs pour qu’ils consentent à lui prêter des montants faramineux que les générations futures seront en charge de payer.

Ce mélange des genres est on ne peut plus clair, encore s’agissant même de ce que le gouvernement appelle  » financements propres « , comme l’a souligné, hier, lors du débat sur la construction de la route allant de Néma à Fassala, le député Rfd, Yacoub Ould Moine, quand il a évoqué la mobilisation de 500 millions d’UM par le Port Autonome de Nouakchott dit Port de l’Amitié, pour entrer dans le capitale d’une société de production de sucre, ou encore quand la même structure a été sommée par le président Aziz, de souscrire, avec la SNIM et la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) au capital de Mauritania Ailines International (MAI), société qui bat de l’aile aujourd’hui. Un montage similaire a aussi permis de lancer, dans la précarité et la précipitation la société de transport public (STP) qui est aujourd’hui soutenue à bras le corps par l’Etat et certains privés pour ne pas déposer son bilan.

C’est dire que le financement des projets en Mauritanie manque de visibilité. On ne parle de ces montants que le jour où l’on en débat au Conseil des ministres ou à l’Assemblée nationale.

L’on comprend bien que le Budget de l’Etat ne puisse pas être fragmenté pour dire que tel ressources ayant telle origine soit affectée uniquement à tel dépense, mais il est évident que pour éclairer l’opinion publique nationale, il est nécessaire de donner une certaine lisibilité à tous les financements. L’objectif étant de ne pas faire croire que l’Etat arrive à mobiliser des ressources internes suffisantes alors qu’il ne fonctionne, à près de 60%, que grâce à l’APD et aux prêts !

Retrouver le chemin de tous ces milliards

« Il n’y a plus d’argent « , dit tristement le citoyen lambda. L’argent est là, rétorque le gouvernement mais il va maintenant dans le financement de projets de développement à haute utilité publique. Qui croire ? Tentons un bilan pour voir plus clair dans cette affaire de financements.

Au moment où le président Mohamed Ould Abdel Aziz entamait sa visite à Néma, en juin 2011, pour le lancement de plusieurs projets de développement, la Banque mondiale annonçait le décaissement, sur trois ans, de quelque 330 millions de dollars US (environ 89 milliards d’ouguiyas) et le FMI délivrait un satisfecit retentissant pour la gestion économico-financière du pays. Un satisfecit qui vient d’être réitéré, il y a à peine un mois, et qui augure de lendemains meilleurs pour les mauritaniens ! Mais au rythme où vont les choses, il y a de fortes craintes de voir perdurer la situation de crise dont les conséquences sur le mode de vie des populations sont visibles à l’œil nu.

Ce qu’il faut comprendre à la longue, c’est cette situation équivoque : Les financements arrivent, c’est certain, mais la misère s’accentue de jour en jour. Les populations ne cachent plus leur désarroi face à l’incapacité du gouvernement à bien gérer la manne provenant de l’aide publique au développement (APD) mais aussi des investissements directs étrangers (IDE). Trop de programmes, tue les programmes, serait-on tenter de dire, pour paraphraser le dicton qui dit  » trop d’impôt tue l’impôt « . C’est une impression de dispersion généralisée qui empêche les mauritaniens d’avoir une vision claire de l’action du gouvernement qui ramène tout au programme électoral du président Aziz, sans que l’on sache, véritablement, par où commencer et où s’arrêter. Au niveau de Nouakchott, l’orientation des investissements (sur financement de l’Etat ?) vers les infrastructures routières et les lotissements sociaux (pour mettre fin au phénomène des gazras) ainsi qu’à une supposée amélioration des services de santé ressemble à cette face visible de l’iceberg qui n’arrive pas à cacher l’océan de misère et de détresse de la plupart des populations vivant dans les quartiers périphériques de Nouakchott. Y compris ceux qui font la  » fierté «  du gouvernement considérant qu’ils sont l’antithèse de tout ce que les régimes précédents avaient entrepris dans le domaine de l’habitat social. Les  » performances «  évoquées par le ministre des Affaires économiques et du développement, Sidi Ould Tah, avec les missionnaires du FMI, allant même au-delà du triomphalisme du gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie (BCM), Sid’Ahmed Ould Rayess, ne peuvent servir de trompe la faim à des citoyens qui tirent le diable par la queue et ne comprennent plus rien à la propension de leurs gouvernants de tout regarder suivant le prisme déformant des données macroéconomiques et non de leur vécu. Le riz, le sucre, le blé et l’huile coûtent tellement chers aujourd’hui que l’on ne prête plus attention à ces goudrons se voulant une pâle imitation de ceux des grandes villes d’Europe, d’Amérique, d’Afrique et d’Asie. Une telle  » attraction «  (que les Nouakchottois ont pris l’habitude d’appeler  » les goudrons d’Aziz « ) n’attire plus les regards et les commentaires de ceux qui voyaient déjà les chantiers du  » changement constructif «  faire de leur capitale le New York de l’Afrique ! Les misères de la vie, l’incapacité pour bon nombre de pères de famille de joindre les deux bouts, même quand ils versent dans le système D (chauffeurs de taxi, à mi ou plein temps, courtiers dans le monde compliqué de l’immobilier et des bourses de voitures,  » Nokta sakhina  » ou  » marché Tieb-tieb « ), font dire à la plupart de ces  » damnés de la terre «  qu’il faut bien que le gouvernement change de fusil d’épaule et pense à l’essentiel. Goudrons et nouvelles villes (Ribat El Bahr, Chami, Termessa, Nbeïket Lahwach, Rosso) peuvent attendre que passe la tempête. La menace de la sécheresse persiste et ce n’est pas en pensant à rattraper le temps perdu, dans le domaine des infrastructures qu’on s’attirera les voix, aux prochaines élections municipales et législatives, d’éleveurs, agriculteurs et de citoyens pauvres qui ont des préoccupations de survie.

Sneiba Mohamed

Source  :  L’Authentique le 04/06/2012

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